Ibuka Section France - Entrez

Mémoire, Justice, et Soutien aux Rescapés

Communiqué de presse de l’Association Ibuka France

 

 Depuis hier soir, en France et ailleurs dans le monde, les rescapés du génocide des Tutsi du Rwanda sont sous le choc après la décision de la chambre d’instruction du tribunal d’appel de Paris de libérer deux personnes, l’abbé Wenceslas Munyenshyaka et Laurent Bucyibaruta, que le Procureur du Tribunal pénal international d’Arusha (Tanzanie) avait demandé à la France d’arrêter et de mettre en détention provisoire en attendant qu’il décide de la juridiction devant laquelle ils seront déférés pour jugement. Suivant les arguments de la défense, la chambre a estimé que le maintien de ces deux Rwandais accusés de complicité de génocide était une violation des règles de droit parce que le mandat d’arrêt du TPIR n’indiquait pas jusqu’à quelle date ils resteraient en prison. 


En France, le maintien « sine die » en détention est illégal. Du point de vue de la procédure, l’argument est fondé. On peut d’ailleurs se demander pour quelle raison le procureur s’est précipité pour délivrer un mandat d’arrêt avant de connaître dans quel pays et devant quelle juridiction les personnes qu’il demandait de mettre en arrêt seraient transférées. Cependant les vices des procédures du procureur du TPIR n’excusent pas les carences des juridictions françaises dans cette affaire.

 

Le jugement des présumés coupables du génocide des Tutsi du Rwanda est dans le domaine de compétence du juge français depuis 1996. Or, il faut en effet rappeler que la justice française n’aurait jamais dû attendre que le TPIR lui donne l’injonction d’examiner les cas de l’abbé Munyeshyaka et de Laurent Bucyibaruta. Le dossier de l’abbé Munyeshyaka est dans les tiroirs de la justice française depuis 1995. Depuis 12 ans cependant, cet ancien curé catholique de la paroisse Sainte Famille de Kigali accusé notamment de viols commis dans le cadre du génocide contre des femmes qui avaient trouvé refuge dans son  presbytère et de livraison aux tueurs de celles qui avaient refusé de coucher avec lui, a officié dans deux diocèses de France, Nîmes et Evreux, célébrant des messes, conférant des baptêmes, distribuant l’eucharistie, confessant et guidant spirituellement les fidèles et tous ceux qui aspirent à l’être.

 

Notons enfin que la France a déjà été condamnée en juin 2004 par la Cour européenne des droits de l’homme pour sa lenteur à donner suite aux plaintes déposées contre Munyeshyaka .

 

Le dossier de Laurent Bucyibaruta a été porté à la connaissance de la justice française en 2000. Selon de nombreux témoignages, de lourdes charges de complicité de génocide pèsent sur cet ancien préfet de Gikongoro au sud-ouest du Rwanda. Il est notamment soupçonné d’avoir joué un rôle dans le massacre des enfants, des femmes et des hommes dont les corps reposent dans le vaste charnier de Murambi, sis à proximité des bureaux où il officiait.

 

Outre ces deux personnes dont les dossiers ont été rappelés par le mandat d’arrêt du TPIR, rappelons les cas du médecin gynécologue Sosthène Munyemana, celui d’Isaac Kamali récemment arrêté par Interpol aux Etats-Unis où il était en déplacement avec un passeport français, celui de Mme Agathe Habyarimana dont l’Office français de protection des réfugiés puis la Commission de Recours des Réfugiés ont rejeté la demande d’asile sur la base de faits indiquant une forte présomption de complicité de génocide.

 

Devant l’inaction du Parquet en son encontre, le collectif des parties civiles (CPCR), a porté plainte contre elle, mais depuis lors c’est l’attente...

 

Il y a enfin le cas du colonel Serubuga, cet ancien Chef d’Etat major de l’armée rwandaise qui,  en 1990 s’était déjà réjoui de l’attaque du FPR car elle donnait l’occasion d’exterminer les Tutsi. C’est dans l’audition de celui qui à l’époque était ambassadeur de France à Kigali devant la mission parlementaire française sur la tragédie rwandaise.

 

Aujourd’hui, ce sont les rescapés qui réclament justice mais leur demande est simplement ignorée ; ce qui accroît leur désarroi et pose le problème de la validité des engagements des Etats Membres du Conseil de sécurité à réprimer les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide.  Le report « sine die » de l’exercice de justice équivaut à un déni de justice.

 

Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’une justice rendue aux rescapés l’est aussi aux accusés. N’est-elle pas pour ces derniers la seule occasion de montrer que, comme ils le revendiquent, ils sont innocents des faits qui leur sont reprochés ?

 

L’association Ibuka-France invite les autorités françaises à prendre à bras le corps la question du génocide des Tutsi et à assumer la part du devoir de justice qui lui renvient.  Il est incompréhensible que 13 ans après ce génocide, la France soit en train de réagir aux injonctions de l’Interpol et du TPIR contre des accusés qui viennent régulièrement sur son sol alors que dans le pays voisin, la Belgique, plusieurs procès ont déjà été organisés.   

 

A Paris, le 2 août 2007

 

 

Contact de l’Association Ibuaka France :

e-mail: asso.ibuka@tiscali.fr

ÈGSM : 06 59 18 51 65