France-Rwanda/Génocide
L’armée française dans le génocide :
deux notes
émanant de la Défense, restées secrètes jusqu’à ce jour
Kigali, 25 jan. (ARI) - Le correspondant en
France de
l’ « Agence Rwandaise d’Information », Serge Farnel, a
fait
savoir à notre agence qu’il venait de se procurer deux notes que la
Mission
française d’Information Parlementaire pour le Rwanda, chargée
d’examiner la
politique de la France au Rwanda de 1990 à 1994, n’a pas cru bon, il y
a dix
ans, de rendre publiques. Le premier document fait état du souci
de
l’armée de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant
pas
pour faire cesser les massacres dont ils sont alors les témoins
proches, tandis
que le second prouve que l’armée française savait, dès le 8 avril 1994,
que
lesdits massacres faisaient partie d’un plan génocidaire à l’encontre
de
l’ethnie tutsi.
Le
premier document porté à notre connaissance par
Farnel est la note N° 018/3°RPIMa/EM/CD (« Confidentiel
Défense »)
que le colonel français Henri Poncet adressa le 27 avril 1994 à
l’attention du
chef d’Etat-Major des Armées. Il y fait le compte-rendu de
l’opération
« Amaryllis », dont il assura le commandement au Rwanda du 9
au 14
avril 1994, une opération destinée à évacuer les ressortissants
français alors
présents à Kigali suite à l’attentat perpétré, trois jours plus tôt,
contre le
président rwandais Juvénal Habyarimana.
Dans
cette note, l’officier français fait savoir à
l’Amiral Lanxade que « les médias ont été présents dès le deuxième
jour de
l’opération. » Il ajoute que « le COMOPS [Communication
opérationnelle,
ndlr] a facilité leur travail en leur faisant deux points de presse
quotidiens
et en les aidant dans leurs déplacements. ». L’auteur de la
note
précise, par ailleurs, le « souci permanent de ne pas leur montrer
[aux
médias, ndlr] des soldats français limitant l’accès aux centres de
regroupement
aux seuls étrangers sur le territoire du Rwanda », tout en
précisant qu’il
s’agit là des provisions consignées dans la Directive n°008/DEF/EMA du
10
avril. Farnel révèle enfin que le Colonel Poncet fait mention,
dans sa
note, de l’autre « souci permanent de ne pas leur montrer [aux
médias,
ndlr] des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des
massacres
dont ils étaient les témoins proches. »
« Il s’agit déjà à cet endroit »,
nous
précise Farnel, « d’un aveu de non-assistance à personne en
danger. »
Mais un
compte-rendu, également révélé ce jour par
notre correspondant, rédigé celui-là le 19 avril 1994, conjointement
par le
Colonel Cussac et le Lieutenant-Colonel Maurin, relatif à
l’ « action
des AMT [Assistants militaires techniques, ndlr] » lors de
l’opération
Amaryllis, fait savoir que l’armée française savait, au moins dès le 8
avril
1994, que les massacres de Kigali ciblaient l’ethnie tutsi. Les
deux
officiers français y font en effet état, pour ce qui concerne la nuit
du 7 au 8
avril, d’une « nuit très agitée, ponctuée de nombreux tirs au
niveau du
CND [Conseil National pour le développement (parlement rwandais), ndlr]
mais
aussi dans toute la ville (exécutions des tutsi [sic]
et des personnalités
de l’opposition). » Aussi, nous a précisé Serge Farnel,
« l’armée
française connaissait-elle, au moins depuis le 8 avril 1994, le
caractère
génocidaire des massacres qui se déroulaient à Kigali. »
« Dans
cette perspective », a-t-il ajouté à
l’attention de notre agence, « la reconnaissance par le Colonel
Poncet
d'un souci permanent de ne pas montrer au médias des soldats
français n'intervenant pas pour faire cesser des massacres dont
ils
étaient les témoins proches, et dont ils savaient, comme l’indiquent
par
ailleurs formellement les officiers Cussac et Maurin, qu’il s’agissait
là de la
mise en oeuvre de l’extermination d’une ethnie, pourrait bien
constituer,
devant une Justice nationale ou internationale, une nouvelle preuve
constitutive d’une complicité de l’armée française dans le génocide des
Tutsi
du Rwanda. »
La
révélation de ces deux notes intervient la veille
de la visite du ministre français des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner, à
Kigali, dont l’objectif est de tenter de renouer les relations
diplomatiques
entre la France et le Rwanda. Les propos récemment tenus à
Lisbonne par
l’actuel président français, Nicolas Sarkozy, selon qui le génocide des
Tutsi
du Rwanda « nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos
faiblesses ou
nos erreurs », semblent bien, à la lumière de ces nouvelles
révélations, se
confirmer n'être qu’euphémisme destiné à minimiser la responsabilité
pleine et
entière de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda, tout en la
diluant
dans une responsabilité collective. [FIN]
ARI-RNA/DRC/G.A/25.01.08/17
: 00 GMT
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