Au cours des travaux de la CEC en mars 2004, il est apparut que des plaintes de Rwandais pouvaient être "remontées" en France. Les témoignages filmés par Georges Kapler, envoyé au Rwanda par la CEC, contribuèrent à cette prise de conscience.
Le Docteur Annie Faure, présente au Rwanda du 28 avril au 23 juillet 1994 avec Médecin du Monde. Auteur de « Blessures d’humanitaire » Balland 1994. Représentante et ressource financière des plaignantes auprès de leur avocate raconte :
En 2004, 10 ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, l’association Ibuka (association de rescapés à Kigali) alerte l’association Survie de témoignages de femmes Tusti sur les violences sexuelles exercées par les militaires français de l’Opération Turquoise. Elles désirent porter plainte contre les auteurs de sévices.
Ces femmes Tutsi se disent victimes de viols et de tortures multiples lors de leur séjour dans les camps de réfugiés de Murambi et Nyarushishi, où elles avaient trouvé refuge après l’extermination de leur famille en juillet et aout 1994.
Mai 2004 : Survie dépêchent rapidement 2 personnes Assumpta Mugiraneza, rwandaise enseignante à l'université à Paris, et moi-même.
Juin 2004 trois plaintes de femmes Tutsi victimes, 2 témoignages des militaires des Forces Armées Rwandaises (acteurs du génocide) visités en prison, et un témoignage d’un jeune rescapé sont recueillis et confiés à l’avocat de Survie.
Juillet 2009, Cinq ans après le dépôt de plainte, l’instruction judiciaire étant au point mort, j’estime nécessaire de reprendre en charge ces plaintes et de les confier à un autre avocat.
Dans un premier temps, je sollicite le député Noël Mamère depuis toujours dénonciateur de la complicité d’une poignée de décideurs politiques français au génocide des Tutsi. Mais sa fonction de député lui interdisant d’attaquer l’Etat français, je me tourne vers Maitre Laure Heinïch, avocate réputée, journaliste à Rue 89, auteur de « Porter leur voix » édition Fayard, très au fait de la spécificité de la cruauté et du déni du crime de viol.
Après un premier entretien avec son assistante Clotilde Lepetit, la machine judiciaire se met en marche.
2 avril 2010, la juge d’instruction du Tribunal aux Armées de Paris (le TAP) Florence Michon décide d’instruire ces plaintes pour viols et tortures perpétrées par les militaires de l’Opération Turquoise.
Il s’agit d’une plainte contre X de l’armée Française pour :
« Crime contre l’humanité »,
« Participation à une association de malfaiteur en vue de la préparation d’un crime contre l’humanité »
Mai 2010, le Parquet fait appel.
Treize septembre 2010 : la Chambre d’instruction rejette l’appel.
Juin 2011 : les 3 plaignantes Olive* Diane* et Françoise* sont convoquées à Paris pour une audition avec le Juge Frédérique Digne du Tribunal aux armées de Paris. Malheureusement le lendemain de leur arrivée, le juge Digne est hospitalisé et les auditions sont annulées. Les 3 femmes sont entendues par les Docteurs Caroline Eliacheff, et Jacqueline Augendre, psychiatres, médecins expertes auprès des tribunaux. L’entretien est long, épuisant moralement pour les 3 femmes, les médecins et l’interprète Espérance Patureau. Les conclusions sont formelles sur la crédibilité des plaintes : ces 3 plaignantes ne sont « ni manipulées, ni manipulables ».
Elles profitent de leur semaine pour voir longuement leur avocate et sont reçues dignement à l’Assemblée Nationale par Christiane Taubira alors député investie dans la cause et Noël Mamère. Ces trois plaignantes mesurent à Paris l’indignation et le soutien de français autour d’elles représentée par notamment l’association Ibuka, le collectif féministe (contreviolsrwanda@yahoo.fr), les journalistes
Décembre 2011, les 3 plaignantes sont de nouveau officiellement convoquées par le Tribunal aux Armées de Paris par le Juge Digne.
Deux d’entre elles Diane* et Olive*sont auditionnées par le Juge Frédéric Digne. Leurs auditions convainquent le juge de poursuivre l’instruction sur les chefs d’accusation retenues par la juge Florence Michon.
Lors de ce second séjour en France, elles sont entendues à l’Assemblée Nationale par la député PS du XVII du PS Annick Lepetit. La, encore Olive* et Diane* vivent le soulagement puissant d’être reconnues comme des victimes à part entière et le regard posé sur elles mêlent compassion et admiration.
La troisième plaignante Françoise* empêchée de se déplacer à Paris en novembre 2011 sera auditionnés au Rwanda en juin 1012.
Par la suite, le Tribunal aux Armées de Paris a fermé. Les plaintes des femmes sont maintenant instruites par la structure judicaire « le Pole génocide », les juges chargés du dossier sont le juge Claude Choquet et Emmanuelle Ducos.
Septembre 2012 Trois nouvelles plaintes de femmes Tutsi ont rejoint les 3 premières. L’une déposée en septembre 2012, la plaignante a été auditionnée à Kigali.
Juin 2014 Les 2 dernières plaintes par les femmes Tutsi ont déposées en juin 2014 ont été acceptées en janvier 2015 et jointes aux plaintes précédentes. A l’heure actuelle, à ma connaissance elles n’ont pas encore été auditionnées par les juges du Pôle Génocide, ni fait l’objet d’expertise médico psychologique. .
Janvier 2015 La Licra se constitue partie Civile sous l’impulsion d’Alain David et du Président de la Licra, maitre Alain Jakubowicz
L’évolution de ces plaintes est intimement liée à l’identification des militaires français par leurs victimes et à la détermination sans faille des juges face à l’Armée française et aux Mitterrrandistes inquiets.
L’enjeu de ce procès est historique, grave, inédit et crucial : il ne s’agit pas moins de reconnaitre la complicité active de l’armée française donc de son chef en 1994, le Président François Mitterrand et du gouvernement Balladur au génocide des Tutsi du Rwanda.
Pour le moment l’armée se refuserait à fournir aux juges du Pôle Génocide qui le réclament le trombinoscope des soldats de la Légion étrangère notamment présents dans les camps concernés de Murambi et Nyarushishi. Or sans cette étape indispensable, c’est à dire sans la possibilité d’identifier un seul des accusés, le procès ne pourra pas avoir lieu.
Cette affaire a intéressé quelques journalistes dont :
Benoit Collombat, et David Servenay Interview France inter juin 2011.
Maria Malagardis, Au rwanda une seconde guerre d’algérie Slate Afrique
Christophe Rigaud Rwanda : Report de l'audition des trois plaignantes contre l'armée française
Marie Kostrz rue 89 « génocide rwandais : trois Tutsi accusent les français de viols ».
Presse écrite
Sarah Halifa Legrand pour le nouvel Observateur,
Laurent Larcher « la Croix, « Trois femmes Tutsi accusent des soldats français de viols lors du génocide rwandais,
Leila Minano et Julia Pascual, Causette 2012 « de nouvelles victimes accusent des soldats français »Sophie Bouillon Causette 2012 « Des affaires judiciaires en terrain miné »
France 2 s’est déplacée pour interviewer Diane et Olive en novembre 2011; l’équipe de cameraman et de journalistes ont assuré les femmes de leur protection télévisuelle : visages floutées, noms cachés, lieux transformés. L’interview a duré longtemps. Je n’ai pas assisté à l’entretien ; Il a été terriblement éprouvant. Il n’a jamais été diffusé sur France 2. Lorsque j’ai appelé la journaliste, j’ai appris que des militaires français interrogés avaient niés les allégations de viols. La direction d’Antenne 2 s’est rangée du côté des militaires.
Troisième appel d'Annie Faure
novembre 2012
Docteur Annie FAURE
Cabinet Médical des Batignolles
4, rue Brochant, 75 017 Paris
Tél : 01 42 28 02 20
Fax : 01 42 26 70 67
Madame, Monsieur,
Je reviens vers vous pour vous informer de l’évolution de la procédure juridique suite aux plaintes des trois femmes tutsies sur les chefs d’accusation
de viols et de violences commis par les militaires français lors de l’opération Turquoise en juin 1994.
Actuellement deux des femmes ont été auditionnées par le juge d’instruction du Tribunal Aux Armées, Monsieur Frédéric Digne en décembre 2011. L’audition
a duré six heures chacune et a permis de confirmer la qualification du terme « crime contre l’humanité » et « participation à une association de
malfaiteurs en vue de commettre un crime contre l’humanité ». Pour mémoire c’est cette qualification qui avait fait l’objet d’un appel du parquet en mai
2010, appel rejeté en octobre 2010.
La troisième plaignante absente en décembre pour cause de maladie a finalement été auditionnée. Les conclusions de l’audition retiennent là encore la
qualification de « crime contre l’humanité ». Par ailleurs, ces trois femmes ont été examinées par les médecins experts qui ont conclu à la véracité de
leurs propos et estimé que leurs personnalités fortes et construites ne laissaient aucune place à une manipulation potentielle. .
Dans les nouvelles plus agréables, l’une des trois femmes est devenue maman d’un petit garçon, naissance qui lui a apporté le bonheur et une force
supplémentaire pour continuer le combat.
L’instruction se poursuit sous de bons auspices judiciaires et politiques.
En effet, Mme le Garde des Sceaux Christiane Taubira est la femme politique française qui s’est le plus engagée dans le soutien aux tutsis et l’exigence
de vérité sur la complicité de la France dans le génocide de 1994. J’espère qu’elle poussera au vote à l’Assemblée Nationale la reconnaissance
officielle du génocide des tutsis comme elle l’avait fait pour le génocide des arméniens en 2002.
L’avocate Me Laure Heinich-Luije est optimiste sur ce dossier vu la qualité des plaintes et des plaignantes. Nous espérons vivement que d’autres femmes
tutsies se joindront à ces trois plaintes.
Sur le plan financier votre première aide d’un montant de 6 000 euros environ m’a permis de financer les frais d’avocat qui s’élèvent à 11.000 euros,
ainsi que les billets d’avion dont une partie a été remboursée par le parquet. J’ai cofinancé les frais d’hébergement à Paris de juin et décembre et
envoie régulièrement des mandats de 150 à 200 euros à pour les aider à vivre. Les factures sont à votre disposition. .
Je me permets de faire appel à nouveau à vous pour me soutenir dans ce combat, en vous remerciant par avance de votre aide. Je vous rappelle que vos
dons ne pourront pas bénéficier d’une défiscalisation mais qu’ils seront tout de même les bienvenus.
Très cordialement,
Annie Faure
En mai 2004, trois jeunes femmes Tutsi décident de porter plainte contre l’armée française pour viols et tortures perpétrés par les soldats de l’opération Turquoise en juillet août 1994.
Rappelons que cette opération avait pour objectif déclaré de protéger les victimes du génocide, c’est-à-dire, a priori, les Tutsi.
Ces plaintes ramenées à Paris ont malheureusement erré de tribunaux en avocats pendant des mois et des années dans une certaine opacité sans aboutir. Elles n’ont pas été considérées comme justifiant une instruction et donc un procès en bonne et due forme.
Médecin humanitaire au Rwanda en 1994, ayant recueilli les plaintes en 2004, avec Vénuste Kahimaye et Assumpta Mugiraneza, en tant que membre de la Commission d’Enquête Citoyenne, et un peu énervée, j’ai pris la décision, en janvier 2009, de relancer ces plaintes en cherchant une autre avocate.
C’est finalement Laure Heinich Luijer, dont le nom m’a été donné par maître Catherine Mecary, proche de Noël Mamère, qui a pris le dossier en main avec une diligence et une efficacité remarquable : en effet, ce 4 avril 2010, les plaintes sont reconnues comme fondées et l’instruction, aux mains de la juge Florence Michon, est officiellement ouverte. L’armée française est poursuivie pour « crimes contre l’humanité ».
Les plaignantes sont bien décidées à aller jusqu’au bout, mais elles n’ont pas les moyens.
Pour l’instant je suis le seul support financier de ces plaintes.
Je fais donc appel à la générosité des individus ou des associations pour m’aider, soit par des chèques, soit en se portant partie civile.
On peut estimer un coût de 10 000 euros environ (mais je ne sais pas trop en fait...) dont j’ai réglé une provision.
Annie Faure
Deuxième appel d'Annie Faure :