France-Rwanda
/ Génocide
IIIème
phase
des auditions de la Commission sur l’implication de la France dans le
génocide
Audition du témoin 10 : Linda Melvern
Kigali, 02
juillet (ARI) : - La Commission
Mucyo sur l’implication de la France dans le génocide des Tutsi de 1994
au
Rwanda a auditionné ce lundi le dixième témoin de la troisième phase de
ses
auditions publiques, en la personne de Linda Melvern,
journaliste et chercheuse britannique.
Témoin n° 10 : Linda Melvern
Identification
du
témoin :
Ancienne journaliste d’investigation
au Sunday Times de
Londres ; professeur honoraire au département
de politique internationale de l’université de Galles ; auteur
de deux
ouvrages sur le génocide des Tutsi du Rwanda : «A
people Betrayed.The role of the West in the Rwanda’s Genocide »
en 2000 ; et « Conspiracy
to
murder. The Rwandan Genocide » en 2004.
Eléments essentiels de son témoignage:
La
déposition de Linda Melvern
devant la Commission Mucyo était centrée sur le rôle de la France et de
l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, l’Egyptien Boutros
Boutros
Ghali, dans la paralysie du processus de prise de décision du Conseil
de
Sécurité des Nations Unies entre 1993 et 1994. Une paralysie qui a
conduit à l’échec
du Conseil quant à la mise en pratique de la Convention de 1948 sur la
Prévention et la Répression du Crime de Génocide, laissant périr plus
d’un
million de Tutsi en trois mois en 1994 ; ce que Melvern
considère comme « l’un des plus
grands crimes du 20ème
siècle. » Les principales sources du témoin
sont : les archives
des Nations Unies, les documents du Département des Opérations de
Maintien de
la Paix, notamment tous les messages de terrain envoyés par le
commandant de la
MINUAR à l’époque, Roméo Dallaire aux Nations Unies et les réponses à
ces
messages ; de même qu’un document obtenu d’une source anonyme
contenant le
détail de ce qui était dit au cours des réunions discrètes et
informelles du
Conseil de Sécurité sur le Rwanda avant et durant le génocide.
·
La
France s’est servi de Boutros Boutros Ghali comme Secrétaire Général
des
Nations Unies pour bâtir une « ligue francophone » au
sein des
Nations Unies et qui a servi efficacement la politique de la France au
Rwanda
avant et durant le génocide.
1.
Boutros Ghali était un ami personnel du Président français
François
Mitterand qui avait soutenu sa candidature au poste de Secrétaire
Général des
Nations Unies, initiative prise par la seule France parmi tous les
membres du
Conseil de Sécurité.
2.
C’est Boutros Ghali qui avait négocié l’entrée de l’Egypte
au sein de la
Francophonie.
3.
Dans ses mémoires, Boutros Ghali affirme qu’après sa
désignation comme
Secrétaire Général des Nations Unies, la deuxième personne qu’il a
appelé était
François Mitterand.
4.
Boutros Ghali connaissait le Rwanda mieux que quiconque au
sein des
Nations Unies. Il avait visité pour la première fois le Rwanda en 1983
et
toutes les relations diplomatiques entre l’Egypte et le Rwanda étaient
construites autour de sa personne. C’est lui qui avait facilité la
première
vente secrète d’armes au Rwanda par l’Egypte en octobre 1990 pour 5,889
millions de dollars lorsqu’il était vice-ministre des affaires
étrangères de
son pays. Jusqu’en 1993, l’Egypte avait vendu au Rwanda des armes pour
un total
de 23 millions de dollars.
5.
Lorsqu’en décembre 1999 Linda Melvern interroge Boutros
Ghali, alors
Secrétaire Général de la Francophonie sur son rôle dans la vente
d’armes au
Rwanda, il lui répond : « je
ne
pense pas que quelques milliers de fusils auraient fait la
différence. »
·
Au
cours des réunions discrètes et informelles du Conseil de Sécurité, la
France
est demeurée systématiquement silencieuse alors qu’en tant que membre
permanent
du Conseil de Sécurité, elle en savait plus sur le Rwanda que quiconque
des
autres membres. Le lieutenant général Roméo Dallaire est convaincu,
selon Linda
Melvern, que le refus de la France de partager l’information de ses
renseignements a coûté la vie à ses casques bleus, et qu’elle avait un
effet
déterminant sur le processus de prise de décision du Conseil de
Sécurité.
1.
Les rapports des renseignements belges au moment du
génocide montrent
que la France avait installé un système d’écoute sur le réseau
téléphonique
rwandais.
2.
Des documents attestent de la présence militaire française
au sein du
bataillon para-commando de l’armée rwandaise à l’aéroport ainsi que
dans des
centres d’entraînement militaire.
·
La
première décision de Boutros Ghali en faveur de la politique française
au
Rwanda fut de nommer un ami personnel comme représentant spécial de
l’ONU au
Rwanda, en la personne de l’ancien ministre des affaires étrangères du
Cameroun, Jacques Roger Booh Booh.
1.
Booh Booh n’était pas impartial. Il était proche de
certains ministres
du régime Habyarimana et comme représentant spécial de l’ONU, il
s’était
entouré de conseillers en provenance de pays
« franco-africains. »
2.
Booh Booh soutenait l’entrée de la CDR, parti extrémiste
Hutu, au sein
des institutions de la transition.
3.
En plein génocide, Booh Booh a envoyé à New York
un câble indiquant
que la violence relevait du « banditisme
ordinaire ».
4.
En février 1994, il avait fait un autre compte-rendu à New
York
prétendant qu’ « il n’ y a pas de preuve que la
violence croissante
avait une motivation ethnique » alors qu’au même
moment, l’ONU avait
ouvert des centres où des Tutsi prenaient refuge la nuit.
5.
Le commandant de la Minuar Roméo Dallaire envoyait à l’ONU
des rapports
fort détaillés sur la situation au Rwanda qui contredisaient souvent
ceux de
Booh Booh. Celui-ci s’est employé et réussi
à détruire la crédibilité de Dallaire au siège de L’ONU
quelques
semaines seulement après le lencement de la mission.
Pour
Linda Melvern, le génocide
n’aurait pas eu lieu si le mécanisme de prise de décision à l’ONU avait
été
différent. Les principales puissances occidentales savaient pourtant
qu’un
génocide se préparait. En février 1994, des officiels américains,
français et
belges préparaient un plan d’évacuation en urgence de leurs
ressortissants. Le
soir du 6 avril 1994, un américain est arrivé à Kigali en provenance du
Cameroun,
avec un plan d’évacuation des ressortissants américains. Les Américains
auraient intercepté les communications entre Théoneste Bagosora et
Anatole
Nsengiyumva entre le 06 et le 07 avril 1994. Ils disposeraient même des
images
satellitaires des premiers massacres du génocide. Toutes des
informations
cruciales qu’ils ne veulent pas livrer. C’est la Grande Bretagne qui a
proposé
la résolution qui a abouti à la réduction drastique des effectifs de la
MINUAR.
Même si les responsabilités de la France restent criantes et
prépondérantes, la
journaliste britannique avait raison de demander que les Etats-unis et
la
Grande Bretagne fassent également leurs propres enquêtes sur le
génocide des
Tutsi de 1994 au Rwanda, spécialement sur les décisions prises entre
octobre
1993 et juillet 1994.
ARI-RNA/
Gen./ P.R/ 02. 07. 06/
23 : 05 GMT
Nnnn
Rwanda
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