RÉSUMÉ DIRECTIF

(du rapport de l'OUA)

 

Mandat

 

R.D.1.     Le Groupe International d'Éminentes Personnalités pour enquêter sur le génocide de 1994 au Rwanda et ses conséquences a été créé par l'Organisation de l'Unité Africaine avec mandat de «mener une enquête sur le génocide de 1994 au Rwanda et ses conséquences dans la région des Grands Lacs [...] dans le cadre des efforts visant à éviter et à prévenir d'autres conflits d'une telle ampleur dans la région. Il devrait donc établir les faits sur la conception, la planification et l'exécution d'un crime aussi odieux, chercher à comprendre pourquoi la Convention sur le génocide n'a pas été appliquée dans le cas du Rwanda et de la région des Grands Lacs, et recommander des mesures pour faire face aux conséquences du génocide et prévenir toute répétition d'un tel crime.»

 

R.D.2.     Il a été spécifiquement demandé au Groupe d'enquêter sur les Accords d'Arusha de 1993, la mort du Président Habyarimana et le génocide qui s’en est suivi, ainsi que sur la crise subséquente des réfugiés qui a abouti au renversement du régime de Mobutu au Zaïre. Il lui a également été demandé d’enquêter sur le rôle des Nations Unies et de ses organismes, de l'Organisation de l'Unité Africaine, des «forces internes et externes» et des organisations non gouvernementales. Le Groupe a également reçu mandat de déterminer «ce que les dirigeants et les gouvernements africains et non africains auraient pu faire, individuellement et collectivement, pour éviter le génocide.»

 

 

    Avant l'indépendance

 

R.D.3.     Il est possible d’identifier les principales étapes qui ont conduit, depuis la fin de la période précoloniale, jusqu'au génocide un bon siècle plus tard particulière. Il n'y avait rien d'inexorable dans ce processus. L’élément central a été axé sur le choix délibéré des élites successives d'accentuer les clivages entre les deux grands groupes ethniques du pays, de déshumaniser le groupe sans pouvoir et de légitimer le recours à la violence contre ce groupe. Entre-temps, une culture d’impunité s’est ancrée.

 

R.D.4.     C'est sous le Mwami (roi) Rwabugiri, un Tutsi qui a régné à la fin des années 1800, que les principales caractéristiques du Rwanda moderne ont été déterminées pour la centaine d’années qui a suivi. Chef puissant d'un État centralisé, dominé d’abord par les Tutsi jusqu'en 1960 puis pris par les Hutu jusqu'au génocide de 1994, il dirigeait avec une main de fer une série complexe de structures subalternes. Durant la période coloniale, sous domination allemande et ensuite sous domination belge, les missionnaires catholiques, inspirés par les théories ouvertement racistes de l'Europe du 19e siècle, ont concocté une idéologie destructrice de clivage ethnique et de hiérarchisation raciale qui attribuait des qualités supérieures à la minorité Tutsi du pays. Ils estimaient que cette minorité représentant 15 pour cent de la population était plus proche, quoique pas trop, de la haute naissance des Blancs, contrairement à la majorité «Bantou»e (Hutu) dont les membres étaient considérés comme des brutes de naissance inférieure. CommeCompte tenu du fait que c'est c’étaient les missionnaires qui géraient les établissements scolaires de l’époque pendant la période coloniale, ces valeurs pernicieuses ont été systématiquement transmises à plusieurs générations de Rwandais, en même temps que certains autres principes catholiques plus classiques.

 

R.D.5.     Les prétendues différences entre les groupes ethniques, quoi qu’arbitraires et sans fondement, se sont rapidement ancrées. Les Belges ont rendu les structures complexes du Mwami plus rigides encore et inflexibles sur le plan ethnique. Ils ont institutionnalisé les clivages entre les deux groupes et les ont consacrés par la délivrance à chaque Rwandais d'une carte d'identité ethnique. Ce système de cartes a été maintenu pendant plus de 60 ans jusqu'à devenir, par une tragique ironie du sort, l'instrument qui a permis aux tueurs Hutu d’identifier, pendant le génocide, les Tutsi qui en avaient été les premiers bénéficiaires au départ.

 

R.D.6.     Tant que la situation les a serviQuand , les élites Tutsi ont été enchantées de croire en leur propre supériorité naturelle et de diriger le pays pour leurs patrons belges. La majorité Hutu était traitée avec la rudesse réservée à une «caste» inférieure. De nombreux Hutu n’ont pas tardé à convenir que les deux groupes ethniques, qui se distinguaient essentiellement par la profession exercée au cours des siècles précédents, étaient effectivement de nature fondamentalement différente et inconciliables en pratique. Les Tutsi ont fini par être diabolisés comme des envahisseurs étrangers n'ayant aucun droit sur le Rwanda.

 

R.D.7.     Vers la fin des années 1950, alors que le colonialisme tirait à sa fin, la démocratie dans les colonies est devenue synonyme de règle de la majorité. La tragédie rwandaise tient au fait que la majorité a été définie uniquement en termes d'ethnicité. Au Rwanda, il n'y a pas eu de mouvement national d'indépendance unissant tous les citoyens contre la colonisation. Les appels à laquelques  modération et à l’inclusion ont été étouffés par les messages extrémistes préconisant l'exclusion sur la base ethnique.

 

R.D.8.     Toutefois, il n'y a pas eu beaucoup de violence ouverte pendant la période qui a précédé l'indépendance. Les Hutu étaient manifestement considérés comme des «serfs», mais seuls quelques Tutsi bénéficiaient des avantages de la colonisation. En fait, pour de nombreux Tutsi, la vie n’était pas plus facile que pour les paysans Hutu. À l’époque, comme toujours, la notion d'homogénéité ethnique se heurtait aux divisions qui déchiraient les communautés Hutu comme les communautés Tutsi.

 

R.D.9.     Bien que les Hutu n’appréciaient pas leur statut et le traitement qu’on leur réservait, quelques mariages mixtes ont eu lieu entre les deux groupes qui, après tout, partageaient une langue, une religion, une géographie et, bien souvent, une apparence communes. Les éleveurs Tutsi et les paysans Hutu se complétaient mutuellement. Il a donc fallu alimenter judicieusement la haine entre les deux groupes. Avant la formation des partis politiques fondés sur l’origine ethnique, aucun massacre de membres d'un groupe ethnique par l'autre ne s’était produit.

 

R.D.10. Au lieu de lutter en faveur de l'indépendance contre les maîtres coloniaux, le parti Hutu s’est plutôt attaqué aux complices Tutsi de ces maîtres. Chose étonnante, les politiciens Hutu se sont retrouvés soutenus par les Belges et l'Église catholique, qui ont changé leur fusil d’épaule devant l’évidence que l'accession des Hutu au pouvoir était inévitable. Ce soutien s’est poursuivi même après l'éclatement de la violence. De 1959 à 1967, quelque 20 000 Tutsi ont été tués et 300 000 autres ont fui la terreur pour se réfugier dans les pays voisins.

 

    Les premiers gouvernements africains

 

R.D.11. Le gouvernement du Rwanda nouvellement indépendant de Grégoire Kayibanda a annoncé lases couleurs dès ses premiers jours. Dès 1961, un rapport des Nations Unies déclarait que «l'évolution de la situation au cours des 18 derniers mois a conduit à une dictature raciale de parti unique [...] Un système oppressif a été remplacé par un autre.» Le gouvernement n'était pas du tout populairene plaisait à personne, même pas même auprès d'une à la grande majorité de ses compatriotes Hutu. Les paysans continuaient de vivre dans des conditions précaires, tandis qu’une petite élite Hutu du nord et du nord-ouest était de plus en plus mécontente de son rôle marginal au sein du gouvernement.

 

R.D.12. Comme les pressions s'accentuaient sur lui, Kayibanda a déchaîné la terreur ethnique dans l'espoir de sauver son régime en rassemblant les Hutu pour les dresser contre leur ennemi commun, les Ttutsi. Au même moment, les clivages ethniques se sont renforcés, ce qui n'était pas nouveau et qui s’est reproduit par la suite, lorsen raison  des événements qui ont eu lieu au sud de la frontière, au Burundi. Après l’épouvantable massacre de la majorité Hutu par le gouvernement Tutsi en 1972, des réfugiés Hutu burundais terrorisés ont afflué au Rwanda où ils ont attisé les tensions ethniques et se sont joints aux attaques dirigées contre les Tutsi. Bien que le nombre de Tutsi tués soit resté relativement modeste, plusieurs milliers ont rejoint leurs frères Tutsi déjà en exil.

 

R.D.13. Mais l'exploitation des peurs rivalités ethniques par Kayibanda n’a pas réussi à sauver son régime et Kayibanda a été remplacé en 1973 par Juvénal Habyarimana, chef de l'armée rwandaise. Dans la quinzaine d’années qui a suivi, le climat au Rwanda a été serein, sans beaucoup de violences ethniques. Habyarimana a ouvert le pays au monde extérieur et le Rwanda, petit, efficace et stable, n’a pas tardé à devenir l'enfant chéri du développement industriel florissant de l'Occident. Quant aux Tutsi, ils étaient maintenant, d’abord et avant tout, en sécurité pour la première fois depuis près de 15 ans. Il est vrai qu'ils ne pouvaient jouer qu'un rôle marginal en politique, qu'ils continuaient d'être écartés de l'armée et qu'un quota de 10 pour cent seulement leur était réservé dans le système d’éducation. Mais ils se montraient actifs dans le secteur public et réussissaient dans les professions libérales, de même que dans certaines institutions de la fonction publique.

 

R.D.14. Plus de 60 pour cent des Rwandais étaient de religion catholique et l'Église catholique est restée un allié et un rempart sûr pour le régime Habyarimana, lui conférant légitimité et liberté d’action jusqu'à la fin. Tout comme les gouvernements des pays étrangers et les organismes d'aide présents au Rwanda, la hiérarchie catholique a rarement contesté les fondements ethniques de la vie publique ou la dictature militaire de parti unique de Habyarimana.

 

R.D.15. Toutefois, vers la fin des années 80, tous les progrès économiques ont marqué un arrêt. L’intégration économique rwandaise dans l’économie internationale avait été avantageuse pendant une courte période; désormais, le risque d'une trop grande dépendance se faisait sentir. Les recettes de l'État ont commencé à baisser suite à l'effondrement des cours du café et du thé. Les institutions financières internationales ont alors imposé des programmes qui ont accentué l'inflation, la rareté des terres et le chômage. Les jeunes hommes ont été particulièrement touchés. Le moral dans le du pays était au plus bas.

 

R.D.16. C'est à ce moment de vulnérabilité, le 1er octobre 1990, que les enfants des réfugiés Tutsi, qui avaient auparavant fui les pogroms de Kayibanda en se réfugiant en Ouganda, ont refait surface en tant qu'armée rebelle, le Front Patriotique Rwandais (FPR). Souvent traités comme des boucs émissaires et persécutés dans leur exil en Ouganda, les Tutsi rwandais n'étaient pas non plus les bienvenus au Rwanda. Aux dires d’Habyarimana, son pays était trop pauvre et disposait de trop peu de terres pour répondre aux besoins de la communauté exilée. Les rebelles ont décidé qu’étant donné qu’on leur refusait le droit de regagner leur pays, il était temps d’user de moyens plus contraignants.

 

R.D.17. L'invasion d’octobre 1990 au Rwanda par le FPR et la réaction du gouvernement ont constitué un pas de géant dans la voie conduisant au génocide. À ce moment-là, Habyarimana avait le choix. Contrairement aux attentes du FPR, peu de Rwandais, tous groupes confondus, ont accueilli favorablement ces soldats «ougandais» inconnus. Un front uni de tous les Rwandais contre les envahisseurs de l'extérieur aurait été possible, mais le gouvernement Habyarimana, opportuniste et se sentant menacé, a plutôt choisi d’aller dans le sens contraire. Délibérément, il a réveillé les vieux démons de la division ethnique. Les Tutsi ont été dépeints comme des envahisseurs étrangers. Tous les problèmes de classe et toutes les divisions régionales parmi les Hutu ont été étouffés pour faire front commun contre l’envahisseur. Tous les Tutsi ont été dénoncés comme membres d'unede la cinquième colonne, c'est-à-dire des partisans secrets du FPR. sur place. La propagande anti-Tutsi, en grande partie silencieuse depuis 17 ans, a repris de plus belle.

 

R.D.18. Au même moment, Habyarimana a demandé une assistance militaire à ses amis étrangers. Comme le Rwanda était un pays francophone, la France lui a répondu très positivement. Les forces françaises ont privé le FPR d'une victoire rapide sur la misérable armée rwandaise et les soldats et conseillers français sont demeurés au pays pour encadrer le régime de Habyarimana sur les plans politique et militaire afin de maintenir ces intrus «anglo-saxons» de l’Ouganda anglophone à distance. Le gouvernement Habyarimana a ainsi appris qu’il pouvait toujours compter sur l'appui officiel et personnel inconditionnel du Président et du gouvernement français.

 

R.D.19. Immédiatement après l'incursion du FPR, l'OUA s'est engagée dans des efforts de rétablissement de la paix et de recherche d'une solution au conflit. Pour l'OUA au Rwanda puis dans la région des Grands Lacs, les années 90 ont été une époque d'initiatives bien intentionnées, d’incessantes rencontres, de prises d’engagements et de ruptures d’engagements. En bout de ligne, l’OUA n’avait ni les moyens ni le pouvoir de faire quoi que ce soit d’autre que de réunir les protagonistes en priant d’abord pour qu’ils s’entendent et ensuite pour qu’ils ne violent pas les accords conclus. qu'ils avaient conclus

 

R.D.20. L'impact de l'incursion du FPR a été dévastateur à tous égards. L'avancée du FPR et la propagande gouvernementale anti-Tutsi ont amené des Hutu terrifiés à chercher refuge dans des camps internes. En très peu de temps, près de 300 000 Rwandais ont été expulsés ou ont dû fuir pour devenir des «personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays» ou des réfugiés à l’étranger. Au début de 1993, une autre attaque de grande envergure du FPR a entraîné le déplacement d'un million d'autres personnes, en majorité Hutu. Le pays était en émoi. L'économie chancelante risquait peu de se redresser. La violence anti-Tutsi, organisée par le gouvernement etou ses alliés, s’est propagée comme une traînée de poudre tandis que les insurgés du FPR n’ont guère fait preuve de retenue en traitant avec brutalité les civils Hutu dans les zones qu'ils avaient «libérées».

 

R.D.21. Au sein du gouvernement Habyarimana, la réalité du pouvoir revenait progressivement à une petite faction de proches collaborateurs originaires du nord-ouest du pays appelée Akazu («petite case»), que l'on connaissait aussi sous le nom de «Clan de Madame», car son noyau était constitué de l'épouse du président et de sa famille ainsi que de certains proches qui étaient les principaux bénéficiaires de la corruption qui caractérisait le régime. La crise économique réduisant considérablement les butins retombées du pouvoir et remettant en question la légitimité même du régime, l'Akazu a commencé à exploiter les rivalités ethniques pour détourner l'attention des graves divisions au sein du camp Hutu dont la principale opposait ceux du nord-ouest à tous les autres.

 

R.D.22. Il ne faudrait pas pour autant conclure que la planification du génocide a été initiée à un moment précis et documenté. Il est vrai que la violence physique et verbale contre les Tutsi a continué de s’intensifier après l'incursion du FPR de 1990 jusqu'au début du génocide en avril 1994. Toujours est-il Il est vrai aussi que cette campagne a été organisée et encouragée. Enfin, il est également vrai qu’à un stade donné de cette période, ces activités anti-Tutsi se sont transformés en stratégie pour le génocide. Mais le moment exact est inconnu.

 

R.D.23. Ce que l'on sait, toutefois, c'est qu'à compter du 1er octobre 1990, le Rwanda a été subi trois années et demie le théâtre de violents incidents anti-Tutsi, dont chacun pourrait en rétrospective être considéré interprété comme une étape calculée d’une vaste conspiration qui a abouti à l’attaque contre l'avion du président et à l'éclatement du génocide. Mais toutes ces interprétations restent des spéculations. Il n’existe pas d’explication généralement admise à l’écrasement d’avion et on ne peut pas non plus prouver que les multiples manifestations de sentiments anti-Tutsi de ces années-là faisaient partie d'un plan directeur diabolique. Ce qui est plus plausible, c’est que l'idée de génocide s'est insinuée progressivement, sans doute entre 1991 et 1992, pour s’affirmer davantage en 1993 et en 1994.

 

R.D.24. Plus tard, à la fin du génocide, il y a eu un grand débat international sur la question de savoir qui savait quoi à propos des événements au Rwanda. Ce débat est inutile : les faits parlent d'eux-mêmes. Tous les acteurs d’importance pour le Rwanda   ses voisins de la région des Grands Lacs, les Nations Unies, toutes les grandes puissances occidentales   savaient exactement ce qui se passait et que tout était organisé aux plus hauts niveaux du gouvernement rwandais. Ces observateurs savaient qu’il ne s’agissait pas d’un stupide problème «de Hutu tuant des Tutsi et de Tutsi tuant des Hutu», comme on a parfois dépeint avec mépris le génocide. Ils savaient qu'une catastrophe terrible s'était abattue sur le Rwanda. Ils savaient même que certains parlaient ouvertement d'éliminer tous les Tutsi, bien que peu d’observateurs pouvaient s’imaginer à l'époque qu’un vrai génocide était possible. pouvait effectivement avoir lieu.

 

R.D.25. La violence anti-Tutsi, tout le monde le savait, a repris après l'incursion du FPR, lorsque les massacres de Tutsi ont débuté (ils n'ont pris fin qu'avec la fin du génocide lui-même). Des massacres de Tutsi ont été perpétrés en octobre 19909, janvier 1991, février 1991, mars 1992, août 1992, janvier 1993, mars 1993 et février 1994. À chaque occasionA occasion, des Tutsi ont été tués par la foulefoule  et par les miliciens associés à différents partis politiques, parfois avec la participation des forces policières et de l'armée, incités en cela par les médias, sur instruction des responsables gouvernementaux locaux et encouragés par certains politiciens nationaux.

 

R.D.26. À mesure que la terreur montait, les organisateurs ont appris non seulement qu'ils pouvaient massacrer rapidement et efficacement un grand nombre de personnes, mais également qu’ils pouvaient le faire impunément. Une culture de l'impunité s'est ainsi développée et les conspirateurs sont devenus de plus en plus audacieux. Les dirigeants extrémistes de l'armée ont alors conspiré avec lesmembres des cercles entourant Habyarimana et l'Akazu pour former des sociétés secrètes et des escadrons de la mort clandestins à la mode latino-américaine connus sous les noms d’«Amasasu» (balles) et de «Réseau zéro».  Ils ne sont pas restés secrets Le secret n’a pas été gardé longtemps : leur existence et leurs ramifications ont été rendues publiques en 1992.

 

R.D.27. Mais en même temps, des forces contraires étaient à pied d'œuvre. Les pressions en faveur de la démocratisation exercées à partir de l'intérieur et de l'extérieur du pays ont obligé Habyarimana à accepter la politique multipartite. Un éventail de nouveaux partis, pour la plupart Hutu, ont émergé pour participer au processus. Cependant, un de ces partis, lae Coalition pour la Défense de la République (CDR), représentait les Hutu radicaux et entretenait des liens avec les escadrons de la mort. Pisre encore, les partis se sont mis à organiser leurs propres milices de jeunes, la plus célèbre étant celle des «Interahamwe» formée par le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND) de Habyarimana lui-même. Au même moment, de nouveaux médias diffuseurs de propagande haineuse ont émergé, notamment la très tristement célèbre station de radio qui s’est baptisée la «Radio-Télévision Libre des Milles Collines», parrainée par une faction de l'Akazu. Tandis que sa milice terrorisait les opposants et infligeait des bastonnades aux Tutsi et que sa station de radio incitait à la haine et à la violence ethniques, Habyarimana a pourtant dû accepter, à grand contrecoeur, un gouvernement de coalition.

 

R.D.28. Immédiatement, les nouveaux ministres se sont joints à l'OUA et aux puissances occidentales pour exercer des pressions sur Habyarimana afin qu'il accepte de négocier avec le FPR à Arusha, en Tanzanie. En août 1993, après de longues et laborieuses tractations, des ententes ont été conclues sur un éventail de questions fondamentales, dont le partage du pouvoir au sein du gouvernement et de l’armée et l’avenir des réfugiés. Mais ces accords n’ont jamais été mis en œuvre. Finalement, le processus d’Arusha a eu l’effet inverse. Plus il semblait que le pouvoir et ses retombées limitées seraient partagés non seulement avec les autres partis Hutu, mais également avec le FPR, plus les membres du noyau de l'Akazu étaient résolus à ne rien partager avec qui que soit.

 

R.D.29. Au même moment, une nouvelle arme meurtrière a contre toute attente été remise entre les mains des Hutu rwandais. L'assassinat en octobre 1993 du Président Hutu Melchior Ndadaye démocratiquement élu duau Burundi et les horribles massacres subséquentsont suivi ont été considérés par de nombreux Hutu comme la preuve définitive que le partage du pouvoir entre les Tutsi et les Hutu était à jamais voué à l'échec :.  Oon ne pouvait faire confiance aux Tutsi. Le «Hutu Power»pouvoir hutu, en tant que concept explicite et officiel d'organisation, a été la conséquence immédiate des bouleversements au Burundi. Les grands rassemblements organisés par le pouvoir Hutu attiraient les membres de tous les partis, ce qui confirmait la nouvelle réalité selon laquelle la solidarité ethnique l'emportait sur l'allégeance aux partis. La vie politique, durant lces mois de turbulence qui ont précédé le génocide, s'était réorganisée strictement autour des deux pôles ethniques opposés.

 

R.D.30. Plus la conspiration s'élargissait et s'accentuait, plus les intentions des conspirateurs devenaient évidentes. Pratiquement tous ceux qui, au Rwanda, étaient associés aux Nations Unies, à la communauté diplomatique ou aux groupes de défense des droits de l'homme connaissaient l’existence des listes de personnes à assassiner et savaient que les massacres s'accéléraient et que les responsables des partis d'opposition étaient menacés. Les trafiquants d’armes internationaux travaillaient d’arrache-pied en coulisses, Kigali ressemblait à un bazar d’armes et l’on pouvait facilement se procurer des armes modernes aux marchés de la ville. La mission militaire des Nations Unies a réussi à identifier un agent de haut niveau des Interahamwe dont les révélations ont amené son commandant, le général Roméo Dallaire, à envoyer sa fameuse télécopie du 11 janvier 1994 au siège social de l’ONU à New York : «Jean Pierre [l’informateur des Interahamwe], signalait Dallaire, a reçu l'ordre de recenser tous les Tutsi de Kigali. Il soupçonne que c'est en vue de leur extermination. À titre d'exemple, il a indiqué que ses éléments pouvaient tuer jusqu'à 1 000 Tutsi en 20 minutes.»

 

R.D.31. Quant la violence a finalement éclaté à peine trois mois plus tard, elle était organisée et coordonnée. Son but était explicite : un génocide. Une clique de suprématistes Hutu rwandais s'était employée à mobiliser les Hutu dans l'intention explicite d'exterminer tous les Tutsi du pays, y compris les femmes et les enfants. Le reste du monde savait qu'une grande catastrophe se préparait au Rwanda, sans pour autant envisager la possibilité que les radicaux aillent jusqu'au génocide. Les événements ont rapidement prouvé le contraire.

 

    Les acteurs externes avant le génocide

 

R.D.32. Par ailleurs, plusieurs acteurs externes avaient une lourde part de responsabilité dans les événements qui avaient cours. Au Rwanda même, les responsabilités les plus lourdes revenaient aux hiérarchies catholique et anglicane et au gouvernement de la France, tous partisans du gouvernement Habyarimana. Les dirigeants religieux n'ont pas usé de leur autorité morale unique auprès d'une population en grande majorité chrétienne pour dénoncer la haine ethnique et les violations des droits de l'homme. Le gouvernement de la France s'est rendu coupable de la même omission au niveau de l'élite. Son soutien public inconditionnel au gouvernement Habyarimana a été l’un des principaux facteurs qui a empêché les radicaux de faire des concessions ou d'envisager un compromis. Bien que Ccertains responsables français savaient que beaucoup de leurs amis, aux plus hauts échelons de la structure du régime rwandais, s’étaient rendus coupables de violations des droits de l'homme, mais ils n’ont pas usén'usaient pas de leur influence pour demander qu'un terme soit mis à ces violations. Les radicaux avaient manifestement bien en ont tiré une évidente leçon d’encouragement compris la leçon à tirer : ils pouvaient tout se permettre. impunément.

 

R.D.33. Aux Nations Unies, le Conseil de sécurité, encore et toujours les États-Unis en tête, ne s'est tout simplement pas suffisamment soucié du Rwanda pour intervenir de manière appropriée. Ce qui rend encore plus intolérable cette fuite de ses responsabilités par le Conseil de sécurité, c’est que le génocide n'était absolument pas inévitable. Pour commencer, il aurait été tout à fait possible de l’empêcher. Ensuite, il aurait été nettement possible, même après l’avoir laissé éclater, d’en alléger le bilan. Il aurait suffi d'une force militaire internationale de taille raisonnable munie d’un mandat fort pour mettre en application les Accords d'Arusha. Le Conseil de sécurité n’a autorisé aucune mesure dans ce sens ni avant ni pendant le génocide.

 

R.D.34. Les États-Unis ont présenté des excuses officielles pour n'avoir pas su empêcher le génocide. Le Président Clinton a insisté pour dire que c’était par ignorance. Or, les faits prouvent que le gouvernement américain savait exactement ce qui se passait, encore plus durant les mois où le génocide avait cours. Mais la politique intérieure importait bien davantage que était à la vie d'Africains en détresse. Après avoir perdu 18 soldats en Somalie en octobre 1993, les États-Unis ne voulaient participer à aucune mission de maintien de la paix et s’opposaient de manière générale à ce que le Conseil de sécurité autorise toute nouvelle mission sérieuse, avec ou sans la participation des Américains.

 

R.D.35. En octobre 1993, la première mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) a été mise sur pied avec un mandat des plus faibles et une capacité minimale.Toutes Même les avertissements les plus graves ne seraient pas parvenus à persuader les membres du Conseil de sécurité de prendre la mission au sérieux ni le Secrétariat des Nations Unies d'autoriser la mission à interpréter son mandat de manière flexible. La seule occasion où la MINUAR a été autorisée à outrepasser son mandat d'observation passive remonte à l'éclatement même du génocide, quand plusieurs nations européennes ont évacué leurs ressortissants. Non seulement la MINUAR a-t-elle été autorisée à aider aux évacuations, mais elle a également été autorisée à outrepasser son mandat si nécessaire pour assurer la sécurité des ressortissants étrangers. Jamais une telle autorisation n’a été donnée pour protéger les Rwandais.

 

R.D.36. L'importance des actes du Conseil de sécurité ne doit pas être sous-estimée : son refus de sanctionner une mission d’envergure a rendu le génocide plus probable. Le caractère modeste Les faibles efforts des Nations Unies ont contribué à persuader les Hutu radicaux qu'ils n'avaient rien à craindre du monde extérieur, quels que soient leurs méfaits. Cette opinion ne s’est révélée que trop exacte, comme nous le verrons plus loin.

 

    Le génocide

 

R.D.37. Les roquettes qui ont abattu l'avion du Président Habyarimana le 6 avril 1994 ont servi de catalyseur à l'une des plus grandes catastrophes de notre époque. Après le chaos des premières heures qui ont suivi l’écrasement de l’avion, la structure militaire de gouvernement mise en place depuis 1990 a été utilisée par le gouvernement intérimaire du Hutu Power et les chefs militaires rwandais pour exécuter le génocide et pour mener une guerre civile. Il était désormais clair que les instigateurs du génocide avaient une stratégie globale qu’ils mettaient en œuvre avec une planification et une organisation scrupuleuses. Ils contrôlaient les leviers du gouvernement, ils disposaient de soldats et de miliciens hautement motivés, ils avaient les moyens de tuertrier un grand nombre massif de personnes, la capacité d'identifier et de tuer les victimes en plus d’exercer un contrôle rigoureux sur les médias pour diffuser les messages voulus tant à l'intérieur qu'à l'extérieur intérieur du pays.

 

R.D.38. À la fin du génocide, une centaine de jours plus tard, de 500 000 à 800 000 femmes, enfants et hommes, en vaste majorité Tutsi, avaient été tués. Des milliers d'autres personnes avaient été violées, torturées et mutilées à vie. Les victimes ont été traitées avec une cruauté sadique et souffraient une agonie inimaginable ont souffert le martyre.

 

R.D.39. Les attaques visaient de nombreusesx cibles. En tête de liste en vue de leur élimination, citons les membres du gouvernement et de l'opposition, les Hutu modérés dont des milliers ont été massacrés sans pitié dès les premiers jours, les critiques du gouvernement comme les journalistes et les militants des droits de l'homme, tout les Tutsi considéré comme leader communautaire, y compris les professionnels, les militants politiques, les avocats et les enseignants, de même que les prêtres, religieuses et autres membres du clergé d'origine Tutsi ou ayant donné refuge aux victimes visées.

 

R.D.40. Ensemble, les chefs militaires et le nouveau gouvernement intérimaire des partisans du «Hutu Power»pouvoir hutu, assermenté suite à l’écrasement de l’avion, prenaient toutes les décisions, tandis que la structure complexe du régime rwandais exécutait le génocide avec une effroyable efficacité. Tous ont bénéficié d’un soutien indispensable de la part des leaders Hutu des Églises catholique et anglicane. Sauf quelques exceptions héroïques, ces leaders ont joué un rôle manifestement scandaleux durant ces mois, dans le meilleur des cas en gardant le silence ou en restant explicitement neutres. Cette position a été facilement interprétée par les Chrétiens ordinaires comme un appui implicite aux tueries, comme l’a été la proche association des leaders religieux avec les leaders du génocide. C’est peut-être là ce qui permet d’expliquer le plus grand mystère du génocide : la terrible facilité avec laquelle le «Hutu Power»pouvoir hutu a pu rendre autant de citoyens ordinaires complices du génocide. Il est impossible d’expliquer autrement pourquoi tant de personnes ont pu être assassinées si vite.

 

R.D.41. Compte tenu de la nature de l’événement, il a toujours été difficile d’établir le nombre exact de personnes tuées pendant le génocide. Le nombre le plus convaincant de morts Tutsi varie d’un maximum de 800 000 à un minimum de 500 000. Même si l’on retient le nombre le plus bas, cela signifie que plus des trois quarts de tous les citoyens enregistrés comme étant Tutsi ont été systématiquement tués en une centaine de jours. En outre, des millions de Hutu rwandais ont été déplacés à l’intérieur du pays ou ont fui pour se réfugier dans les pays voisins.

 

    Le monde pendant le génocide

 

R.D.42. Jusqu’auà jour où le génocide a pris finla fin du génocide avec la victoire militaire du FPR, les Nations Unies, les gouvernements des États-Unis d’Amérique, de France et de Belgique, les gouvernements africains et l’OUA ont tous refusé de qualifier les massacres de génocide en bonne et due forme. Tous ont continué à reconnaître les membres du gouvernement génocidaire comme les représentants légitimes du Rwanda. Tous sauf le gouvernement de la France ont officiellement maintenu une position de neutralité entre un gouvernement qui exécutait le génocide et son seul adversaire, le FPR. Toutefois, en pratique, c’est cette neutralité qui a permis au génocide de se produire. Quand le génocide a débuté, les États-Unis ont à maintes reprises et délibérément sapé toutes les tentatives de renforcer la présence militaire des Nations Unies au Rwanda. La Belgique s’est inscrite comme une alliée inattendue dans ce but. Au deuxième jour de la crise, le lendemain du 6 avril 1994 où l’avion du président Habyarimana a été abattu, dix soldats belges ont été assassinés par des soldats rwandais. Comme les radicaux l’avaient anticipé, la Belgique a immédiatement décidé de retirer toutes ses troupes, laissant les 2 000 Tutsi qu’elle protégeait dans une institution scolaire se faire massacrer à peine quelques heures plus tard. Le gouvernement belge, décidant que sa honteuse retraite aurait l’air moins grave si d’autres l’imitaient, a exercé des pressions acharnées pour démanteler complètement la MINUAR. Les États-Unis, quoique d’accord avec l’idée, estimaient qu’il était trop scandaleux de la poursuivre. Toutefois, tandis que le génocide entraînait chaque jour la mort de dizaines de milliers de personnes, le Conseil de sécurité,chaque jour et ignorant les pressants appelsà sa fin de l'OUA et des gouvernements africains, a plutôt opté pour réduire de moitié les forces des Nations Unies alors même qu’elles auraient dû être massivement renforcées. Comme les horreurs s’intensifiaient, le Conseil de sécurité a effectivement autorisé une mission pourvue d'un mandat plus fort, la MINUAR II, mais, une fois encore, les États-Unis ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour la rendre inopérante. En bout de ligne, pas un seul soldat de plus ni une seule pièce supplémentaire d’équipement militaire n’est parvenu au Rwanda avant la fin du génocide.

R.D.43. Pour sa part, le gouvernement de la France est demeuré ouvertement hostile au FPR pendant toute la durée du génocide. En juin, deux mois après le début du conflit suite à l’écrasement d’avion fatal, le gouvernement français, avec le concours surprenant du Conseil de sécurité, a envoyé des forces au Rwanda, l’Opération Turquoise, qui a aussitôt créé une zone de sécurité dans le sud-ouest du pays. Devant l’avancée du FPR, des paysans Hutu effrayés se sont enfuis vers la sûreté et la protection de cette zone, sauf qu’un nombre important de chefs gouvernementaux et militaires impliqués dans le génocide ont fait de même, tout comme de nombreux soldats et miliciens. Tous les chefs, soldats et miliciens génocidaires qui ont réussi à parvenir à la zone de sécurité française ont été autorisés à traverser la frontière pour se réfugier dans l’est du Zaïre, où ils ont rejoint d’autres génocidaires qui avaient fui le Rwanda en empruntant d’autres itinéraires. Tous étaient prêts à reprendre les hostilités contre le nouveau gouvernement de Kigali qui avait remplacé le Hutu Power. Les troupes françaises se sont retirées en août 1994, un mois après l’installation du nouveau gouvernement au pouvoir.

 

R.D.44. Les faits ne sont pas contestésclairement établis : quelques-uns parmi les principaux acteurs auraient pu directement empêcher les massacres, les interrompre ou en réduire l’ampleur, notamment les forces françaises présentes au Rwanda; les États-Unis au Conseil de sécurité; la Belgique dont les soldats savaient qu’ils auraient pu sauver d’innombrables vies s’ils avaient été autorisés à rester au Rwanda; et les autorités religieuses rwandaises. Pour reprendre les propos amers du commandant de la mission militaire des Nations Unies, «la communauté internationale a les mains souillées de sang».

 

R.D.45. Dans les années qui ont suivi, les dirigeants des Nations Unies, des États-Unis, de la Belgique et de l’Église anglicane ont tous présenté des excuses pour n’avoir pas su stopper le génocide. pour n’avoir pas pu mettre un terme au génocide Ni le gouvernement français ni l’Église catholique n’en ont encore présenté. Aucun gouvernement ni aucune institution responsable n’a non plus suggéré que l’on doive au Rwanda une quelconque compensation pour cet échec; pendant cette période, jamais aucun responsable n’a démissionné en signe de protestation ni n’a été amené à répondre de ses actes.

 

 

    Le Rwanda après le génocide

 

R.D.46. Quand la guerre et le génocide ont pris fin le 18 juillet 1994, la situation au Rwanda était si sombre qu’on pouvait à peine la décrire. Rarement un peuple, où que ce soit, n’a eu à surmonter autant d’obstacles apparemment insurmontables avec aussi peu de ressources. Les blessures physiques et psychologiques vont probablement se faire sentir pendant des dizaines d’années.

 

R.D.47. Le pays était en loques, à l’abandonétait . Sur une population de sept millions d’habitants avant le génocide, les trois quarts environ avaient été soit tués, soit déplacés ou avaient fui le pays. De ce nombre, jusqu’à 15 pour cent sont morts, deux millions ont été déplacés à l’intérieur du pays et deux autres millions sont devenus des réfugiés. Beaucoup de ceux qui sont restés ont terriblement souffert. Beaucoup ont été torturés et blessés. De nombreuses femmes ont été violées et humiliées, certaines devenant infectées par le VIH/SIDA. Quatre-vingt-dix pour cent des enfants qui ont survécu ont été au moins témoins d'un carnage. Une nation entière a été meurtrie et traumatisée. Les Rwandais étaient, pour reprendre leur propre expression, des «morts vivants».

 

R.D.48. Telle était la situation à laquelle le nouveau gouvernement inexpérimenté devait faire face. Les défis étaient énormes et les stratégies pas toujours convaincantes. Bien qu’il s’autoproclamait gouvernement d’unité nationale, la plupart des observateurs ont toujours été persuadés que le véritable pouvoir sur le terrain, politique et militaire, était exercée par un petit groupe des «Tutsi FPR» du début. proprement dits. Certains parlaient d’un gouvernement auquel son peuple ne faisait pas confiance et d’un peuple auquel son gouvernement ne faisait pas confiance.

 

R.D.49. Pour des raisons on ne peut plus impérieuses, le nouveau gouvernement ne faisaitaucunement pas non plus confiance à la communauté internationale. Toutefois, il s’est retrouvé aussitôt très largement tributaire des nations occidentales, des organismes internationaux et des institutions financières pour commencer la reconstruction. Compte tenu des événements passés, la réponse de la communauté internationale face aux besoins du Rwanda a été de modeste à décevante, voire franchement scandaleuse.

 

R.D.50. Pisre encore, quelques mois seulement après la fin du génocide, de nombreux étrangers revenus aider à la reconstruction ont commencé à soutenir qu’il revenait aux Rwandais eux-mêmes de reconstruire leur société. Ils invitaient les Rwandais à «cesser de se morfondre sur leur passé et à concentrer leurs efforts sur la reconstruction de l’avenir». Six mois après la fin du génocide, le personnel des organismes d’aide disait déjà : «d’accord, il y a eu un génocide, mais il est temps de tourner la page et de passer à autre chose».

 

R.D.51. Ce n’était pas facile à l’époque et cela ne l’est pas davantage, et ce n’est toujours pas facile aujourd’hui. Dans la liste interminable de problèmes qui continuent dese poser hanter le Rwanda figurent les questions hautement complexes de justice, de détermination des responsabilités et de réconciliation. Les Nations Unies ont créé le Tribunal pénal international d’Arusha en Tanzanie et le Rwanda a ses propres tribunaux. Dans tous les deux cas, le processus de jugement des génocidaires est long, laborieux et frustrant. Sept inculpations condamnations seulement ont été prononcées à Arusha après cinq années de travail, tandis qu’au Rwanda 2 000 causes seulement ont été entendues. Au moins 120 000 Hutu croupissent en prison dans des conditions terribles et souvent sans qu’aucune accusation n’ait été déposée contre eux. Au rythme actuel, on estime qu’il faudra entre deux et trois siècles pour examiner les cas de toutes les personnes actuellement détenues. Le gouvernement rwandais a initié mis au point une nouvelle procédure dans laquelle interviennent les gacacas, des tribunaux d’instance inférieure qui combinent des mécanismes traditionnels et contemporainsd’administration de la justice destinés à accélérer le processus judiciaire d’une manière qui favorise la réconciliation. L’impact des gacacas reste encore à déterminer et des ressources extérieures substantielles sont évidemment nécessaires pour assurer un fonctionnement adéquat du processus.

 

R.D.52. Entre-temps, les questions de justice et de réconciliation — perplexes dans n’importe quelle situation conflictuelle, à plus forte raison après un génocide — vont continuer d’obséder les décisions gouvernementales et les attentes populaires. La réconciliation n’est pas un simple dossier qu’on peut se contenter de confier auquestion  à confier simplement au système judiciaire. Toutes les institutions et politiques gouvernementales doivent promouvoir une culture de réconciliation et toutes les oppositions au gouvernement doivent œuvrer dans le même sens. La tâche n’est pas aisée, compte tenu des la réalités de ce pays gravement polarisé. la mauvaise polarisation du pays. Pour reprendre les propos d’un chercheur, «les Tutsi réclament par-dessus tout la justice, tandis que les Hutu réclament par-dessus toute la démocratie. La minorité craint la démocratie. La majorité craint la justice. La minorité craint que la revendication de démocratie ne soit qu’un prétexte pour finir un génocide inachevé. La majorité craint que la revendication de justice ne soit qu’un complot ourdi par la minorité pour usurper à jamais le pouvoir». D’une manière ou d’une autre, la justice et la démocratie doivent toutes les deux prévaloir et l’ethnicité doit cesser d’être le seul élément déterminant des intérêts et de l’identité indemnité des Rwandais.

 

    Les conséquences au niveau de la région

 

R.D.53. Tandis que ces questions absorbaient lPendant que ces questions absorbales Rwandais à l’intérieur de leur pays, une autre crise monumentale s’est développée au-delà des frontières. Deux millions de Rwandais ont fui le conflit dans toutes les directions : plus d’un demi-million ont fui vers l’est en Tanzanie, un quart de million ont fui vers le sud au Burundi et, ce qui est plus tragique encore, au moins 1,2 million ont fui vers l’ouest pour atteindrede l’Est  la région du Kivu, à l’est du Zaïre. En même temps, de nombreux chefs, soldats et miliciens génocidaires ont fui le Rwanda pour se réfugier à l’est, au Zaïre, où ils avaient un accès illimité aux armes. C’était la formule idéale pour mener tout droit à la catastrophe.

 

R.D.54. Les médias internationaux, qui ont d’abord ignoré puis mal interprété le génocide en le présentant comme de simples affrontements entre tribus, ont commencé à faire des camps des réfugiés du Kivu une cause célèbre universelle. célébrité mondiale. L’aide étrangère et le personnel humanitaire étranger affluaient. Malheureusement, les ex-FAR et les miliciens avaient pratiquement pris le contrôle total des camps et bénéficiaient du travail de la communauté humanitaire. Les vrais besoins des vrais réfugiés n’ont pu être satisfaits qu’une fois que les organisations non gouvernementales ont eu fini de répondre aux demandes des militaires en contrôle des camps.

 

R.D.55. Les buts du Hutu Power pouvoir hutu étaient transparents et connus de tous ceux qui s’occupaient de la crise au Kivu. Le pouvoir hutu Il était résolu à renverser le nouveau gouvernement de Kigali. Presque immédiatement après le rétablissement de leurs chefs dans les camps de réfugiés zaïrois, les suprématistes Hutu ont commencé à organiser des raids au Rwanda, obligeant le nouveau gouvernement de Kigali à faire face à une autre grande situation d’urgence. Les nombreux appels à de la communauté internationale visant le désarmement des tueurs sont restés vains. Une fois encore, les dirigeants du Conseil de sécurité ont gravement fait défaut au Rwanda. D’une certaine façon, ils ont même ajouté aux malheurs du Rwanda. Le gouvernement de la France, avec l’aval tacite des États-Unis, a apporté son appui au Président Mobutu du Zaïre, qu’il considérait le seul capable d’aider à résoudre la crise des réfugiés dans son pays. En réalité, d’importants groupes gouvernementaux zaïrois sont devenus les principaux fournisseurs d’armes des ex-FAR et des miliciens, bien que de nombreux autres pays et groupes se sont également livrés au commerce des armes.

 

R.D.56. Les conséquences de ces décisions internationales pour l’Afrique étaient largement prévisibles et elles ont été totalement catastrophiques. Le gouvernement rwandais au pouvoir au lendemain du génocide avait déjà clairement laissé entendre qu’il ne tolérerait plus que les camps de l’est du Zaïre servent de rampe de lancement au retour des génocidaires. Vers la fin de 1996, le gouvernement de Kigali en a eu assez. L’hostilité des Zaïrois envers les nombreux anciens Tutsi rwandais installés dans la région du Kivu augmentait de façon inquiétante et le nouveau gouvernement rwandais avait secrètement commencé à entraîner les jeunes hommes Tutsi de la région. Sous la bannière d’une alliance de Zaïrois anti-Mobutu et avec l’appui actif de l’Ouganda, l’armée rwandaise a lancé en octobre et novembre une attaque vicieuse contre l’ensemble des camps de réfugiés de la région du Kivu. Il y a eu un retour massif de réfugiés au Rwanda, mais les pertes en vies humaines ont été énormes. Plusieurs autres réfugiés se sont dirigés vers l’ouest, s’enfonçant à l’intérieur du Zaïre. Certains étaient de vrais réfugiés, d’autres des éléments des ex-FAR et des miliciens Interahamwe. Sous la conduite de l’armée rwandaise, l’alliance anti-Mobutu les a impitoyablement pourchassés en en tuant un grand nombre. Au passage, d’atroces violations des droits de l’homme ont été commises.

 

R.D.57. Mais l’action militaire s’est rapidement étendue aux zones situées au-delà de l’est du Zaïre. L’alliance anti-Mobutu, toujours conduite par l’armée rwandaise et appuyée par les forces ougandaises, angolaises et burundaises, a alors décidé de s’en prendre à Mobutu lui-même, déclenchant ce qui est devenu la première guerre du Congo. En mai 1997, quelques mois plus tard à peine, Mobutu a dû prendre la fuite et le gouvernement de Kinshasa est tombé. Mais la saga n’avait toujours pas pris fin. Le nouveau chef du pays [rebaptisé République démocratique du Congo (RDC)], Laurent Kabila, n’a pas mis longtemps à se brouiller avec ses conseillers rwandais et, en juillet 1998, un peu plus d’un an après que les Rwandais l’ont aidé à accéder au pouvoir, Kabila a expulsé les forces rwandaises et ougandaises de la RDC.

 

R.D.58. Quelques jours plus tard, ces forces sont revenues en tant qu’en tant qu’armée ennemies. La deuxième guerre du Congo a commencé, pour dégénérer presque immédiatement après en une confrontation aux dimensions continentales. Directement ou indirectement, le cinquième environ de tous les gouvernements et armées d’Afrique s’y sont impliqués, de même qu’une douzaine de groupes armés ou davantage. Les alliances au sein et entre ces groupes aux intérêts variés et conflictuels étaient déconcertantes. De plus, la situation s’est interminablement compliquée à cause des énormes ressources en minerai de la RDC — qui attirent irrésistiblement les gouvernements, de vulgaires malfrats et de puissantes sociétés —, à cause du problème persistant de la prolifération des armes avec le concours de certains gouvernements à travers le monde et à cause d’une multitude d’agitateurs privés sans scrupules. Un an après le début de la deuxième guerre du Congo, l’Accord de cessez-le-feu et de paix de Lusaka a été signé. Bien que le cessez-le-feu ait été depuis violé à plusieurs reprises, les tentatives de mise en oeuvre d’une paix durable se poursuivent.

 

R.D.59. La catastrophe qui a frappé le Rwanda prouve que ce dont la RDC a besoin aujourd’hui, c’est d’une très importante mission militaire des Nations Unies munie d’un mandat pour faire appliquer l’Accord de Lusaka. Malheureusement, le Conseil de sécurité n’a autorisé qu’une mission d’observation modeste, qui ne sera d’ailleurs déployées que si la paix et la coopération entre les parties en au conflit sont rompues. La conséquence, comme selon les responsables de l’OUA l’ont signalé, c’est que la communauté internationale n’est prête à intervenir que lorsqu’on n’a pas besoin d’elle, ce qui reflète à quel point l’Afrique est marginalisée au sein de la communauté internationale. Toutefois, si les gouvernements aujourd’hui en guerre l’un contre l’autre en Afrique centrale étaient disposés à combiner leurs forces sous l’égide d’une mission des Nations Unies, la pression morale exercée sur le reste du monde pour qu’un appui logistique soit consenti augmenterait considérablement.

 

    Le Rwanda et la région aujourd’hui

 

R.D.60. Pour la région, le dilemme est clair. Le Rwanda ne se retirera pas de la RDC tant que les ex-FAR et les Interahamwe seront libres de continuer de déstabiliser l’actuel régime. Mais plus le conflit se poursuivra, plus la réconciliation et la reconstruction au Rwanda accuseront du retard. Le gouvernement ne peut pas se permettre de baisser sa garde face à ses ennemis mortels. Mais plus il est déterminé à maintenir sa vigilance, plus il y a de meurtres de Hutu innocents et de violations des droits de l’homme. Les tensions entre les Tutsi et les Hutu s’accentuent inexorablement. Les rares ressources financières disponibles sont détournées à des fins improductives. En l’absence de paix, les chances de succès des ambitieuses initiatives du gouvernement sont sérieusement compromises.

 

R.D.61. Cetteanalyse réalité est également vraie pour le Burundi et la RDC. Bien que le Rwanda, le Burundi et la RDC aient respectivement de nombreux défis à relever, on peut difficilement surestimer mais l’interdépendance des trois pays. Sans paix, leur avenir est compromis, avec des conséquences incalculables non seulement pour leurs propres citoyens, mais aussi pour l’ensemble du continent. Outre des solutions nationales aux problèmes nationaux, il faut trouver des solutions régionales aux problèmes régionaux.

 

R.D.62. Prédire l’avenir n’est pas facile. En ce qui concerne celui du Rwanda, on peut être relativement optimiste ou assez pessimiste. À plusieurs égards, les progrès réalisés par le pays depuis le génocide de 1994 sont remarquables. Les dévastations omniprésentes ne sont plus apparentes. Le pays a commenceé à penser en termes de à son développement futur et non plus en termes d’aide d’urgence. Pour l’observateur non averti, la situation au Rwanda est revenue à la normale.

 

R.D.63. Au mieux, cependant, le Rwanda a retrouvé son statut de pays désespérément pauvre et sous-développé, présentement onzième des pires au classement du Programme des Nations Unies pour le développement au titre de l’indice de développement humain. Mais en réalité, l’héritage du génocide se ressent dans chaque aspect de la société et de la gouvernance. Tout comme Il n’y a pas prescription pour les coupables de génocide, et il n’y en a pas davantage pour les victimes.

 

R.D.64. De vieilles tensions ethniques couvent. Les manœuvres politiques sont envisagées invariablement au regard de leurs implications ethniques, réelles ou pas. Le contrôle du pouvoir réel par les «Ougandais», comme on appelle encore le FPR, aliène les Hutu modérés qui veulent courageusement travailler avec eux. Les Tutsi de la diaspora qui sont rentrés chez eux s’estiment sous-représentés et négligés par l’actuel gouvernement. Cette opinion est étonnamment partagée par les survivants du génocide. Il y a aussi beaucoup d’antagonisme régional par rapport à l’insistance que met le gouvernement rwandais à faire valoir son droit de pourchasser les génocidaires présumés au-delà de toutes les frontières qu’ils traversent. Ces «soldats sans frontières» renforcent une théorie conspiratrice qui prend de l’ampleur (ironiquement fondée sur la même idéologie raciste européenne du 19e siècle qui, à l’origine, a cristallisé les différences ethniques au Rwanda) et qui pose en principe un soi-disant complot pan-Tutsi visant à imposer leur domination aux authentiques «Bantou» d’Afrique (comme les Hutu). L’actuel gouvernement rwandais semble être pris dans une logique militariste susceptible de plonger finalement le Rwanda et l’ensemble de la région dans un conflit plus profond. Il est impératif de transformer cette logique pour renforcer le processus de paix.

 

R.D.65. Les problèmes du Rwanda vont bien au-delà de l’habituelle litanie deénormes défis sociaux et économiques profondément enracinés auxquels est confronté tout pays pauvre ayant à faire face à une pénurie de terres et à une démographie croissante. On ne doit jamais perdre de vue que le pays est aux prises avec des circonstances extraordinaires d’une société qui a vécu un génocide. Le fardeau de l’énorme dette du gouvernement rwandais est exacerbé par le fait de savoir que cette dette a été en grande partie contractée par l’ancien gouvernement Habyarimana et les gouvernements intérimaires pour financer des armes dont on s’est finalement servi contre les Hutu et les Tutsi modérés durant le génocide. Les besoins de financement en lien direct avec le génocide sont également énormes, notamment pour l’aide aux survivants, orphelins, enfants traumatisés, enfants de la rue, enfants chefs de famille, femmes victimes de viols ainsi que pour le fonctionnement du système judiciaire, la mise en place de programmes d’éducation pour promouvoir la réconciliation nationale et le respect des droits de l’homme, la réinsertion de millions de réfugiés et de personnes déplacées, l’armée, la réhabilitation du système d’éducation. La liste est à peu près interminable et ce fardeau est la conséquence d’une tragédie qui aurait pu être empêchée ou atténuée. Pourtant, le Rwanda dépend présentement des ressources étrangères pour le tiers de son maigre budget, et la viabilité d’à peu près toutes les initiatives cruciales pour la réhabilitation, la réconciliation et une culture de droits dépend également de ressources étrangères de financement.

 

R.D.66. Les opinions sur le Rwanda sont remarquablement partagées. Certaines opinions controversées peuvent être écartées. Des partisans toujours actifs du «Hutu Power»pouvoir hutu continuent de nier qu’il y a eu génocide. Ils insistent pour dire que s’il faut parler d’un génocide, c’est de celui qui a été perpétré par le FPR de par ses attaques dirigées contre les Hutu au Rwanda et en RDC. Mais il est plus difficile d’écarter les accusations d’anciens partisans de l’actuel gouvernement qui l’accusent maintenant d’être contrôlé par une structure FPR-Tutsi calquée sur le modèle de l’ancienne Akazu, à savoir un petit cercle qui détient le vrai pouvoir et se livre à la corruption et à de graves violations des droits de l’homme. Le report – de quatre autres années – des élections nationales donne du poids à certaines de ces critiques à l’encontre du «gouvernement de transition».

 

R.D.67. Mais il y a aussi ceux qui fondent leur espoir dans l’avenir. du Rwanda. L’insurrection des partisans du «Hutu Power» pouvoir hutu qui secouait depuis longtemps le nord-ouest du pays a été matée et les violations des droits de l’homme ont diminué. L’impression que de telles violations ne resteront plus impunies se répand. Quelques voix continuent de rappeler au monde que le Rwanda, après tout, n’est pas simplement un autre pays pauvre, mais bien un pays qui commence à peine à se remettre d’un vicieux génocide vicieux. De nouveaux programmes visant à panser les blessures pour se ressaisir et faire face aux conséquences du passé sont en train d’être mis en place.

 

R.D.68. Naturellement, le conflit régional doit être résolu. Il faut qu’un plus grand nombre de génocidaires soient rapidement jugés. Les 120 000 Hutu détenus dans desen prisons dans des conditions sordides doivent sans délai être traités de manière juste et équitable et diligente. La communauté internationale doit être amenée à comprendre la nécessité de faire sa part de réparation pour sa pour sa complicité dans les calamités des dix dernières annéescatastrophes. Des élections nationales doivent être organisées, dans des conditions qui habilitent la majorité à gouverner tout en garantissant sans compromettre la sécurité de la minorité.

 

R.D.69. Pour que le Rwanda se rétablisse adéquatement, il est essentiel que majorités et minorités soient perçues en termes non ethniques. Les gouvernements, tout comme la société civile, doivent être fondés sur des intérêts et convictions autres que la simple ethnicité. Mais il ne faut pas prétendre que les identités ethniques ne sont pas problématiques au Rwanda. Elles le sont’est et elles vont continuer de l’être. Maisa elles ne doiventt pas servir de facteurs de division. Appréciée à sa juste valeur, la diversité peut renforcer une société. L’unité dans la diversité est une source potentielle de grande vigueurforce. Les peuples sont plus complexes que ce que leur montre l’héritage ethnique fait d’eux. En effet, l’histoire moderne du Rwanda a démontré à plusieurs reprises que des membres d’un même groupe ethnique ont souvent des intérêts différdivergeantsents ; ce phénomène ne s’est d’ailleurs jamais aussi tragiquement manifesté que lorsque le «Hutu Power» pouvoir hutu a massacré des milliers de Hutu modérés dès les premiers jours du génocide.

 

  La mise en pratique de ces idées, principes et concepts n’est pas une tâche à sous-estimer.  Mais les conséquences de la faillite à les mettre en pratique sont tout simplement incalculables.

 

R.D.70. La mise en pratique de ces idées, de ces principes et de ces concepts ne sera pas une mince tâche. Mais si on ne le fait pas, il sera difficile de créer un nouveau Rwanda où les cauchemars du passé ne resurgiront plus.