II ème phase des auditions de la Commission sur le rôle de la France dans le génocide.

 

Synthèse de la cinquième journée.

 

Kigali, 15 déc. (ARI) : La Commission Indépendante chargée d'enquêter sur le rôle de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda a entendu 6 témoins au cours de cette cinquième journée d'audition.

 

Témoin n° 24  : Anonyme

 

Identification  : Originaire de Butare ; simple paysan ; devenu Interahamwe durant le

                         génocide ; aujourd'hui détenu à la prison de Karubanda (Butare).

 

Eléments essentiels de son témoignage  :

 

1. Les Français ont supervisé la formation des Interahamwe au début du génocide à Kabutare,  

    et les ont encouragé à pourchasser les Tutsi qu'ils appelaient   « les Inkotanyi. »

 

2. Les Français ont encouragé la population de Butare à fuir en leur disant que les soldats du

    FPR allaient les tuer.

 

3. Les Français  torturaient et larguaient des gens à partir de leurs hélicoptères à Gikongoro.

    Le témoin déclare avoir été victime de ces actes à Murambi avec 2 collègues ; et avoir vu 8

    personnes ligotées dans les mêmes conditions à Kibeho.

 

Témoin n° 25  : Anonyme

 

Identification : Agé de 16 ans au moment du génocide ; originaire de Kibuye.

 

Eléments essentiels de son témoignage  :

 

1. A Rubengera (Kibuye), les soldats français violaient des filles parmi les déplacés. Le

    témoin affirme avoir fait le proxénète en fournissant   des filles aux français en contrepartie

    des biscuits et boites de conserve (beefs).

 

2. Dans le même camp de Rubengera, les soldats Français ont ordonné d'identifier les Tutsi en les appelant Inkotanyi. «  Ce sont eux qui provoquent la guerre et l'exil », disaient les Français qui annonçaient également qu'ils venaient secourir les Hutu. Le témoin dit avoir vu un groupe de 12 Tutsi sélectionnés du camp dans ces conditions, et il ne sait pas ce qui leur est advenu.

 

Témoin n°26  : Anonyme

 

Identification  : Enseignant du primaire à Gishyita ; devenu un Interahamwe de grand renom ;

                         a servi d'interprète au premier convoi des soldats français de l'opération

                         Turquoise à Bisesero autour du 27/06/1994.

 

 

Elément essentiels de son témoignage  :

 

1. Les soldats français de l'opération turquoise n'ont pas voulu secourir les Tutsi de Bisesero.

 

2. Les soldats français voyaient les Interahamwe tuer les Tutsi et   ils ont laissé faire.

 

3. Les soldats français ont battu un Tutsi à mort sur une barrière de contrôle d'identité à

    Cyangugu.

 

Témoin n° 27  : Anonyme

 

Identification  : Originaire de Bisesero (Kibuye) ; enseignant du primaire avant le génocide ;

                         c'est lui qui a parlé au premier convoi des soldats de Turquoise qui ont visité

                         Bisesero autour du 27 juin 1994.

 

Eléments essentiels de son témoignage :

 

1. Les soldats Français de l'opération Turquoise ont refusé de protéger les Basesero lors de  

    leur première visite. Ils les ont par contre exposés à une plus grande cruauté des tueurs qui

    ont intensifié leurs attaques durant les trois jours qui ont suivi.

 

2. L'opération Turquoise était tout sauf humanitaire, surtout pas pour les Tutsi.

    . « Quand ils sont revenus pour la deuxième fois le 30/06/1994, ils n'avaient ni la logistique

    ni le personnel d'une opération humanitaire : ce sont les jeunes rescapés susceptibles de

    recevoir des instructions en français qui ont administré les soins aux blessés (nettoyer et

    panser les plaies, etc…). Je n'ai pas vu un seul médecin français s'occuper directement des

    malades. »

    . « Pour les blessés graves évacués à Goma, j'ai appris plus tard que les français recouraient

    à l'amputation des membres pour la moindre blessure. Une plaie au bras ou à la jambe, et

    ils   vous amputaient le membre. Je connais un auquel on allait amputer la jambe et qui s'est

    sauvé. Aujourd'hui c'est un surveillant de prison valide, qui a fait beaucoup d'exercices

    physiques dans la suite. Un autre avait perdu deux doigts à la suite d'un coup de balle.  Ils

    lui ont coupé la main. »

 

3. Les soldats français ont soumis les blessés graves Tutsi Basesero évacués à Goma, à des

    traitements dégradants. « Ceux qu'ils ont évacué vers Goma, ils les ont installés

    indistinctement dans une grosse tente à l'aéroport de Goma : hommes, femmes, vieilles,

    enfants, … . Ils leur ont enlevé les guenilles qui leur restaient et les ont laissé complètement

    nus. »

 

4. Les soldats français ont coupé les vivres aux survivants de Bisesero pour la simple raison

    que ces derniers avaient choisi de rejoindre la zone gouvernementale sous le contrôle du

    FPR.

    «  Nous sommes restés ensemble pendant un mois. Un jour, le chef des soldats français me

    demande : voulez-vous rester avec nous ou rejoindre la zone gouvernementale ? Lorsque,

    après concertation avec les autres survivants, j'ai répondu que nous allions dans la zone

    gouvernementale, ils nous ont coupé les vivres. Le déplacement des survivants vers la zone

    sous contrôle de l'Armée Patriotique Rwandaise (APR) a duré une semaine et pendant tout

    ce temps, nous n'avons plus reçu ni nourriture, ni eau de la part des Français.

Ceux qui, tenaillés par la faim, allaient chercher des vivres dans leurs anciennes habitations étaient tués par les Interahamwe. »

 

Témoin n° 28  : Anonyme

 

Identification  : Originaire de Gishyita (Kibuye) ; marié, père de cinq enfants et tuteur de

                         quatre orphelins ; il était un commerçant moyen au moment du génocide.

 

Eléments essentiels de son témoignage :

 

- Les soldats français n'étaient pas venu secourir ceux qu étaient exterminés dans le génocide. Le témoin, qui avait une relation de parenté proche avec le bourgmestre de Gishyita (Sikubwabo Charles) et habitait le centre de Gishyita a eu le loisir d'observer l'attitude des soldats français. Ces   derniers avaient trois positions à Gishyita où ils sont restés une semaine avant de se résoudre à apporter secours aux derniers survivants de Bisesero. Pendant tous ces jours, les soldats français côtoyaient les tueurs qui montaient à Bisesero tuer des Tutsi et redescendaient. Selon le témoin, les Français étaient parfaitement au courant des massacres contre les Tutsi de Bisesero qui était tout proche de Gishyita.

« Ils entendaient parfaitement le crépitement des armes. Ils avaient des jumelles. Ils avaient des hélicoptères. Au moins une fois par jour, leurs hélicoptères patrouillaient au-dessus de Bisesero, Gisovu, Karongi, etc… . »

 

Le témoin avait caché des blessé Tutsi.

Déçu par l'attitude des Français, il n'a pas songé un seul instant à leur confier ces quatre survivants qui pourtant représentaient un poids réel pour lui.

« Les Français n'étaient pas venus sauver ceux qu'on tuait. Si c'était le cas, je leur aurais confié ceux que je cachais, parce qu'ils étaient un poids qui me pesait lourdement. Je voyais les tueurs passer à côté d'eux tous les jours, et les Français ne faisaient rien. J'ai compris qu'ils ne pouvaient pas être utiles. »

 

Témoin n° 29  : Anonyme

 

Identification  : Ancien agent du Ministère de l'Education ; originaire de Mubuga ;  arrêté en 1995 et actuellement en prison.

 

Eléments essentiels de son témoignage  :

 

Le témoin était très proche des sœurs de Sainte Marie établies à Mubuga, et de ce fait il a pu entrer facilement (sur recommandation) en contact avec les soldats de l'opération Turquoise qui selon lui sont devenus de grands amis. Son témoignage est à ce titre un des rares à menager les Français :

 

1. Les soldats Français ont mis de longs délais à intervenir pour sauver les gens à Bisesero. Ils

    sont arrivés, selon le témoin, le 21 ou le 22 juin 1994, et ils ne sont intervenus à Bisesero

    que le 30 juin 1994.

 

2. Les soldats français ont pu secourir des gens. Le témoin cite le cas de deux filles qu'il avait

    cachées et que les Français ont évacuées, de même que  les derniers survivants de Bisesero.

    Il ajoute que si les Français n'ont pas été suffisamment efficaces, c'est en raison de

    l'absence de l'administration.

« Par rapport à leur mission humanitaire, il y a des choses que les Français réalisaient, et

d'autres qu'ils ne parvenaient pas à réaliser. Ils ont par exemple évacué les deux enfants qui

étaient chez moi, et il me revient qu'il y en a qu'ils ont sauvé de Bisesero. Il faut dire aussi qu'il n'y avait plus d'autorité. Les gens pouvaient être agressés, et tués, sans moyen de faire le moindre recours. »

 

 

ARI-RNA/Gén./P.R/15.12.06/18 :29

 

 

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