IIème phase des auditions de la Commission sur le rôle de la France dans le génocide.
Synthèse de la 3ème journée.
Kigali, 13 déc. (ARI) – Au cours de sa troisième journée d'audition, la Commission présidée par Jean de Dieu Mucyo sur le rôle de l'Etat français dans le génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda a entendu 6 témoins parmi lesquels un expatrié.
Témoin n° 10 : Anonyme
Identification : Ancien bourgmestre de Karama (Gikongoro) de 1982 à 1994 ; maintenu au
même poste par les soldats français durant l'opération turquoise.
Eléments essentiels de son témoignage.
1) Les Français de l'opération Turquoise ont encouragé le génocide des Tutsi à Gikongoro sous prétexte de contrer l'infiltration des combattants du FPR.
Selon l'ancien bourgmestre, un colonel de l'opération Turquoise a présidé une réunion de tous les 13 bourgmestres de l'ancienne préfecture de Gikongoro le 3 juillet 1994 au quartier général de Turquoise situé dans les bâtiments de l'ONG « S.O.S Village d'enfants » (Murambi). Il a donné instruction aux bourgmestres de demander à la population de renforcer les barrières des protection ainsi que les patrouilles nocturnes pour dépister d'éventuels Inkotanyi infiltrés.
« Le colonel Français nous a dit : « nous voulons travailler avec vous pour protéger la population. Demandez à la population de nous aider à empêcher les Inkotanyi d'entrer dans cette zone.» Il nous disait cela à l'aide des cartes. Les Inkotanyi étaient déjà à Butare et à Gitarama. « Dites à la population de renforcer les barrières de protection et les rondes de nuit. Nous serons tout prêts avec nos véhicules et nos avions. » Les déplacés venus de Bugesera, Sake et Mugesera (Kibungo), Butare et Gitarama entraient nombreux chez nous. Alors le colonel dit : « Les Inkotanyi peuvent enlever les uniformes et se mêler aux déplacés. Alors faites attention à trois choses : contrôlez les identités en mettant de côte les Tutsi ; regardez sur les épaules s'il n'y a pas de traces du port d'armes ; et vérifiez sur les jambes les traces des bottines. » Tous les Tutsi qui avaient pu échapper au génocide dans leurs communes d'origine ont été tués chez nous, parce que nous avons mis en pratique ces consignes.
« Au mois d'août 1994, après nomination de nouveaux bourgmestres par les Français, nous avons été appelés à une seconde réunion par le même colonel au Centre SOS. Il nous a répété les mêmes consignes en disant : « renforcez les barrières. Faites de votre mieux pour que les Inkotanyi ne viennent ici et n'exterminent les Hutu rassemblés ici. » Les barrières ont été renforcées et les Tutsi ont continué d'être tués. Des fois, les Français me prenaient dans leurs Jeeps en tant que bourgmestre et pour leur servir l'interprète. Et sur les barrières, ils demandaient comment évoluait la situation. Nous pouvions évidemment voir des corps de gens fraîchement tués encore exposés sur la place. Alors les miliciens répondaient : « nous avons tué des Inyenzi ». Les Français se montraient satisfaits, et nous continuions ainsi les patrouilles. Les barrières les plus dangereuses se trouvaient sur les ponts des rivières comme Mwogo qui séparaient la zone Turquoise des régions occupées par les Inkotanyi. Là les miliciens tuaient et jetaient les cadavres dans les rivières. Je ne doute pas que parmi les cadavres repêchés dans le Victoria, il y ait ceux des Tutsi de Gikongoro. Chez nous, ce sont les Inkotanyi qui ont arrêté le génocide. C'est seulement quand le Lieutenant Colonel Zigira est devenu préfet que nous avons pu nous reposer des patrouilles nocturnes, des barrières et des tueries. »
2) Les Français ont évacué vers le Congo tous les dignitaires du régime génocidaire. « Pour les haut dignitaires, ils utilisaient leurs hélicoptères, et pour les soldats, ils le faisaient par camions. Même mes collègues bourgmestres sont partis ainsi. »
3) Les Français ont nommé de nouveaux bourgmestres et reconfirmé 3 anciens dans la préfecture de Gikongoro sur base ethnique. « Les Français ont dû nommer 10 nouveaux bourgmestres en remplacement de ceux qui venaient de partir en exil, et confirmer 3 anciens dont moi-même. Avant de me confirmer bourgmestre, un capitaine français m'a demandé : « es-tu Hutu ? J'ai dit oui. « Mais tu ferais mieux de t'exiler. Les Inkotanyi sont proches et ils ne vont pas t'épargner ». J'ai répondu non. « Tu es alors Tutsi ? » J'ai dit non. « De quel parti politique es-tu ? » Du PSD (Parti Social Démocrate, ndlr). « Mais c'est un parti des Tutsi. » J'ai répondu que c'est faux. Même les Hutu sont membres. Et je lui ai cité l'exemple de Frédéric Nzamurambaho qui était président de ce parti et qui était originaire de chez moi. Mais il n'étais pas convaincu. J'ai dû lui sortir ma carte d'identité avec mention Hutu. Et c'est seulement alors qu'il a pu me croire et me confirmer bourgmestre. Ils n'acceptaient pas qu'un Tutsi puisse devenir bourgmestre.»
4) Les Français larguaient vivants des civils Tutsi dans la forêt de Nyungwe, après les avoir torturé. « C'était généralement des personnes soupçonnées d'être des Inkotanyi infiltrés ou leurs complices. Ils frappaient atrocement ces gens, leur ligotaient les bras sur le dos, les mettaient dans des sacs et écrasaient avec leurs bottines. Ensuite ils les faisaient monter dans des hélicoptères et les larguaient dans la forêt de Nyungwe.
Une fois j'ai demandé à un soldat français pourquoi ils ne les tuaient pas purement et simplement sur-le-champ. Il m'a répondu qu'il y'avait deux raisons : « si nous les tuons ici, il y aura des traces. Ensuite, ça nous donnera un travail inutile de les enterrer. Or, Nyungwe est une forêt bien touffue. »
5) Les Français ont encouragé la population civile à fuir le pays devant le FPR en promettant d'assurer leur protection au Congo. « Vers le 20 août 1994, nous avons eu une autre réunion avec le même colonel français. Il a dit : « nous allons bientôt partir, et le FPR vient.
Dites à la population de fuir. Demain nous avons des pourparlers avec le FPR, vous y serez aussi. » La rencontre avec le FPR a eu lieu à Maraba. Le chef de la délégation du FPR, le lieutenant colonel Zigira nous a demandé de rassurer la population, de leur dire que les Inkotanyi n'étaient pas des tueurs, et qu'ils venaient la semaine suivante.
Après cette rencontre avec le FPR, les Français ont insisté pour que nous puissions dire à la population que si elle ne fuit pas, le FPR la décimera.
Le 21 août 1994, il y a eu un grand défilé organisé par Kalimanzira Callixte, un fonctionnaire de l'Etat, pour remercier les Français de nous avoir protégé. Ces derniers nous avaient distribué à l'avance de petits drapeaux de la France que nous agitions sur un parcours de plus de 4 kilomètres. Arrivés au stade du Centre SOS, le colonel Français a pris la parole pour dire : « notre mission est accomplie. Nous vous avons protéges jusqu'ici, mais maintenant nous allons partir. Si vous ne partez pas, le FPR vous tuera. » Et comme il connaissait déjà quelques mots du kinyarwanda, il s'adressa directement à la population en disant : « Inkotanyi babi, kwica » (Inkotanyi mauvais, tuer). Et d'un geste de la main sur son cou ; il leur mimait l'acte de trancher la gorge. Ce même soir, une grande partie de la population prit le chemin de l'exil. Le souhait des Français était qu'en arrivant, le FPR ne puisse trouver aucun habitant. »
6) La prétendue mission humanitaire de Turquoise n'était pas destinée aux Tutsi victimes du génocide, mais plutôt aux génocidaires Hutu. « Moi je parlais directement aux Français. A plusieurs reprises, ils ont répété : « nous venons protéger les Hutu qui sont ici, pour que les Inkotanyi ne les tuent pas. C'est ainsi qu'ils ont exfiltrés les dignitaires Hutu responsables du génocide, et qu'ils pouvaient déclarer ensuite : « mission accomplie, personne n'a été tué. » C'est dans le même cadre aussi qu'ils encourageaient la population à fuir. »
7) Les soldats français ont violé des filles et des femmes Tutsi survivantes du génocide alors qu'elles étaient encore sous le choc et le traumatisme.
« Les Tutsi qui avaient échappé au génocide dans les collines environnantes étaient rassemblés à Karama où se trouvait le deuxième quartier général de Turquoise.
Là, les Français choisissaient 2 ou 3 jolies filles qu'ils gardaient. Elles faisaient la lessive, préparaient à manger, balayaient et préparaient les lits des officiers Français. Quand nous y allions pour les réunions, on voyait ces Français les toucher et leur donner des baisers devant nous, des choses vraiment abominables dans notre culture. Et c'était clair qu'ils en avaient fait leurs femmes. Après environ une semaine, ils les envoyaient rejoindre d'autres survivants à Murambi et ils en prenaient de nouvelles. »
« Au quartier général de Turquoise à Murambi, la population accourait voir les Français à travers le grillage de la clôture. Pour la plupart, c'était la première fois de voir des Blancs. Alors les Français appelaient les filles parmi ces curieux et descendaient avec elles dans leurs tranchées. Celles qui en ressortaient racontaient que « les blancs les violent en « lèvrettes » (les prennent par derrière) ».
8) Les soldats français de l'opération turquoise se sont déguisés en agents des ONGs et sont revenus au Rwanda en période d'urgence. « Ce qui est étonnant, c'est qu'il y en a parmi les soldats français de Turquoise qui sont revenus comme chauffeurs de l'ACF (Action Contre la faim, ONG de droit français). Il y a un que j'ai reconnu et que j'ai approché en lui demandant : « mais, n'est-ce pas que tu étais soldat ici à côté ? ». Il m'a répondu sèchement : « non ». Et la conversation s'est bien sûr arrêté là. »
Témoin n°11 : Anonyme. Caché au public mais face à la Commission.
Identification : Voix de femme ; survivante du génocide ; vivait à Kigali au moment du
génocide ; partie à Gikongoro en août 1994 à la recherche de ses enfants dont
elle avait été séparée et qu'une famille amie avait protégés ; a été violée au
quartier général de Turquoise à Gikongoro en présence d'un soldat français.
Témoignage :
« En plein génocide, j'ai été séparé de mes enfants. J'avais trouvé quelqu'un pour s'exiler avec eux, et moi je me suis réfugiée à Ndera. A mon retour à la maison, une personne amie m'a dit avoir aperçu mes enfants à Gikongoro. Alors je suis partie les chercher. » Après de longues péripéties, la femme arrive à Gikongoro. Dans la ville de Gikongoro, des Interahamwe de Kigali la reconnaissent et l'encerclent. Au moment où ils la traînent pour aller la tuer, une autre femme qui la connaissait et qui assistait à la scène coure alerter deux soldats français qui prenaient de la bière dans un cabaret. Les Français interviennent, délivrent la femme et l'emmènent au cabaret avec celle qui les avait alertés.
Ils y passent environ une heure. L'autre femme prend congé après l'avoir informé que la famille qui avait ses enfants avait déménagé à Kibeho. A ce niveau, le témoin interrompt son récit et soupire….
« Les Français m'ont finalement mis dans leur véhicule et m'ont conduit chez eux au SOS, et me montrèrent une tente avec un petit matelas où je devais me coucher…..
Vers 21h00', un homme, un rwandais, est entré. Il me demande : « pourquoi es-tu là ? Et je lui dis que je viens de Kigali et commence à lui raconter mon histoire. Tout d'un coup, il se déshabille et je vois qu'il veut coucher avec moi. Je bondis de mon lit pour sortir et j'aperçois au passage un jeune soldat français d'une vingtaine d'années. Quand je le supplie d'intervenir, il m'assène un coup de pied violent qui me projette au sol. Le violeur rwandais venait de se rhabiller du pantalon. » Pleurs….. « Il se met à m'injurier, à dire que les Tutsi sont mauvais et me déclare : « je vais te violer, et après je te tue. » Il s'est mis aussitôt à me violer. Lorsqu'il était entrain de me violer, le Français est revenu et s'est mis à nous regarder. Quand j'ai levé les yeux, je l'ai aperçu et il est reparti. » Soupirs, pleurs… .
Le violeur s'est ensuite endormi ; et la femme a décidé de sortir la nuit pour ne pas devoir se faire violer à nouveau au réveil de son agresseur. Dehors, un Français l'interpelle : « ou vas-tu ? » Je vais boire de l'eau. Il y avait un robinet à côté. Je bus de l'eau et restai debout près du robinet jusqu'à l'aube. Au matin, le violeur me trouve là et dit : « penses-tu avoir trouvé là-bas un ciel où m'échapper ? » C'était un ouvrier chargé de fendre le bois pour les Français, et il se mit à fendre le bois. Plus tard, des soldats français vinrent me demander comment me conduire à Kibeho récupérer mes enfants. Je ne pouvais pas me plaindre de leur soldat ou raconter ce qui m'était arrivé. Ils m'ont finalement conduit à Kibeho et j'ai récupéré mes enfants. » Pleurs….« Ce qui me fait le plus mal, c'est que je n'ai nulle part où je puisse réclamer justice contre eux. »
Témoin n°12 : Anonyme. Caché au public, face à la commission.
Identification : Voix de femme ; survivante du génocide originaire de Cyangugu ; réfugiée à
Nyarushishi, violée quotidiennement par beaucoup de soldats français.
Témoignage :
Le récit de son parcours durant le génocide et avant de se retrouver à Nyarushishi est particulièrement long et atroce. Pendant plusieurs semaines, elle a sillonné les brousses, les rues et le stade de Cyangugu nue, assoiffée et affamée, avec son bébé. Un jour, des gendarmes au cœur sensible l'ont sauvé des miliciens qui allaient la tuer et lorsqu'ils lui ont donné à manger, elle a failli mourir de l'effet d'inanition. Les gendarmes l'ont réanimée puis elle s'est remise à se cacher. Une fois, un milicien l'a déniché dans la brousse et l'a violée. Elle s'est retrouvée plus tard au stade de Cyangugu d'où elle a été conduite à Nyarushishi avec beaucoup d'autres par le CICR venu de Bukavu, après d'effroyables péripéties.
« Les français sont venus et ont installé leurs tentes à côté du camp de Nyarushishi. Au bout de trois jours, ils avaient déjà identifié les tentes où il y avait des filles parmi les survivants. Il y avait aussi des gens qui venaient leur indiquer les filles. Au quatrième jour, ils ont commencé à nous conduire dans leurs tentes. Ils commençaient par nous donner des boissons et des cigarettes, ensuite ils nous déshabillaient. Ils m'ont violé cruellement, comme des animaux, et en prenant des photos. L'un mettait son sexe dans ma bouche, l'autre en bas, deux autres sur mes deux seins. Quand un groupe terminait, un autre venait. On se reposait quelques minutes, puis ça reprenait. Tantôt ils me prenaient par devant, tantôt par derrière. A quatre heures du matin ou à l'aube, ils me raccompagnaient dans ma tente. Le lendemain, c'était pareil. »
« J'ai finalement attrapé une grossesse qui a fini dans une fausse couche. J'avais une infection, mon sexe avait enflé. Une vieille femme du camp m'a soigné avec des herbes et de l'eau salée. Puis les viols ont repris. Il arrivait que celui qui m'a pénétré par le sexe ne termine pas dedans. Alors, il répandait son sperme dans mon dos. Et celui qui m'avait pénétré par la bouche éjaculait dedans. Il me demandait d'avaler en disant : ça ne te fera rien. Et j'avalais. A un certain moment, celui qu'on appelait Colonel parmi eux décida de me prendre pour lui tout seul. Il dit aux autres : « Celle-ci m'appartient désormais, cherchez d'autres. Je suis resté avec lui environ quatre jours, puis ils sont partis. J'ai continué à souffrir de graves infections. J'ai plus tard été soignée par un médecin. Les Français m'ont laissé un T shirt de tenue militaire. Je le garde encore. »
Témoin n° 13 : Michel Campion
Identification : De nationalité belge ; hôtelier (propriétaire de l'hôtel IBIS à Butare).
Eléments essentiels de son témoignage :
1) Les Français avaient une aversion particulière contre les Tutsi. Le témoin évoque deux incidents qui se rapportent à 1992, avec l'opération Noroît.
a) bagarre entre soldats français et étudiants Tutsi à l'Ibis à Butare : « Il y avait entre 100 et 120 soldats français qui travaillaient à l'ESO (Ecole des sous officiers) et qui se restauraient à l'Ibis chaque jour. Ils mangeaient en trois shifts. Un sous-lieutenant payait collectivement la restauration en francs rwandais, mais les consommations individuelles de bières étaient payées en francs CFA, parce que leur solde était payée dans cette monnaie.
« Un jour, une bagarre éclate entre eux et des étudiants Tutsi. Poussés par une américaine qui était leur copine et qui était chercheuse dans un projet de John Hopkins University, ces étudiants traitent les soldats français de « Interahamawe de Mitterand . » La bagarre éclate alors à la terrasse de l'Ibis après que des soldats français aient lancé : « Enfin, on va s'offrir du Tutsi. »
Selon le témoignage de l'hôtelier, la bagarre a occasionné beaucoup de casses, et c'est l'auditorat militaire français qui a dédommagé l'hôtel. Un officiel de l'ambassade de France a évidemment annoncé que les soldats français ne viendraient plus à l'Ibis et l'incident a effectivement fait perdre une grosse clientèle à l'hôtel.
b) Incident à la barrière de Nyabarongo.
« Un jour, je prends en lift un étudiant Tutsi de Butare vers Kigali. Arrivés à la barrière sur la Nyabarongo, un militaire français arrête la voiture et demande la carte d'identité de l'étudiant. Quand il remarque la mention « Tutsi », il lui dit : « sors de cette voiture, et va t'asseoir avec tes frères là-bas. » Il y avait effectivement à côté un groupe de Tutsis arrêtés dans les mêmes conditions. J'ai essayé d'intervenir en disant au soldat français : C'est aux gendarmes rwandais de le faire, pas à toi. Ce pays n'est pas un protectorat français. J'ai refusé de livrer l'étudiant et j'ai demandé à voir le chef de poste. Quant ce dernier est venu, il m'a laissé continuer avec l'étudiant. »
2) Les soldats français de l'opération Noroît sont revenus au Rwanda de façon officieuse.
« Fin mars 1994, j'ai reconnu un lieutenant de l'opération Noroît à l'Ibis. Ca m'a étonné. Il me dit : « J'ai une copine anglaise. Je suis revenu la voir. Je suis à Djibouti. » Une semaine après, l'avion de Habyarimana saute. Le soldat était-il touriste ? Dans une période aussi trouble ? Et dans un pays où les Français avaient officiellement cédé la place à la Minuar ? C'est des coïncidences sur lesquelles on ne peut s'empêcher de réfléchir. »
Témoin n°14 : Anonyme
Identification : Né en 1972 ; ancien militaire ; originaire de Muko (Gikongoro) ; menuisier ;
un des civils auxquels les soldats français de l'opération Turquoise ont donné
une arme.
Eléments essentiels de son témoignage :
1) Les Français ont refusé la protection à 6 Tutsi qui les suppliaient.
« Nous rentrions d'une mission de perquisition d'armes avec des soldats français. Sur la route, nous croisons 6 Tutsi qui disent provenir de Bisesero. Ils demandent aux Français de les prendre avec eux. Les Français leur demandent de dégager la route. Les Tutsi s'allongent par terre devant les véhicules pour insister. Un soldat français tire en l'air au-dessus d'eux. Les miliciens et la population des alentours accourent avec des gourdins et des houes en entendant le bruit. Les Français demandent à la population de faire partir les Tutsi du milieu de la route et ceux-ci s'exécutent. Les Français poursuivent leur chemin, et les Tutsi sont appréhendés sur-le-champ par les Interahamwe qui certainement vont les tuer. »
2) Les Français torturaient des civils Tutsi soupçonnés d'être complices du FPR et les larguaient du haut des hélicoptères dans la forêt de Nyungwe.
Le témoin cite ici le cas d'un commerçant de Kaduha.
Témoin n° 15 : Anonyme.
Identification : originaire de Cyangugu, enseignant, homme d'affaires ; bourgmestre de
Karengera ; membre du bureau politique du PSD (Parti Social Démocrate) ; a
participé au génocide des Tutsi ; a fait aveu de culpabilité.
Eléments essentiels de son témoignage :
1) Les Français connaissaient le plan du génocide et ils l'ont soutenu. Le témoin rappelle que l'intention d'exterminer les Tutsi avait déjà été annoncée dans les médias, à travers les chansons et les discours lors des rassemblements populaires (meetings). Les français étaient présents, ils observaient, ils savaient. Et curieusement, ils ont continué à soutenir le régime de Habyarimana sur le front militaire, sur les barrières, dans l'entraînement des milices, et la distribution des armes aux même milices.
2) A Cyangugu (Ntendezi), les Français ont suggéré aux génocidaires d'ouvrir les ventres des cadavres qui flottaient sur le lac et d'y loger des pierres pour qu'ils puissent couler au fond des eaux.
3) Les Français ont pillé puis détruit les champs de cannabis dans la forêt de Nyungwe, et tué les employés qui géraient le projet pour effacer les traces.
4) Les Français violaient des filles et femmes Tutsi
5) Ils tiraient sur les Interahamwe et leur prenaient de l'argent pillé.
6) Ils ont exfiltré les criminel et encouragé la population à s'exiler.
7) Ils ont continué à entraîner les criminels en exil et à leur fournir des armes.
8) Après leur défaite au Congo, ils ont exfiltré les dignitaires du régime génocidaire hors de la région.
ARI-RNA/Gen./P.R/13.12.06/22 :50GMT
Rwanda News Agency