Synthèse des auditions du 24/10/2006.


Kigali, 25/10/2006 : Au cours de la première journée
d’audition, trois témoins de contexte ont été entendus par
la Commission Nationale Indépendante chargée d’enquêter sur
le rôle de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda. Il
s’agit respectivement de l’ambassadeur Jacques Bihozagara,
du député Gatabazi Jean Marie Vianney, et du sénateur
Iyamulemye Augustin.

Représentant du FPR (Front Patriotique Rwandais) en Europe
de 1990 à 1994, ministre, ambassadeur du Rwanda en Belgique
puis en France, Jacques Bihozagara a décrit le rôle de la
France en trois étapes :
-    D’octobre 1990 à mars 1994 (avant le génocide) ;
-    D’avril 1994 à Juillet 1994 (durant le génocide) ;
-    D’Août 1994 à ce jour. (après le génocide).

Dans la première phase, Bihozagara accuse la France d’avoir
exacerbé le conflit rwandais en soutenant dès le début et
de manière inconditionnelle le régime qui sera peu après
responsable du génocide. Il formule six accusations
précises contre la France :

1° Avoir endurci les oreilles face aux efforts
d’explications du FPR et d’autres sources sur la nature du
régime de Habyarimana et les raisons profondes de la guerre
du FPR. Les officiels français ont préféré parler de «
guerre de l’Uganda contre le Rwanda pour créer l’empire
Hima-Tutsi » (Alain Jupé) ; de « guerre entre serfs et
seigneurs » (F.Mitterand) ;

2°  Avoir diabolisé le FPR en vue de l’isoler. Le général
Quesnot, conseiller à l’Elysée, serait à l’origine du
concept « Khmers noirs » pour désigner le FPR.

3° Avoir persécuté et humilié les responsables du FPR en
vue de les intimider et les décourager. Ici, Bihozagara
évoque l’incident de 1992, lorsque Paul Kagame, à la tête
d’une délégation du FPR en France sur invitation officielle
de ce pays, se fait arrêter et emprisonner pendant environ
10 heures sans explication, après que sa chambre d’hôtel
ait été violemment saccagée par des agents de sécurité
français.

4° Un parti-pris manifeste en faveur du régime Habyarimana.
Bihozagara cite ici deux exemples : la médiation de la
France en 1992 entre le FPR et le gouvernement de
Habyarimana où le FPR s’est rendu compte qu’il négociait
plutôt avec deux parties sans médiation, la France étant
plus radicale que les délégués du gouvernement rwandais.
L’autre exemple est que sur toute la durée des négociations
d’Arusha, il y avait un diplomate français à l’hôtel
Méridien d’Arusha dont le rôle était de conseiller la
délégation gouvernementale sur les positions à prendre ou à
ne pas prendre.

5° La France a livré une guerre médiatique sans merci
contre le FPR, notamment avec les reportages de RFI,
spécialement de Jean Hélène. Les journalistes de RFI qui
commençaient à comprendre et expliquer correctement la
nature du conflit rwandais étaient systématiquement
écartés.

6° La France s’est expréssement fermé aux cris d’alarme qui
annonçaient l’imminence du génocide, notamment le rapport
de la Commission d’Enquête Indépendante de 1993 conduite
par des organisations de défense des droits de l’homme, ou
encore l’interview émouvante de Jean Carbonare –qui faisait
partie de la Commission d’enquête en tant qu’individu
indépendant- sur France 2.

Durant le génocide, la France a usé de son influence pour
créer l’opération turquoise sous prétexte de secourir les
populations menacées de génocide. Et Bihozagara
d’interroger : « Est-ce que le site de Murambi qui héberge
aujourd’hui les restes des dizaines de milliers de victimes
du génocide en plein coeur de la zone turquoise, est-ce
cela la preuve que la France a assuré la sécurité de ceux
qu’elle était supposée venu sécourir ? »

Quant à la troisième phase (après le génocide), Bihozagara
accuse la France de s’être transformée en repaire des
génocidaires et d’offrir un terrain libre aux
révisionnistes et négationistes de tout poils. Il s’étonne
de l’endurcissement de la France là où des pays et des
organisations internationales avec une moindre
responsabilité dans le génocide ont préferé demander pardon
ou exprimer autrement leur compassion.

Le député Jean Marie Vianney Gatabazi était un agent de
l’administration territoriale basé à Byumba, près de la
zone des combats entre 1990 et 1994. Il accuse la France de
trois choses :

1)    Avoir directement participé aux combats. Les soldats
français de l’opération Noroît avaient un détachement de 30
à 40 personnes à Gatete (sur la route Base-Kinihira) et ils
utilisaient des armes lourdes installées à Kumurambo,
secteur Kabingo, commune Cyungo, contre les positions du
FPR.
2)    Avoir dispensé la formation militaire aux milices
responsables du génocide. Selon un témoignage recueilli en
mars 1994 d’un officier gouvernemental nommé Innocent
Mburuburengero, les Français ont d’abord formé une équipe
de Rwandais à Kotakoli dans l’ex-Zaïre. Et ces mêmes
rwandais ont formé à leur tour environ 600 miliciens à
Kibungo sous la supervision des instructeurs Français.
3)    Les militaires Français effectuaient des contrôles
d’identité et des perquisitions sur les barrières à
Nyabugogo (près de Kigali) et à Kirenge (vers Shyorongi).
Aux détenteurs des identités avec mention ethnique « Hutu
», les Français disaient : « passez ». Ceux avec mention
Tutsi étaient retenus pour interrogatoires près des
barrières, et dans la plupart des cas, on ignore ce qui
leur est advenu.

Le sénateur Iyamulemye a dirigé le service des
renseignements intérieurs à la primature entre 1992 et
1994. Il a révelé que les liens de la France avec le Rwanda
se consolident dès la prise du pouvoir par Habyarimana. Il
soutient que la France a soutenu militairement le régime de
Habyarimana avec octroi d’armes, formation, renseignement
militaire etc... .
Les rapports de renseignement établissaient la
participation directe des soldats français dans les combats
; avec des armes lourdes. Les militaires Français
contrôlaient également le Centre criminel de Recherche et
de Documentation où ils s’employaient à faire disparaitre
les traces et les preuves des crimes et violences dont la
montée était fort inquiétante. Les militaires français
participaient également aux fouilles et contrôle des
identités sur des barrières aux abords de Kigali.

L’ambiance générale de cette première journée d’audition
pourrait se résumer à deux aspects importants :
-    les dépositions des témoins Bihozagara et Iyamulemye  et
les séances de question-réponses qui ont suivi ont été plus
longues, plus détaillées et plus précises en termes
d’information.
-    Outre la confirmation des accusations habituelles contre
la France qui se recoupent chez tous les témoins du jour et
qui risquent de revenir encore souvent au cours de cette
phase d’audition des témoins de contexte, on peut retenir
quelques éléments nouveaux suivants :
-    Les soldats français contrôlaient le Centre Criminel de
Recherche et de Documentation également connu sous les
appellations tristement célèbres de « Criminologie » ou «
fichier central ». A ce titre, ils se sont rendus plusieurs
fois – et systématiquement – coupables de recel des preuves
de la criminalité et violence grandissante dans le pays à
l’approche du génocide (sénateur Iyamulemye).
-    Les soldats français venus rapatrier les étrangers au
début du génocide ont évacué par erreur les enfants
d’Agathe Uwilingiyimana (ex-Premier Ministre), les prenant
pour ceux d’Agathe Kanziga, épouse de Habyarimana. Arrivés
en France, ils se sont rendu compte de leur méprise et ont
chassé les enfants qui se sont retrouvés par la suite dans
un foyer de demandeurs d’asile en Suisse.

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Rwanda/Genocide

French ambassador declared ‘outright’ military support to
‘Government against enemies’

Kigali, October 25th (RNA) – A former employee of the
French Cultural Centre has told the probe team into
France’s role in making the Genocide a reality, that the
French Ambassador promised “outright” support to fight off
the Rwanda Patriotic Army (RPF) rebels to a “secret dinner”
of French and senior Government and military officials, RNA
reports.

According to Mr. Kayimahe Venuste, 56, around 1989, French
Ambassador Mr. Georges Martres told his high profile
audience that “enemies of Rwanda” were preparing an attack.
Martres added, as Kayimahe said, that France would not “let
down” Rwanda “finish off the non Rwandans”.

At the said “dinner”, the French diplomat “introduced
several French senior military officers” attached to the
Department of Military Assistance, through which
Rwanda-France military cooperation was channeled. Without
exact numbers, Mr. Kayimahe said the introduced officers
were later joined by a contingent of “additional troops
immediately after the RPF had launched its campaign in
October 1990”.

Kayimahe rose through the ranks of management at the French
Cultural Centre from 1975 when he joined the center till
the Genocide period. From his own deduction, this
essentially means he was the one that was in charge of
covering all functions that the French often held including
meetings the French often held with senior Rwandan military
and political officials. According to the description of
his duties, Kayimahe had the opportunity to “see” most of
the activities going on at the French Embassy.

The Centre is known for its French acronym ‘Centre Culturel
Franco-Rwanda’, in the city center, has auditorium,
theatre, several libraries and numerous office spaces. By
the period Genocide period, Kayimahe was an audio
technician with the center.

Unlike previous testimonies, when it looked clear that the
witnesses had prepared notes to read from, forth witness
Kayimahe seemed to have events clear at heart. Sometimes he
even read from publications he had brought with him. In
some instances his voice rose as he seemed to have a lot to
say within the short period allocated.

For 3 hours, yesterday morning, RPF historical Ambassador
Bihozagara delved more into the political and diplomatic
undertakings. Interestingly, Bihozagara rubbished all
publications by controversial French political historian
Pierre Pean and Cameroonian Charles Onana on the Genocide
in Rwanda. Apparently, according to Bihozagara, Onana was
student to Pean and that the French writer was actually a
“French spy”.

The RPF long-time diplomat said all that Pean has been
publishing has been information provided by “high profile”
Genocide fugitives currently benefiting from protection in
France.

Later for the evening, came former spy and post Genocide
Cabinet Minister, and currently Senator Iyamurmye Augustine
who dwelled at length with how the French controlled the
entire intelligence apparatus in the Rwanda between 1989
until bloody 1994.

For more than an hour, Mr. Kayimahe Venuste detailed how
the Habyarimana government benefited from French support
militarily and technically. His testimony portrayed that he
had actually suffered individually from abuse from
activities of the French.

However when it came to question time, most of the
commissioners sounded concerned about the events he had
narrated. The commissioners seemed to wonder how he managed
to get that information because he had not been a senior
official in attachment to the French Embassy.

Until October 31, the Mucyo team will be hearing what the
commission has referred to as ‘contextual witnesses’; those
that were in positions of responsibility anywhere. These
are at times believed to have not suffered directly from
the Genocide. In the next phase planned to run till early
next year, the direct victims of the activities of the
French instigated massacres before, during and after the
100-day horror as well as victims of the inhuman side of
the ‘Operation Turquoise’ in western Rwanda.

Mucyo is assisted by former FDLR rebel commander Brig. Gen.
Jerome Ngendahimana, while other members are Geraldine
Bakashyaka (Secretary), Prof. Jose Kagabo, Dr. Jean Paul
Kimonyo, Dr. Jean Damascene Bizimana and Alice Rugira.

Notable in hearings, no recording materials whatsoever are
allowed, not even telephones. Even state owned broadcaster
TV Rwanda was today denied rights to broadcast the hearings
live. The explanation according to sources has been that
witnesses would not feel free to speak. Witnesses have been
reserved right to request anonymous testimony.

As usual, this afternoon, witnesses include former Minister
Nyandui Désiré (now Député) and former an ex-FAR soldier.
(End)


Rwanda News Agency
www.ari-rna.co.rw