Date: 29 mai 2000
Réf.: IPEP/PANEL/
Monsieur le Secrétaire Général,
Les membres du Groupe International d’Éminentes Personnalités nommés par
l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine
pour mener une enquête sur le génocide qui eut lieu au Rwanda en 1994 et sur les
événements qui s’y rattachent, ont l’honneur de soumettre à Votre Excellence leur
Rapport adopté à l’unanimité. Nous nous
sentons privilégiés d’avoir été élus pour faire partie de ce projet historique,
et nous félicitons les chefs d’État d’avoir mis sur pied le Groupe comme une entité
indépendante ayant pour mandat de dire telle qu’en elle-même, la vérité sur cette
terrible tragédie.
A la mémoire des centaines de milliers
d’innocentes victimes du génocide, nous avons choisi d’intituler notre rapport :
Rwanda : Le
Génocide qu’on aurait pu stopper. Nous vous demandons de transmettre officiellement ce document au
Secrétaire général des Nations Unies pour délibération au Conseil de sécurité,
organe qui occupe une place centrale dans nos conclusions.
Il convient de dire clairement que
dans cette tragédie, certaines vérités ne furent pas faciles à discerner. Pour ne prendre qu’un exemple patent, l’identité
des responsables de la chute, le 6 avril 1994 de l’avion au bord duquel le Président
Habyarimana du Rwanda et le Président Ntaryamira du Burundi trouvèrent la mort
ne fut jamais publiquement établie. Notre Groupe n’a eu ni l’expertise ni les
ressources lui permettant d’entreprendre l’enquête nécessaire et nous espérons
vivement qu’une étude appropriée sera bientôt lancée. Mais le système n’en a pas
moins valeur de symbole de ce que la vérité reste fuyante dans bien des domaines
ayant trait au génocide.
Nous comprenons également que toutes les vérités ne sont pas favorablement
accueillies par tous ceux que le Rwanda intéresse. Nombreux sont ceux qui donnent au génocide
des interprétations dont la différence est frappante et qui les maintiennent avec
une grande passion. Pour notre part, nous
avons recherché les preuves partout, sans partialité et sans opinion préconçue.
Nous avons été rigoureux dans nos recherches, scrupuleux dans nos analyses,
et maintenons fermement les conclusions auxquelles nous sommes parvenus.
Mais, à n’en pas douter, nos opinions ne plairont pas à tout le monde.
De cette tragédie, quels enseignements
avons-nous tirés que l’on pourra transmettre à l’Afrique et au monde? La vérité
majeure qui émerge de notre enquête est indiscutablement que le génocide qui advint
au Rwanda aurait pu être évité par ceux de la communauté internationale qui étaient
en position et avaient les moyens de le faire. Mais à ceux-là, la volonté a fait défaut et
non pas les moyens. Le monde a abandonné
le Rwanda.
Il n’en est pas moins vrai, cependant,
que le génocide fut un phénomène complexe dans lequel de nombreux acteurs furent
mêlés tant au Rwanda qu’à l’étranger. Il n’existe, de ce fait, aucune formule
magique qui prémunisse contre un désastre analogue qui pourrait se produire n’importe
quand, au Rwanda ou ailleurs. Par conséquent, nos recommandations ne fournissent qu’un corpus
de principe, de stratégie et de politique qui permettront, s’ils étaient suivis,
de créer les conditions dans lesquelles le génocide devient à la fois impensable
et impossible à organiser.
Nombreux sont ceux que nous devons
remercier pour leur coopération. Notre
gratitude va d’abord à ces survivants du génocide qui nous ont fait part des traumatismes
inimaginables et combien pénibles qu’ils ont subis.
Nous remercions les chefs d’État et
de gouvernement qui nous ont reçu dans l’exercice de notre mandat.
Nous remercions tous ceux — personnes
privées, membres de gouvernements, et d’autres agences et institutions —
ainsi que ceux qui se sont présentés à titre individuel et qui, à travers leurs
souvenirs et analyses nous ont aidé à comprendre la question. Nous sommes reconnaissants
aux chercheurs qui ont préparé des études spéciales à notre usage et aux experts
qui nous ont fait part de leurs connaissances et de leur jugement.
Nous remercions le gouvernement de
l’Éthiopie pour sa bienveillante hospitalité pendant toute la durée de nos travaux,
l’OUA pour son soutien administratif et notre Secrétariat pour avoir facilité
notre tâche d’une manière aussi remarquable et professionnelle. Notre gratitude va à notre Secrétaire exécutif
et Directeur général de l’administration, le Professeur Abdalla Bujra, au chargé
de recherches, le Dr Berhanou Abebe, au rédacteur principal, le Dr
Gerald Caplan, à son adjoint M. Anatole Sangaré, ainsi qu’à leur excellente équipe.
Nous espérons nous être acquittés honorablement
de nos responsabilités.
Veuillez agréer, M. le Secrétaire général,
les assurances de notre considération très distinguée.
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Amadou Toumani Toure
Lisbet Palme Ellen Johnson-Sirleaf
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Hocine Djoudi
Stephen Lewis P.N. Bhagwati