CHAPITRE 22
22.1.
Depuis l’invasion de 1990, des accusations d’atteintes aux droits
de l’homme, souvent de grande ampleur, ont été portées contre le FPR[1].
Ayant examiné soigneusement les sources disponibles, nous nous sommes persuadés
par les preuves qu’au moins certaines, et peut-être beaucoup de ces accusations
sont fondées; que de telles violations ont eu lieu avant, durant et après le génocide
et indiscutablement depuis la fin de 1996, lorsque les troupes rwandaises
commencèrent à traquer les génocidaires dans toute l’Afrique centrale. Dans de
très nombreux cas, les soldats du FPR se sont rendus coupables d’homicides contre
des civils, parfois en grand nombre, quoique les avis diffèrent quant au nombre
exact. Et s’ils n’obéissaient pas forcément à des ordres directs, ils savaient
que les peines auxquelles ils s’exposaient étaient normalement symboliques. Mais
nous n’estimons pas que le FPR se soit rendu coupable d’un «second génocide».
Toutefois, certains l’ont accusé d’avoir éliminé des centaines de milliers de
Hutu au Rwanda. Nous ne savons malheureusement toujours pas si ces accusations
contre le FPR en RDC sont justifiées. Enfin, les preuves démontrent que le nombre
d’assassinats et d’atteintes aux droits de la personne en général commis par le
FPR a diminué de manière importante au cours de la dernière année depuis que les
attaques des extrémistes Hutu à partir du Congo ont été repoussées.
22.2.
Il nous semble également indéniable que le pays a connu durant la dernière
décennie un cycle vicieux de violence et que les atrocités commises par les uns
provoquaient des actes de vengeance par les autres. Généralement, les ex FAR
et milices Interahamwe lançaient des attaques contre les civils et, à titre de
représailles, le FPR tuait des Hutu même s’ils n’avaient parfois participé que
de loin aux attaques. Moins généralement, quoique manifestement, les troupes du
FPR ont carrément massacré d’innocents Hutu.
22.3.
La plupart des groupes des droits de l’homme, notamment les quatre groupes
qui se sont réunis en 1993 pour former la Commission internationale d’enquête
sur les atteintes aux droits de l’homme au Rwanda, ont déterminé que le FPR était
responsable de plusieurs atteintes graves aux droits de l’homme depuis l’invasion
de 1990[2].
Un comportement systématique a alors commencé à se dessiner pour le FPR :
tout en préconisant une politique d’ouverture et de respect des droits de l’homme,
le FPR entravait les investigations de la Commission internationale et s’arrangeait
pour que les membres de la Commission ne puissent pas avoir d’entretiens libres
et privés avec des témoins éventuels[3].
Même durant les derniers mois du génocide et durant ceux qui l’ont suivi, alors
que le FPR s’installait au pouvoir, il parvenait à interdire aux étrangers, notamment
aux journalistes et aux enquêteurs, l’accès à certaines régions, ce qu’il continue
de faire encore aujourd’hui[4].
22.4.
Dans sa lutte pour gagner la guerre et mettre fin au génocide, le FPR a
également tué de nombreux civils. Pour prendre le contrôle des populations locales,
les troupes du FPR ont procédé à de nombreuses exécutions sommaires et à des massacres
de grande ampleur. Victimes de la propagande du Hutu Power qui grossissait les
exactions du FPR pour tenter d’attirer hors du pays les masses Hutu, des centaines
de milliers de Hutu se sont enfuis devant l’avance des troupes. Mais des centaines
de milliers d’autres sont restés et furent parqués dans des camps par le FPR.
À la fin de juillet, sur les ondes de Radio Rwanda, le vice-président Paul
Kagamé expliquait la politique du gouvernement en des termes inquiétants :
«Des éléments dangereux avaient pris le maquis et se cachaient dans les plantations
de bananes. Un nettoyage était donc nécessaire, surtout pour séparer les innocents
des tueurs[5].»
Mais le problème était et reste, comme l’ont admis lorsque nous les avons rencontrés
le Président Bizumungu et Kagamé, qu’il n’est pas toujours facile de faire la
distinction entre les Hutu innocents et les Hutu coupables[6].
22.5.
Nous devons préciser ici que quiconque cherche la vérité dans ce domaine
se heurtera à des renseignements contradictoires. En effet, les deux organisations
des droits de l’homme qui ont procédé aux enquêtes les plus complètes sur le sujet
et dont les rapports tiennent lieu d’évangile pour presque tous ceux qui étudient
le génocide, sont en profond désaccord sur l’ampleur des atteintes aux droits
de l’homme par le FPR, non seulement juste après le génocide, mais tout au long
de la dernière décennie. Pour compliquer encore les choses, d’autres sources d’autorité
ne sont d’accord ni avec l’une ni avec l’autre de ces deux organisations.
22.6.
D’après les preuves qu’elle a recueillies, l’organisation Human Rights
Watch (HRW) estime dans son ouvrage paru en 1999 intitulé Leave None to Tell
the Story: Genocide in Rwanda que le FPR a peut-être massacré des dizaines
de milliers de civils durant les trois mois et demi de combat, ce qui est énorme[7].
Le rapport conclut également que les atteintes commises par le FPR ont été si
fréquentes et obéissaient à des schémas si semblables qu’elles doivent avoir été
dirigées par des officiers de haut rang. «Il est probable que les plus hauts niveaux
de commandement des forces du FPR avaient connaissance de ces exactions systématiques
et qu’ils les toléraient.»
22.7.
Dans une étude intitulée Rwanda: Death, Despair, and Defiance (édition révisée,
1995), l’organisation African Rights minimise le nombre d’abus et de meurtres
commis par le FPR, et affirme qu’en septembre, c’est-à-dire deux mois après la
fin du conflit, «aucune preuve convaincante n’a été établie démontrant de la part
du FPR une politique de violence systématique contre les civils[8].»
22.8.
Pour ajouter à la complexité du sujet, un autre observateur perspicace
et bien informé, le Français Gérard Prunier, a changé d’avis sur la question entre
la première et la deuxième édition de son important ouvrage Rwanda : Histoire
d’un génocide. Comme Human Rights Watch, Prunier estimait que le FPR
était coupable de graves exactions[9].
Mais dans l’édition plus récente, en s’appuyant sur des études faites sur le terrain
à la fin de 1994, il estime que les chiffres étaient nettement inférieurs
à ceux qui avaient été avancés par HRW[10].
Toutefois, d’autres recherches qu’il effectua deux ans plus tard pour une mise
à jour l’ont convaincu que les chiffres pourraient bien être supérieurs à ceux
de Human Rights Watch[11].
22.9.
L’affaire de la disparition du rapport Gersony ajoute une grande part de
confusion. Une équipe du HCR avait apparemment rassemblé les premières preuves
convaincantes de tueries systématiques et généralisées par le FPR; les Nations
Unies décidèrent toutefois, pour des raisons qu’elles n’ont jamais révélées, de
supprimer l’information. Si aucun rapport écrit n’a jamais été découvert sur cette
mission, Human Rights Watch a réussi à mettre la main sur des notes confidentielles
tirées des séances d’information[12].
22.10.
Après la victoire du FPR, le HCR avait envoyé une mission de trois personnes
dirigée par Robert Gersony pour examiner les problèmes relatifs aux réfugiés.
Gersony était un consultant indépendant réputé qui avait effectué des évaluations
des droits de l’homme et des réfugiés pour divers organismes en Afrique, en Amérique
latine et en Asie du Sud-Est. Dans le cadre de leurs travaux, Gersony et son équipe
devinrent convaincus que le FPR avait participé à «des meurtres et persécutions
clairement systématiques de la population Hutu dans certaines régions du pays.»
Ils reçurent des renseignements considérés crédibles faisant état de massacres
perpétrés par le FPR, de tueries porte à porte, d’arrestations arbitraires, de
disparitions et d’embuscades, dont les victimes étaient choisies de façon indiscriminée,
les femmes, les enfants et les vieillards étaient visés autant que les hommes.
Dans certains cas, les exilés Tutsi rapatriés se joignaient au FPR dans leurs
attaques contre les Hutu locaux. Ils conclurent dans leur rapport que, «en grande
majorité, ces massacres n’étaient apparemment pas motivés par une suspicion quelconque
de participation personnelle de la part des victimes aux massacres des Tutsi en
avril 1994[13].»
22.11.
Gersony a, paraît-il, estimé que durant les mois d’avril à août, le FPR
aurait tué de 25 000 à 45 000 personnes. Les comptes rendus de
presse portant sur sa mission et qui s’appuient sur des fuites aux journalistes
citaient toutefois un total de 30 000 victimes[14].
22.12.
Gersony remit ses observations à Sadako Ogata, le Haut Commissaire des
Nations Unies pour les réfugiés, qui informa à son tour le Secrétaire général
Boutros-Ghali. Après de nombreuses discussions houleuses de haut niveau entre
l’ONU, la MINUAR, les responsables américains et rwandais, la décision fut prise
de minimiser considérablement l’attention accordée aux résultats de la mission.
Gersony fut prié de ne pas rédiger de rapport et lui et son équipe reçurent l’ordre
de ne parler à personne de leur mission, un ordre qu’ils respectent encore aujourd’hui.
Le HCR a publié une note confidentielle de trois pages et demie pour usage interne,
mais lorsque le Rapporteur spécial sur le Rwanda pour la Commission des droits
de l’homme de l’ONU demanda des éclaircissements sur la mission, il reçut un énoncé
abrégé de deux pages et demie. Lorsque le représentant du Rapporteur spécial essaya
d’obtenir un complément d’information en 1996, le bureau du HCR au Rwanda
lui adressa une réponse formelle disant que «le ‘rapport Gersony’ n’existe
pas»; les guillemets et les caractères soulignés figurent dans la lettre originale[15].
La lettre indiquait également que Gersony avait fait une présentation verbale
à la fin de sa mission aux autorités rwandaises et au Représentant spécial du
Secrétaire général.
22.13.
Notre Groupe s’est retrouvé marginalement impliqué dans ce casse-tête.
Le Secrétaire général nous a promis la coopération totale des Nations Unies dans
le cadre de nos travaux, notamment que nous aurions accès à tous les documents
nécessaires. Nous avons essayé en vain d’obtenir du HCR un rapport quelconque
de Gersony et de sa mission; nous savons qu’il existe quelque chose. Nous sommes
vivement déçus d’avoir échoué et de constater que nos demandes sont restées lettre
morte. Nous demandons instamment à Kofi Annan d’user de son autorité pour rendre
ce document public. Cela peut bien éclairer l’importante question des violations
des droits de l’homme au Rwanda. C’est aussi une question de principe : un
Groupe comme le nôtre ne peut s’acquitter convenablement de sa tâche si une agence
des Nations Unies choisit de ne pas tenir compte des engagements pris par le Secrétaire
général.
22.14.
Human Rights Watch calcule que le bilan minimum des victimes tuées par
le FPR durant ces quelques mois était de 25 000 à 30 000, ce qui correspond
aux chiffres les plus bas fournis par Gersony. L’organisation décrit deux types
différents de massacres délibérés par les troupes du FPR hors des situations de
combat : les massacres indiscriminés d’individus et de groupes non armés
et ne posant pas de menace, et l’exécution d’individus connus pour avoir été des
génocidaires ou qui représentaient une menace future. Selon la conclusion de l’organisation,
«ces menaces étaient de grande envergure, systématiques et faisaient intervenir
de grands nombres de participants et de victimes. Ils étaient trop nombreux et
trop semblables pour qu’il s’agisse de crimes sans lien exécutés par des soldats
individuels ou des officiers de rang inférieur. Compte tenu de la nature disciplinée
des forces du FPR et de l’étendue des communications au sein de la hiérarchie,
les commandants de l’armée doivent avoir eu connaissance de ces pratiques et au
moins les avoir tolérées[16].»
22.15.
Gérard Prunier, dans la première édition de son ouvrage, conteste la fiabilité
des observations de Gersony en écartant le chiffre avancé par le HCR comme étant
largement exagéré[17].
Ceci étant, Prunier ne prétendait pas qu’il n’y ait pas eu d’exactions par le
FPR. Selon sa propre estimation, il y aurait eu de 5 000 à 6 000 victimes
durant les deux mois dont il est question — août et septembre — ce qui,
selon lui, est encore «un chiffre énorme et assez grand pour créer des conditions
d’insécurité extrême dans le pays[18].»
22.16.
Dans la version mise à jour de son ouvrage, fondée sur des recherches qu’il
fit en 1996, Prunier déclare qu’«une chose est sûre» : ce qu’il savait
deux ans plus tôt «n’était qu’une petite partie de la vérité. Il est maintenant
évident, d’après diverses sources, que le FPR a perpétré de très nombreux massacres
d’abord durant le génocide lui-même, puis par la suite à la fin de l’année 1994
et même au début de l’année 1995 sans en diminuer l’intensité.» Prunier changea
donc radicalement d’avis, à tel point qu’il prétendait maintenant que «la probabilité
pour que le chiffre atteigne les 100 000 est élevée.» Cette estimation semble
couvrir la période allant du début du génocide en avril 1994 au milieu de
l’année 1995 et comprenait le massacre notoire en avril 1995 par le
FPR de plus de 4 000 Hutu dans un camp de personnes déplacées à Kibeho,
sous le regard des travailleurs de l’aide étrangère[19].
Durant ces 15 ou 16 mois, il estime que le FPR se contentait de laisser ses
hommes tuer aveuglément des Hutu pour venger brutalement les victimes du génocide.
22.17.
La controverse est beaucoup moins grande en ce qui concerne le massacre
de Kibeho, peut-être à cause du nombre de témoins. L’Opération Turquoise avait
laissé derrière elle, dans le sud du pays, un réseau de camps pour personnes déplacées
à l’intérieur du Rwanda. Des centaines de milliers de Hutu qui avaient fui devant
les forces du FPR s’étaient précipités pour trouver protection dans la zone humanitaire
sûre créée par la France. Plus tard, quelques-uns quittèrent les camps pour l’est
du Zaïre, mais à la fin de 1994, près de 600 000 personnes étaient
entassées dans ces camps; un grand nombre d’entre elles avaient participé au génocide[20].
Il s’agissait là d’un autre problème énorme auquel le nouveau gouvernement avait
à faire face, mais les médias internationaux étaient trop fascinés par les réfugiés
de Goma pour accorder une attention quelconque aux camps de déplacés à l’intérieur
du pays.
22.18.
Pourtant, les camps étaient l’endroit idéal pour les miliciens Interahamwe
qui pouvaient y rester sans se faire repérer et organiser à partir de là
des attaques terroristes qui provoquaient immanquablement de violentes réactions
du FPR. Le gouvernement avait hâte de fermer les camps de déplacés, ce qu’il fit
progressivement et au début d’avril 1995, près de 450 000 personnes
avaient regagné leurs communes ou avaient quitté le pays[21].
Mais il en restait 150 000 dans les camps[22].
Suivant en cela un modèle qui s’était répété à plusieurs reprises durant le génocide,
le gouvernement fit savoir clairement que si la communauté internationale refusait
de l’aider à faire le ménage dans les camps, le FPR le ferait unilatéralement;
malgré cela, personne n’était prêt à intervenir[23].
En avril, à bout de patience, le gouvernement ou quelques officiers du FPR
décidèrent d’évacuer l’énorme camp de Kibeho en prenant les moyens nécessaires.
L’opération se déroula dans des conditions tragiques et se transforma en massacre;
de 4 000 à 8 000 personnes ont été tuées en quelques jours du 18 avril
au 22 avril[24].
Le gouvernement avança le chiffre de 338[25].
Le commandant chargé de l’opération a été jugé, condamné avec sursis et il est
par la suite devenu commandant dans la région de Kigali. Les autres camps furent
bientôt fermés par la force.
22.19.
Compte tenu des preuves dont on dispose, il n’est donc pas très réaliste
de nier la responsabilité du FPR dans de graves atteintes aux droits de l’homme
dans les mois durant et après le génocide. Ces hommes étaient engagés dans une
guerre civile meurtrière, rendue infiniment plus perverse par le génocide ordonné
par leurs ennemis contre leur groupe ethnique. Il est parfaitement compréhensible
que le conflit soit sournois et amer, avec des bavures de part et d’autre. Qui
pis est, lorsque le génocide a commencé et que la guerre civile a éclaté de nouveau,
nous savons que de nombreux jeunes Tutsi ont été recrutés dans les rangs du FPR.
Sans la formation ni la discipline des combattants plus anciens, il était prévisible
qu’ils seraient difficiles à contrôler. Certains d’entre eux étaient très jeunes
et dangereusement armés. Certains avaient perdu leur famille et tenaient à prendre
leur revanche[26].
Mais aucun de ces facteurs n’excuse les excès dont ils se sont rendus coupables.
Les chefs de l’APR doivent assumer les responsabilités de leur action. Plusieurs
centaines de Hutu, par exemple, ont été massacrés à Butare durant la dernière
semaine de la guerre, apparemment dans un accès de pure vengeance meurtrière.
22.20.
Après le génocide, la diaspora Tutsi revint au pays en grand nombre, remplaçant
numériquement ceux qui étaient morts. La plupart étaient du Burundi, où l’assassinat
par l’armée Tutsi du Président Hutu Ndadaye en octobre 1993 continuait d’avoir
des répercussions. L’attentat avait été suivi par des massacres des deux côtés,
notamment de nombreux massacres de Tutsi par les Hutu. En réaction, les milices
extrémistes Tutsi déclenchèrent des représailles contre les Hutu. Certains Tutsi
rwandais exilés s’étaient joints à ces milices et maintenant, avec la victoire
du FPR, faisaient partie de ceux qui revenaient au pays. Poussés par l’amertume
et la soif de vengeance, ils étaient déterminés à reprendre possession de leurs
terres et de leurs biens et prirent bientôt l’habitude de harceler et de persécuter
tous les Hutu qu’ils pouvaient trouver. Ces incidents n’étaient pas systématiques
ni organisés, mais ils étaient nombreux. Le bilan des actes de violence, des atteintes
aux droits de l’homme et des décès fut élevé. Mais nous ne sommes pas en mesure
de déterminer à combien il se chiffra ni lesquels, parmi les énormes chiffres
avancés, sont les plus précis.
22.21.
Ce ne sont pas les seuls faits contestés. Il existe d’autres histoires
auxquelles on ne sait pas si l’on peut se fier, mais comme elles ont été rendues
publiques, nous nous sentons tenus d’en parler dans notre rapport. D’une manière
ou d’une autre, un certain nombre de Hutu ont survécu au conflit alors qu’on savait
qu’ils étaient favorables à des relations plus étroites entre Hutu et Tutsi. Après
le génocide et l’accession au pouvoir du nouveau gouvernement, un bon nombre d’entre
eux furent apparemment exécutés ou «portés disparus». Certains de leurs collègues
qui partageaient leurs opinions protestèrent auprès du vice-président Kagamé et
d’autres autorités du FPR. Seth Sendashonga, qui devint ministre de l’Intérieur
du FPR et qui, par conséquent, était au courant des secrets les plus délicats,
était l’un des deux personnages Hutu du gouvernement[27].
Il était également chargé du rôle d’intermédiaire entre ces Hutu modérés et le
FPR. Sendashonga écrivit apparemment une série de notes de service au vice-président
Kagamé à propos des tueries et des disparitions et du mécontentement qu’elles
provoquaient parmi ceux qui étaient prêts à collaborer avec le régime pour former
un nouveau Rwanda à partir des valeurs nationales et non plus ethniques —
l’objectif déclaré du FPR. Avec le président du FPR, Sendashonga rencontra également
les contestataires et il promirent tous deux de faire part de leurs préoccupations
à Kagamé. Toutefois le vice-président était apparemment infléchissable[28].
22.22.
Il faut savoir que Sendashonga a porté ces accusations après avoir fui
en exil à Nairobi au milieu de 1995 et être devenu un opposant déclaré du
gouvernement[29]. Après avoir
échappé à une tentative d’assassinat durant le mois de février suivant, tentative
au cours de laquelle son neveu fut blessé et un diplomate rwandais armé fut arrêté
à proximité, Sendashonga fut tué lors d’une deuxième attaque deux ans plus tard.
Bien qu’il n’existe pas de preuve concrète selon laquelle son assassinat visait
à le faire taire, Sendashonga lui-même n’avait aucun doute à ce sujet. Il en savait
trop, avait-il dit à un journaliste britannique, en particulier sur «une politique
délibérée d’épuration ethnique», une tentative de «sociologie appliquée de meurtre
à grande échelle.» L’objectif n’était rien d’autre que «d’équilibrer les chiffres
de population dans l’équation rwandaise. Comment une tribu minoritaire d’un peu
plus d’un million pouvait-elle gouverner un pays dominé par une tribu d’ennemis
trois fois plus nombreux? Ils voulaient réduire la population à 50 pour cent
de Hutu, 50 pour cent de Tutsi, mais il leur fallait pour cela tuer beaucoup
de Hutu.»
22.23.
Sixbert Musangamfura, un autre transfuge de haut rang du gouvernement de
l’après génocide qui était devenu un opposant acerbe fut interrogé avec Sendashonga;
il avait été directeur des renseignements civils, service comparable au FBI américain
ou au MI 5 britannique. Musangamfura prétendait qu’au moment de sa défection
en août 1995, il avait compilé une liste confirmée de 100 000 Hutu
qui avaient été tués depuis que le nouveau gouvernement était au pouvoir; au moment
de l’entrevue en avril 1996, il estimait que le total était passé à 200 000.
Sendashonga écartait la possibilité d’actes de vengeance. «Je parlerais plutôt
de contre-génocide[30].»
22.24.
Inutile de dire que ces accusations sont profondément troublantes. Elles
reprennent, en y apportant des apparences de preuve, les allégations monstrueuses
avancées par les sympathisants du Hutu Power dans le monde à l’endroit du gouvernement
actuel. Mais nous n’avons vu aucune preuve permettant de les appuyer. Sendashonga
et Musangamfura étaient peut-être des hommes intègres, mais ils étaient désormais
des exilés déterminés à s’opposer au gouvernement. Sans preuves, ils n’apportaient
que des allégations impossibles à vérifier et nous n’avons aucun moyen de juger
de leur fiabilité.
22.25.
Mais au-delà du Rwanda en tant que tel, il y a l’épisode totalement distinct
des atteintes aux droits de l’homme en RDC après le génocide, sur laquelle nous
nous sommes penchés dans un autre chapitre. Les attaques contre les camps de réfugiés
du lac Kivu à la fin de 1996 et la poursuite de ceux qui fuyaient dans les
forêts furent extrêmement violentes et destructives. Deux ans plus tard, une équipe
d’investigation du Secrétaire général publia un rapport confirmant des craintes
qui étaient déjà largement répandues. Les attaques avaient entraîné de nombreuses
atteintes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire de la part
des troupes de l’AFDL et des troupes (APR) du gouvernement Rwandais qui constituaient
des crimes contre l’humanité et peut-être même un génocide. On a relevé des bombardements
aveugles des camps, des massacres systématiques de jeunes hommes dans les camps,
des viols de femmes et des tueries visant tous ceux qui refusaient de retourner
au Rwanda. Les rebelles zaïrois et les troupes rwandaises ont également traité
avec une extrême brutalité les réfugiés en fuite et les citoyens zaïrois qui se
trouvaient sur leur chemin. Mais ils n’avaient pas le monopole de la barbarie.
Le rapport indiquait sans équivoque que des civils non Hutu et non armés furent
tués pour de l’argent ou de la nourriture par des milices Interahamwe, des soldats
zaïrois ou d’anciens membres des FAR, qui fuyaient devant les forces de l’AFDL
et du FPR[31].
22.26.
La brutalité du FPR en RDC n’est qu’un exemple particulièrement horrible
qui s’est répété trop souvent au cours de la dernière décennie, notamment depuis
le génocide et sa victoire militaire. Les ex FAR ou les milices Interahamwe ont
commis plusieurs outrages effroyables dans leurs efforts incessants pour déstabiliser
et renverser le gouvernement du FPR. Sous la provocation, les troupes rwandaises
ont pris des mesures de rétorsion du même type. Nous l’avons déjà noté, de nombreuses
preuves indiquent que les soldats du FPR ne se soucient pas souvent de faire la
distinction entre un ennemi Hutu et un civil, avec les résultats meurtriers que
l’on connaît. En fait, des quantités énormes de civils non armés ont été tués
sans aucune provocation. Chaque année sans exception jusqu’en 1999 2000,
presque tous les organismes de défense des droits de l’homme ont documenté de
telles accusations contre le gouvernement, accusations que ce dernier a rejetées
sans exception en disant qu’elles montrent un parti-pris en faveur des Interahamwe,
qu’elles sont fortement exagérées ou qu’il s’agit de légitime défense contre le
maraudage des ex FAR[32].
22.27.
Amnistie Internationale a publié en août 1996 un rapport intitulé
Rwanda : Recrudescence
alarmante des massacres[33].
Bien que le gouvernement du FPR soit profondément indigné par les critiques d’Amnistie
Internationale, ce rapport nous semble équilibré et impartial et il mérite par
conséquent d’être cité.
22.28.
«Tandis que des civils non armés continuent d’être massacrés au Burundi
par les forces de sécurité et les groupes armés, la même folie meurtrière s’est
de nouveau emparée du Rwanda voisin […] Le premier semestre 1996 a en effet été
marqué par une brusque recrudescence des homicides imputables à l’Armée patriotique
rwandaise (APR) et aux groupes armés d’opposition. Entre avril et juillet, en
particulier, les actes de violence contre les civils non armés se sont multipliés,
faisant plus de 650 morts. Le nombre des victimes est vraisemblablement beaucoup
plus élevé, car on ignore ce que sont devenues de nombreuses personnes et les
homicides ne sont tout simplement pas dénoncés[34].»
22.29.
«La responsabilité de l’APR ne fait parfois aucun doute; dans d’autres
cas, les éléments disponibles désignent comme responsables les groupes armés d’opposition
réputés être alliés aux anciennes forces gouvernementales rwandaises et à la milice
Interahamwe […] Ces derniers temps, cependant, il
est devenu difficile d’établir l’identité des coupables […] des cas d’homicides
perpétrés au cours des derniers mois […] illustrent la cruauté avec laquelle les
forces gouvernementales et les groupes armés massacrent des civils dans le but
de priver leurs opposants de toute forme de soutien[35].»
22.30.
«Dans le climat qui prévaut actuellement au Rwanda, chaque homicide apporte
avec lui la menace de représailles. Le nombre de victimes augmente à chaque nouvelle
tuerie[36].»
22.31.
Tout en veillant à partager la responsabilité entre l’APR et les groupes
armés, le rapport reconnaît aussi que ces meurtres ont pour toile de fond l’intensification
de la lutte armée que livrent contre le Rwanda des membres des anciennes forces
gouvernementales et des milices, qui ont installé leurs bases au Zaïre, mais aussi
au Burundi et en Tanzanie, et qui constituent «une sérieuse menace» pour la sécurité
au Rwanda. Il semble également qu’en général, les attaques par les soldats de
l’APR sont des actes de représailles suite à des offensives lancées par les génocidaires.
«Les groupes armés d’opposition continuent de tuer des civils non armés de manière
arbitraire et délibérée. Ces meurtres sont souvent commis lors d’invasion s lancées
à partir de pays frontaliers […] Les plus vulnérables — vieillards, enfants, nourrissons —
ne sont pas épargnés par ces raids meurtriers. Les victimes sont presque toujours
tuées pendant la nuit, bien souvent dans leur maison, parfois d’une manière particulièrement
atroce[37].»
22.32.
Malgré tout, «il est extrêmement difficile de savoir qui est responsable,
entre l’APR, les anciennes forces gouvernementales et l’Interahamwe
[…] Ces difficultés sont dues à la fois à la nature des attaques et à la nature
du gouvernement qui tente apparemment de dissimuler les faits. Les autorités militaires
ont parfois interdit aux enquêteurs indépendants de se rendre sur les lieux, ou
les ont fait attendre, pour raison de sécurité[38].»
22.33.
«L’opinion publique, influencée par les médias nationaux et internationaux,
pense en général que les milices de l’Interahamwe sont responsables de la
plupart des massacres commis récemment et que la majorité des victimes sont des
rescapés ou témoins
du génocide [de sorte qu’elles ne peuvent pas témoigner contre les
responsables]. À maintes reprises, le gouvernement du Rwanda s’est empressé de
dénoncer les homicides, en décrétant immédiatement qu’ils étaient l’œuvre de l’Interahamwe
ou que des civils avaient été pris dans les feux croisés de l’Interahamwe et
de l’APR […] Dans certains cas, il semble [toutefois] probable que des membres
de l’APR soient les vrais responsables de meurtres publiquement attribués aux
groupes d’opposition […] Les informations [relatives à des massacres attribués
à la milice] émanant de sources indépendantes selon lesquelles certains homicides
sont en fait […] imputables à l’APR ou à des groupes alliés aux forces de sécurité
sont discréditées [par les autorités gouvernementales], apparemment sans avoir
été vérifiées[39].»
22.34.
«Les personnes agissant seules ou au sein d’une organisation et qui, à
l’intérieur du Rwanda, osent dénoncer les violations des droits de l’homme commises
par les forces gouvernementales sont constamment intimidées, menacées, arrêtées
et soumises à d’autres formes de harcèlement. Elles sont classées dans la catégorie
des génocidaires
ou des défenseurs
de l’Interahamwe. Membres des organisations de défense des droits de
l’homme, journalistes et représentants de l’appareil judiciaire sont des cibles
privilégiées […] Ceux qui font fi de la répression et continuent de faire entendre
leur voix pour que soient respectées les libertés individuelles vivent dans la
peur d’être assassinés. Peu à peu, ils n’osent plus faire de déclarations publiques
[…] Les organisations étrangères qui identifient certains responsables des massacres
commis au Rwanda comme étant des agents ou des sympathisants du gouvernement passent
pour des partisans des auteurs du génocide […][40].»
22.35.
Le rapport d’Amnistie traduit l’existence d’un second front dans la guerre
constante entre le FPR et le mouvement extrémiste Hutu. Il s’agit d’une guerre
de relations publiques, de manipulation et de contrôle de l’information —
chacun des groupes cherchant à convaincre la communauté internationale qu’il représente
la vertu contre un ennemi diabolique; en réalité, cette concurrence est un aspect
important d’une guerre de communication et d’information. Dans le cas du Rwanda,
les deux parties luttent avec des moyens très sophistiqués[41].
Dans certains pays, les sympathisants du Hutu Power ont par exemple réussi à propager
l’idée que le gouvernement dominé par les Tutsi était coupable d’un second génocide,
qu’un complot Tutsi-Hima se préparait pour dominer la plupart de l’Afrique «Bantou»
et que le FPR était le seul responsable du conflit qui sévit maintenant dans toute
l’Afrique centrale[42].
À notre avis, les preuves montrent clairement que toutes ces accusations sont
fausses et calomnieuses.
22.36.
Quant au FPR, il est aussi passé maître dans les stratégies astucieuses
de communication. Les dirigeants du FPR ont compris depuis longtemps qu’ils avaient
au départ le bénéfice du doute, que leur accordait le reste du monde à la fois
par culpabilité et par sympathie. Culpabilité de n’avoir pas réussi à empêcher
le génocide, et sympathie pour le FPR qui est le gouvernement des victimes; ceci
permet d’expliquer pourquoi la communauté internationale, encouragée par des journalistes
et ONG animés des mêmes idées, est souvent prête à croire la version du FPR selon
laquelle la plupart des atteintes aux droits de l’homme auraient été perpétrées
par les génocidaires. Si le gouvernement s’est rendu, d’après ce qu’on dit, coupable
d’actes de violence, il est certain qu’ils ne se comparent pas à la nature et
à l’ampleur du génocide. En tout état de cause, les sympathisants du gouvernement
croient que la plupart de ces actes ont été perpétrés à titre de représailles
suite à de violentes attaques par les Interahamwe. Enfin, comme nous venons de
le voir, ceux qui critiquent le gouvernement sont écartés et qualifiés de sympathisants
des génocidaires — technique indigne pour décourager les dissidents légitimes.
22.37.
Mais cette stratégie ingénieuse est de moins en moins crédible. Bien qu’il
soit gratifiant de dire que les derniers rapports font état d’une certaine amélioration[43],
la plupart des spécialistes et des défenseurs des droits de l’homme pensent que
le gouvernement s’est rendu coupable ces dernières années d’atteintes très graves
aux droits de l’homme. En n’autorisant pas la tenue d’enquêtes indépendantes,
le FPR a perdu une bonne partie de son capital moral. Le refus par le gouvernement
de Kigali d’autoriser des enquêtes indépendantes sur les allégations d’atteintes
aux droits de l’homme nous paraît à tout le moins être une erreur stratégique
majeure; en exerçant un contrôle sur la circulation de l’information — en
particulier sur les nouvelles risquant d’être embarrassantes — il compromet
sérieusement sa propre crédibilité.
22.38.
D’un côté, notre Groupe comprend parfaitement l’indignation du gouvernement
de se voir jugé par des institutions et gouvernements qui, contrairement aux groupes
de défense des droits de l’homme, ont observé dans l’indifférence les Tutsi être
victimes des violences et des massacres. D’un autre côté, comme nous l’avons constaté
durant nos visites au Rwanda, le gouvernement tient à faire la preuve de son engagement
à respecter les droits de l’homme, et l’Assemblée nationale a même créé une nouvelle
Commission nationale sur les droits de l’homme, que nous avons rencontrée. Mais
pour que de telles promesses soient crédibles, la condition sine qua non est d’autoriser la tenue
d’enquêtes indépendantes et de vérifications, ce que le gouvernement refuse systématiquement.
22.39.
Nous sommes également parfaitement conscients de la menace constante que
représentent les extrémistes Hutu pour le Rwanda. Il ne faut pas oublier les atrocités
commises au cours des dernières années et encore à l’heure actuelle par les ex
FAR, les milices Interahamwe et leurs divers alliés. Toutes ces atrocités ont
été elles aussi soigneusement documentées. En 1996 eurent lieu les violences
systématiques contre les femmes Tutsi. Il y a eu également des attaques contre
des écoles, des missionnaires et des témoins du Tribunal d’Arusha. En 1997
1998 eut lieu une insurrection majeure organisée dans le nord-ouest du pays,
une opération militaire à grande échelle dirigée par des officiers des ex FAR
en rapport étroit avec les dirigeants exilés du Hutu Power et parmi les milliers
de victimes brutalement massacrées, figuraient autant de Hutu «traîtres» qui n’appuyaient
pas les insurgés que de Tutsi. Les attaques visaient délibérément les écoles,
les centres de santé, les ponts et les bureaux municipaux dans le cadre d’une
stratégie cherchant à paralyser les activités du gouvernement et à démontrer l’incapacité
du FPR à gérer le pays.
22.40.
Le gouvernement a répondu à chacune de ces exactions par des représailles
et des massacres au cours desquels des milliers de civils furent tués; même les
organisations des droits de l’homme qui sont connues pour être favorables au FPR
le reconnaissent, alors que le gouvernement, comme toujours, réfute leurs observations.
En réponse à l’insurrection générale des extrémistes Hutu qui eut lieu dans le
Nord-Ouest en 1997 1998, les forces du FPR firent peu d’efforts pour épargner
les civils et il semble qu’elles aient tué plus de civils non armés que les rebelles.
22.41.
Des études récentes sur les droits de l’homme indiquent
que si le FPR avait pu étouffer l’insurrection, les massacres et abus du gouvernement
en auraient été réduits d’autant, ce qui renforce l’impression selon laquelle
le gouvernement perpétrait ces abus en guise de représailles. Par contre, le FPR
demeure, après six ans, un soi-disant gouvernement de transition qui n’a jamais
été élu et qui vient encore une fois de retarder de quatre ans la perspective
d’une élection, ce qui montre que le gouvernement craint non seulement que les
facteurs ethniques continuent de dominer la pensée Hutu, mais aussi que de nombreux
Hutu appuient les objectifs subversifs et génocidaires des insurgés. Certains
observateurs étaient convaincus que dans le Nord-Ouest, le berceau du Hutu Power,
ce soutien était en réalité considérable et justifiait le rappel incessant du
gouvernement qu’il n’est pas toujours possible de faire la distinction entre un
ennemi Hutu et un citoyen Hutu ordinaire. Malheureusement, le résultat est que
le Rwanda se retrouve avec un gouvernement qui ne fait pas confiance à la majorité
de ses citoyens, et des citoyens qui, en majorité, ne font pas confiance à leur
gouvernement minoritaire, une situation qui ne pourra pas durer indéfiniment.
22.42.
Il faut en outre parler de la conviction largement répandue
au Rwanda selon laquelle de petites bandes d’anciens membres de l’armée rwandaise
et de génocidaires bien armés et bien entraînés se trouvent déjà à l’intérieur
du pays, cherchant pour le moment à se fondre dans la population en attendant
le moment venu pour se soulever. Il s’agit là d’un scénario tout à fait plausible,
car il est bien connu que plusieurs anciens tueurs ont pu revenir clandestinement
au pays avec chaque nouveau retour de réfugiés. Le gouvernement est déterminé
à ne pas laisser cela se produire. Tout comme il tient à continuer sans relâche
à poursuivre les génocidaires qui sont maintenant éparpillés dans une grande partie
de l’Afrique centrale, il tient à rester sur ses gardes contre les invasions dans
le pays ou contre ses ennemis qui s’y trouvent. Fort d’amères expériences, il
sait que personne d’autre ne le fera à sa place et que tant que cette réalité
sera présente, le cycle infernal d’attaques brutales par les extrémistes Hutu
et de représailles aussi brutales par le FPR se poursuivra. Nous pouvons, et nous
devons implorer le gouvernement de mettre fin aux attaques aveugles de ses soldats
contre des civils innocents et nous lui demandons de punir ceux qui sont coupables
de telles attaques. Nous lançons un appel aux États-Unis, qui fournissent l’essentiel
du soutien militaire au Rwanda, pour qu’ils utilisent dans ce but leur influence
considérable. Sinon, compte tenu du cercle vicieux que nous venons de décrire,
nous craignons que pour l’avenir immédiat, il faudra s’attendre à ce que des masses
considérables de citoyens rwandais innocents continuent de souffrir.
[1] Par exemple, voir FIDH, «Rapport de la Commission internationale
d’enquête»; Des Forges, 701 728.
[2] FIDH, «Rapport de la commission internationale d’enquête»,
95.
[3] Ibid., 70.
[4] Nik Gowing, New Challenges and Problems for Information Management in Complex
Emergencies, 1998.
[5] Des Forges, 702 (des notes de la MINUAR, Radio Rwanda
19 heures, 27 juillet 1994).
[6] Entrevues avec des informateurs crédibles
[7] Des Forges, 734.
[8] African Rights, Death, Despair, 1087.
[9] Prunier, 321-327.
[10] Prunier, 324.
[11] Prunier, chapitre 10.
[12] Des Forges, 727 (notes 125-126), référence à «Notes
from briefing given by Bob Gersony» (sources confidentielles) et «Note, La situation
au Rwanda» (HCR, confidentiel, 23 septembre 1994).
[13] Ibid.
[14] Ibid., 728.
[15] Des Forges, 731 (lettre également réimprimée entre les
pages 726-727).
[16] Ibid., 734.
[17] Prunier, 324.
[18] Ibid.
[19] Ibid., p. 360-362.
[20] Millwood, Étude 2, 94 (note 129).
[21] Ibid.
[22] Millwood, Étude 2, 94 (note 129).
[23] Entrevue avec un informateur crédible.
[24] Millwood, Étude 2, 64.
[25] Ibid.
[26] Prunier, 270.
[27] Prunier, 368.
[28] Office national du film du Canada, «Chronicle of a Genocide
Foretold»; Nick Gordon, «Return to Hell», Sunday Express, 21 avril 1996.
[29] Prunier, 270.
[30] Nick Gordon, «Return to Hell», Sunday Express, 21 avril 1996.
[31] Secrétaire général, «Lettre datée du 29 juin 1998
incluant un rapport de l’équipe chargée d’enquêter sur les atteintes graves aux
droits de l’homme et aux lois internationales sur l’aide humanitaire en RDC»,
S/1998/581.
[32] Rwanda, ministère des Affaires étrangères et de la Coopération,
Bureau du Ministre, «Refutation by the Government of Rwanda of allegations contained
in the Amnesty International report of 23 juin 1998».
[33] Amnistie Internationale «Rwanda : Recrudescence
alarmante des massacres» (Londres : Secrétariat international), 12 août 1996,
AFR47/13/96.
[34] Ibid., 2.
[35] Ibid.
[36] Ibid.
[37] Ibid., 7.
[38] Ibid., 10.
[39] Ibid.
[40] Ibid.
[41] Nik Gosling, New Challenges and Problems for Information Management in complex
Emergencies, 1998
[42] Pour une discussion sur la théorie du double génocide,
voir Prunier, 339.
[43] Michel Moussalli, Représentant spécial du Secrétaire
général, «Rapport sur la situation des droits de l’homme au Rwanda», Conseil économique
et social des Nations Unies, E/CN.4/2000/41, 28 janvier 2000; «Rwanda»,
dans Human Rights Watch World Report 2000; «Rwanda», dans
1999 Country Reports
on Human Rights Practice publié par le Bureau of Democracy, Human Rights,
and Labor, Département d’État des États-Unis, 25 février 2000.