Des documents de l'exécutif français de 1990 à 1994
Éléments de recherches après le rapport de la CEC de
février 2005
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Comment les documents
"fuités" nous sont parvenus ?
Des documents nous ont d'abord été communiqués sous
forme de quelques copies envoyées à
François-Xavier Verschave, au début de la CEC. Peu
après nos travaux de 2004, objets de notre rapport
publié en février 2005, plusieurs autres documents
sous forme de fichiers électroniques nous furent
transmis. D'abord circonspects quant à l'origine
anonyme de ces documents, nous avons fini par les
prendre en compte, car à chaque fois que nous les
étudiions ils se révélaient fiables par rapport aux
événements dans lesquels ils s'inséraient. A ce jour,
jamais nous n'avons décelé d'éléments susceptibles de
remettre en cause leur authenticité. Mais n'ayant
jamais vu les originaux, nous ne pouvons pas garantir
formellement leur authenticité. Ils proviennent
probablement des "archives de l'Élysée", celles que
Pierre Péan prétend avoir aussi consultées. D'autres
proviennent manifestement d'autres ministères :
défense, affaires étrangères, etc. Outre la CEC, les
associations Survie et France Rwanda Génocide a eu
aussi accès ces documents ainsi que plusieurs
journalistes, chercheurs et historiens, dont ceux qui
écrivent dans la revue La Nuit rwandaise.
Ces documents ont été aussi versés au dossier des
plaignants rwandais devant le Tribunal des armées à
Paris. Le juge a obtenu la déclassification de
plusieurs d'entre eux (journal
officiel-Avis no 2008-06 du 29 mai 2008), ce qui
confirmerait leur authenticité, mais nous ne pouvons
préciser exactement de quels documents il s'agit. Dans
la mesure où des documents sont gardés secrets, les
informations des documents déclassifiés sont, à priori
et en toute rigueur,
à interpréter de la manière la plus
défavorable aux autorités françaises, jusqu'à plus
amples informations. On ne voit pas pourquoi
l'information resterait cachée si ce n'est pour
protéger des personnes impliquées.
Les classifications peuvent être de trois niveaux :
confidentiel défense, secret défense, très secret
défense.
La censure du document classifié
"confidentiel défense", dont nous avons été l'objet,
souligne concrètement la pertinence de cette
attitude. Notre webmaster a été sommé par la DCRI
(Renseignement français) de supprimer l'un d'entre eux
de ce site en janvier 2009 - Voir ci-dessous à propos
du compte-rendu du Commandant de l'opération
Amaryllis, le Colonel Poncet, au chef d'Etat-major des
armées du 27 avril 1994.
En février 2009 de nouvelles déclassifications ont
été annoncées au journal officiel :JORF n°0043 du 20 février 2009.
A notre connaissance 9 avis ont été donnés par la
commission (CCSDN) sur le dossier rwandais. Cf AFP du 30 juillet 2010
Une conscience française ?
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LOIN DE BISESERO par DF2013
(court-métrage
réalisé par David Faroult en 1999 dans une école
de cinéma)
Les documents annoncés
déclassifiés mais non déclassifiés en 2015
Le 7 avril 2015 l'annonce de la
"déclassification des archives française sur le
Rwanda" concerne environ 80 documents... un coup de
communication qui devait sans doute régulariser une
brèche et apporter sans doute quelques éléments.Ces documents
annoncés comme déclassifiés le 7 avril 2015 sont des
documents du premier niveau : "confidentiel défense".
Le communiqué du secrétaire général de l'Elysée
précise cette déclassification :
Jacques Morel, auteur du livre "la France au cœur
du génocide" et François Graner auteur de "Le
sabre et la machette : officiers français et
génocide tutsi" ont analysé cette
déclassification :
Cette publication s'inscrit dans le dépôt des
archives de François Miterrand aux archives nationales
:
Un an plus tard en avril 2016 on constate que cette
déclassification n'est pas effective et n'était donc
qu'un leurre médiatique de plus. France info constate
en effet :
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"Que disent les archives de l'Elysée ?"
Une excellente
présentation générale des "archives de François
Mitterrand" sur le Rwanda a été faite sous ce titre par
Rafaëlle Maison
dans la revue Esprit
de mai 2010 (p. 135 à 159).
Rafaëlle Maison, Professeur de Droit à l'Université de
Paris XI et auteur de La responsabilité individuelle
pour crime d'Etat en droit international public
(Bruylant - 2004), nous dépeint ces archives
fidèlement, faisant notamment ressortir le rôle
déterminant de Mitterrand dans le soutien militaire et
diplomatique au régime génocidaire, l'atmosphère de
glissement partial anti-tutsi et de "médiocrité"
qu'elles dégagent lorsqu'on les feuillette dans les
"reliures" de l'Institut François Mitterrand. Elle
n'oublie pas non plus de s'interroger sur ce que l'on a
bien voulu montrer en sélectionnant ces archives et sur
leurs silences.
Mais si cette recension donne de ces archives, non sans
raison, une impression décevante et une "atmosphère" du
pouvoir, il n'en demeure pas moins que lorsqu'on les
sort une à une de leur reliure et qu'on les insère
patiemment dans le déroulement des événements, ces notes
confirment l'image du puzzle décrit par notre
commission, voire parfois inversent le sens connu des
événements.
Par exemple le texte ci-dessous, "Le
chiffon de papier", montre, avec des notes de
l'Elysée, non seulement que le premier accord d'Arusha
n'a pas été respecté par la France, mais que le rapport
des députés français a masqué ce fait, alors que ces
notes et d'autres documents des ministères étaient à
leur disposition. De même ces notes montrent qu'au
moment des événements contestés de Bisesero, pendant
l'opération Turquoise fin juin 1994, le Conseil
restreint des ministres français parlait de maquis tutsi
en évoquant les rescapés réfugiés à Bisesero. Cela
confirme d'autres témoignages accablants. Les députés
ont éludé cette question. Le témoignage accablant
d'Immaculée Cattier devant notre commission concernant
la barrière de Ruhengeri en avril 1991 "bénéficie"
lui-aussi de notes de l'Elysée qui le contextualisent
(Cf.ci-dessous)... notes qu'on a découvert après le
témoignage.
Il faut donc sortir ces notes de leur enveloppe et les
passer au crible des croisements de documents, de
témoignages et de faits, analysant chaque scorie, chaque
octet, un travail de police scientifique, c'est le seul
moyen de dépasser les silences actuels des archives.
C'est ce qu'a fait méthodiquement le mathématicien Jacques Morel dans "La
France au coeur du génocide des Tutsi"
(Izuba - L'Esprit
frappeur, 2010, 1500 pages, au format A4 et en
caractères denses, site internet du livre). Son travail monumental est
incontournable pour qui cherche encore à mesurer la
profondeur de l'implication de la France au Rwanda. Même
si l'on ne peut prétendre qu'il a tout cerné, du moins
a-t-il cerné tout ce que l'on sait ou suppute à ce jour.
Ce travail de fond contraste avec les "à peu près" et
contre-vérités des bricolages textuels de trop de
commentateurs plus ou moins proches des autorités
politiques et militaires françaises, quand il ne s'agit
pas de ceux de leurs membres !
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Quelques études
utilisant les archives françaises ...
- Peut-on
contester le témoignage d'Immaculée Cattier exprimé
devant la CEC en mars 2004, comme le fait Olivier
Lanotte dans son livre La
France au Rwanda ?
Le témoignage d'Immaculée montre une toute autre
attitude des soldats français à Ruhengeri en avril
1991 qu'une volonté de pacification au Rwanda - Des
notes de l'Elysée et des documents de l'époque
suggèrent que ce témoignage est vraisemblable.
E.C. juillet 2007
- Le Monde le 3
juillet 2007 ouvre la porte de ces archives dans le
milieu médiatique
Notons que cette publication a eu lieu la semaine
qui a suivi l'éviction de Jean-Marie Colombani de
son poste au journal le Monde. Voir
explications ci dessous :
- Pour
en finir avec les soi-disant "accords de défense" de
la France et du Rwanda
Etude qui s'appuie essentiellement sur les
annexes du rapport parlementaire français sur le
Rwanda et montre que parler d'accords de défense
entre la France et le Rwanda est sans fondement. Il
n'y avait que des accords de coopération pour la
formation de la gendarmerie rwandaise, puis à partir
d'août 1992, cet accord initial a été étendu à la
formation de l'ensemble de l'armée rwandaise, mais
ne concernnait pas l'opération Noroît.
Georges Kapler - 2005
Une note du 24 juin 1994 du général Quesnot à
François Mitterrand, que nous ne connaissions pas à
l'époque où G.K. a rédigé ce texte, le confirme sans
ambiguité malgré les affirmations partiales et
intéressées de nombreux anciens ministres,
conseillers de l'Elysée et officiers, sans parler de
leurs thuriféraires patentés.
- La France a
refusé de respecter le premier accord d'Arusha du 12
juillet 1992 - "Le chiffon de papier"
Cette étude s'appuie sur quelques notes de
l'Elysée, croisées avec d'autres sources, et montre
que les prétentions françaises selon lesquelles elle
a soutenu les accords d'Arusha ne sont que des mots.
La réalité est très différente en ce qui concerne le
premier accord qui comportait des clauses concernant
l'Etat français. Situant les différentes composantes
de l'intervention française et leurs relations avec
les accords de coopération militaire et de
cessez-le-feu, cette étude pointe que cette
rébellion française contre les accords passés est
aggravée par le contexte de la connaissance de
l'intention génocidaire du régime Habyarimana
exprimée clairement à des officiers français et
l'ambassadeur de France et déjà inscrites dans ses
pratiques constatées.
Pourtant le soutien aux accords d'Arusha est
l'argument majeur avancé pour confirmer les bonnes
intentions de la France au Rwanda de 1990 à
1994, tel que l'a aussi masqué le rapport des
députés.
Emmanuel Cattier - 9 décembre 2008
- Peut-on
contester le témoignage d'Immaculée Cattier exprimé
devant la CEC en mars 2004, comme le fait Olivier
Lanotte dans son livre La
France au Rwanda ?
Le témoignage d'Immaculée montre une toute autre
attitude des soldats français à Ruhengeri en avril
1991 qu'une volonté de pacification au Rwanda - Des
notes de l'Elysée et des documents de l'époque
suggèrent que ce témoignage est vraisemblable.
E.C. juillet 2007
- Recherches
de la revue La Nuit Rwandaise
et lettres de La Nuit Rwandaise
- Plusieurs
études de Mehdi Ba, Serge Farnel, Georges Kapler, et
Jacques Morel
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Pour
lancer l'opération Turquoise, les préconisations de
Bernard Kouchner qui revenait du terrain le 21 juin
1994, n'ont visiblement pas été reprises par F.
Mitterrand et les militaires, sauf une qui est aussi
une exigence de Mr Balladur et du Conseil de
sécurité de l'ONU, limiter à deux mois l'opération.
Kouchner aurait insisté entre autre sur le point
suivant :"Qu'il
s'agit de protéger des civils tutsis contre les
milices et en aucun cas d'affronter le FPR ou de
stabiliser le front."
- Note de
l'amiral Lanxade du 2 juillet 1994 commentée par
Bruno Delaye sur la création de la ZHS
L'amiral Lanxade présente la situation 10 jours
après le lancement de l'opération Turquoise en
laissant supposer clairement que le FPR massacre
autant que les génocidaires, "d'après
les témoignages recueillis". On remarque
que cette information est en opposition totale
avec les informations de Bernard Kouchner 10 jours
plus tôt. Il propose deux options : le repli au
Zaïre ou la création d'une zone humanitaire sûre
en plaidant pour cette dernière solution.
On y remarque que, dans les deux options
analysées, les personnes à protéger sont
nécessairement des gens qui sont supposés être
menacés par le FPR et non pas des rescapés Tutsi
du génocide menacés par les FAR et les milices,
dont on n'envisage pas la situation. Les
informations en introduction sur le sauvetage de
quatre Tutsi apparaissent donc comme un alibi
présenté au président, à moins que l'amiral ne
considère qu'il n'y a plus de Tutsi à sauver, ce
qu'il ne dit pas.
On remarque aussi dans la note de l'amiral
Lanxade que l'accrochage entre Turquoise et le FPR
semble minimisé puisqu'il a nécessité l'envoi le 3
juillet en grand secret (à l'insu du quai d'Orsay)
de Jean-Christophe Rufin, spécialiste des
négociations en cas de prise d'otage et alors
conseiller du ministre de la Défense, pour
rencontrer le général Paul Kagame.
A-t-il négocié la libération de prisonniers
français, comme Collette Braeckman en a eu vent ?
(
Voir le témoignage de J.C. Rufin devant
notre commission et
la remarque de Colette Braeckman dans notre
rapport "L'horreur qui nous prend au visage" -
Karthala)
- La revue La
Nuit rwandaise
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Le compte-rendu du Commandant
de l'opération Amaryllis, le Colonel Poncet, au chef
d'Etat-major des armées du 27 avril 1994 a été
supprimé de ce site le 14 janvier 2009 en présence de
la Direction centrale du renseignement intérieur.
Webmaster de ce site de la CEC, j'ai été convoqué ce
jour par les renseignements français à cause de cette
note qualifiée de "classifiée" par l'enquêteur.
Cela confirme son authenticité. L'entretien a eu lieu
le mercredi 14 janvier 2009 au bureau central de la
police à Strasbourg. Cette demande officielle de
disparition de preuve constitue une preuve de plus de
ce que signifie le secret défense : la mise sous le
manteau d'une preuve juridique pour protéger
"l'inavouable". De toute façon aucun juge ne pouvait,
en France, utiliser ce rapport "classifié"
"Confidentiel défense" et de nombreux témoins ont
relaté ce que le colonel Poncet rapportait : il avait
l'ordre de n'évacuer que des non-rwandais et d'écarter
les journalistes des soldats qui n'intervenaient pas
pour empêcher des massacres pourtant commis sous leurs
yeux. La note diffusait la référence de la directive
qu'il avait reçue.
Cela constitue pour des citoyens honnêtes un véritable
cas de conscience. J'ai choisi de céder devant les
menaces juridiques invoquées et j'ai supprimé ce
compte rendu d'Amaryllis, qui est resté un an sur
notre site internet, en présence des officiers de la
DCRI en mon domicile.
Il n'en demeure pas moins que cette procédure, qu'elle
soit légale ou pas, peu importe mais il serait-utile
de le comprendre, est tout à fait inacceptable en
démocratie. C'est de notre point de vue un dévoiement
de la loi car la sécurité des citoyens français
n'étaient en aucune manière menacée, seulement la
protection de l'impunité de quelques dirigeants. De
plus c'était contraire à la convention pour la
prévention et la répression des crimes de génocide de
décembre 1948 adoptée à Paris par l'AG de l'ONU et qui
prévoit aussi les cas de complicité de génocide. Il y
eut ensuite un million de morts au Rwanda. qui
auraient peut être été évités par une autre attitude.
Rappelons que le Colonel Poncet fut sévèrement
sanctionné douze ans plus tard pour son commandement
en Côte d'Ivoire. Sévèrement ? ... En réalité,
faiblement en regard des crimes commis par l'armée
française en 2004 en Côte d'Ivoire sous son
commandement (selon la FIDH, 60 morts et plus de 1000
blessés en tirant froidement sur une foule de
civils) et dont on a retenu officiellement qu'un
meurtre dans un blindé...
Cet essaimage de violences impunies est-il sans lien ?
"L'honneur d'un militaire, c'est de savoir désobéïr"
Emmanuel Cattier
- Les deux
compte-rendu publiés ci-dessus donne lieu à une
analyse par Servenay de l'article de Serge
Farnel. Servenay écrit :
-
"Conclusion de Serge
Farnel, le confrère qui révèle ces notes :
"l'armée française connaissait-elle, au moins
depuis le 8 avril 1994, le caractère génocidaire
des massacres qui se déroulaient à Kigali."
-
Le
raisonnement semble un peu rapide et
anachronique (parle-t-on d'un "génocide" au
Kenya aujourdhui ou même d'un "caractère
génocidaire" des massacres ? ). En réalité,
l'état-major des armées, en particulier celui la
Force d'action rapide (Far) savait depuis des
mois que les massacres au Rwanda se déroulent
sur une base politico-ethnique. De là, à penser
que cela déboucherait sur le dernier génocide du
XXe siècle..."
Nous publions donc
trois documents des 24 et 25 octobre 1990
qui vont plutôt dans le sens de l'analyse de Serge
Farnel. Ils montrent d'une manière générale à quel
point le militaire et le diplomatique français
sont imbriqués, à quel point l'ambassadeur Martres
et les militaires sur le terrain influencent
l'analyse du pouvoir politique français, puisque
ce qu'ils expriment sera la ligne retenue par la
France de 1990 à 1994.
Surtout ils montrent à quel point ils sont
conscients, dès octobre 1990, du risque de
génocide des Tutsi et encouragent malgré
tout une ligne dure en soutien à ceux qui peuvent
le commettre. Voir l'analyse du colonel
Galinié incluse qui dit :" [Le
retour des Tutsi venu de l'Ouganda] entrainant
selon toute vraisemblance l'élimination
physique à l'intérieur du pays des Tutsi,
500.000 à 700.000 personnes, par les Hutu
7.000.000 d'individus." (
octobre 1990)
Martres conclut son télégramme du 25 octobre 1990
par cette phrase qui va à l'encontre de l'alibi
autojustificatif français des négociations
d'Arusha : " La
situation serait beaucoup plus claire et
beaucoup plus facile à traiter si
le Nord-Ouest du pays était nettoyé avant la
poursuite de l'action diplomatique."
C'est bien ce que l'armée française s'est employé
à faire et faire faire de 1990 à 1993 au Rwanda,
en employant systématiquement le terme de "Tutsi"
pour désigner l'ennemi. Voir à ce sujet les
documents connexes présentés par Jacques Morel à
la commission rwandaise et lors de sa conférence à
Strasbourg et ceux concernant le témoignage
d'Immaculée Cattier devant la CEC.
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