CHAPITRE
20
LA RÉGION APRÈS LE GÉNOCIDE
20.1.
La période allant de 1990 à 1993 fut extrêmement agitée au Rwanda. Les
11 mois qui se sont écoulés entre la signature des accords de paix d’Arusha
et la mise en place du nouveau gouvernement à Kigali, le 19 juin 1994,
furent peut-être les plus tumultueux que le monde ait connu. Et pourtant, la fin
du génocide n’a pas marqué la fin du plus terrible chapitre de l’histoire d’un
peuple. Au contraire, elle présida à l’ouverture d’un tout nouveau chapitre, presque
aussi épouvantable que le précédent, mais qui enveloppa cette fois toute la région
des Grands Lacs dans un conflit brutal qui devint une guerre impliquant directement
ou indirectement des gouvernements et des armées de chaque partie du continent.
Pour l’Afrique, le génocide ne fut que le commencement.
20.2.
Le conflit était pour le moins inévitable dès lors que le «Hutu Power»
s’enfuit armé et impénitent vers le Zaïre et où les Nations Unies ne purent le
désarmer ou l’isoler politiquement. L’inévitable fut ensuite accéléré par la réapparition
de Mobutu comme acteur central de la tragédie. Ses sympathisants informels regroupant
d’anciens représentants des gouvernements américain, français et belge en Afrique
influencèrent avec succès leurs anciens collègues[1].
Compte tenu à la fois du dossier singulier de Mobutu et de la maladie qui lui
fut fatale, nombreux sont ceux qui furent déroutés lorsque la France, sans grande
résistance de la part des États-Unis, insista pour que les réfugiés, incluant
ceux qui avaient planifié et exécuté le génocide, soient placés sous l’autorité
de Mobutu, ce dernier étant, selon les termes du Président de la France Jacques
Chirac, «l’homme le mieux placé pour représenter le Zaïre et trouver une solution
à ce problème [des réfugiés][2].»
20.3.
Cette politique eut pour résultat non seulement de protéger les génocidaires,
mais également de rétablir le pouvoir de Mobutu au Zaïre et de réhabiliter l’homme
aux yeux du monde[3].
En novembre 1994, on invita Mobutu — qui, peu de temps auparavant, s’était
vu refuser un visa d’entrée en France — à participer à un sommet franco-africain
duquel le nouveau gouvernement du Rwanda était banni[4].
20.4.
Pourtant, la position de Mobutu pouvait difficilement être plus transparente.
Partisan d’Habyarimana et de sa clique depuis le début, Mobutu s’associait désormais
aux génocidaires, les défendait sur le plan diplomatique et leur procurait des
armes[5].
Comme le démontra la Commission d’enquête des Nations Unies, le réseau de Mobutu
alimentait désormais régulièrement en armes les criminels de guerre réfugiés dans
les camps de l’est du Zaïre[6].
Mais tous les observateurs comprenaient que la position de Kigali était elle aussi
très claire : le FPR ne tolérerait pas longtemps que les génocidaires des
ex FAR et des milices Interahamwe franchissent librement la frontière, ce qui
les mettait en excellente position pour mener des raids contre le Rwanda. S’il
y eut jamais un moyen de mettre fin au conflit après la fuite des dirigeants extrémistes
Hutu au Zaïre, la résurrection de Mobutu le réduisit à néant. C’était le désastre
assuré à court terme.
20.5.
Pendant ce temps-là, les génocidaires basés dans les Kivus modifièrent
leur stratégie d’une manière qui allait aggraver encore davantage les tensions
régionales. Au cours de l’année qui suivit leur fuite du Rwanda, ils s’attaquèrent
principalement à des cibles économiques. Ces attaques «suscitèrent des représailles
de plus en plus dures de la part du FPR [...] destinées à punir les sympathisants
accusés de soutenir les rebelles. Les représailles eurent toutefois pour effet
d’accroître la sympathie de la population Hutu envers les extrémistes, ce qui
était exactement le but visé par ces actions militaires[7].»
20.6.
Toutefois, dès que les forces armées du FPR purent développer une stratégie
anti-insurrectionnelle efficace, les dirigeants extrémistes Hutu changèrent de
stratégie et ciblèrent désormais les autorités civiles locales et les survivants
du génocide. Même s’ils réussirent à tuer un grand nombre de personnes, dès 1996,
«les incursions étaient devenues contre-productives pour ce qui était de rallier
la population locale». Les génocidaires optèrent donc pour une troisième stratégie
qui consistait à assurer la sécurité de leurs bases dans l’est du Zaïre en effectuant
une «purification ethnique totale» aux dépens des Tutsi zaïrois, dont certains
vivaient dans la région depuis des générations[8].
20.7.
Tous ces événements connexes — le refus de désarmer les génocidaires,
leur détermination à poursuivre le génocide par d’autres moyens, le retour de
Mobutu — furent le résultat d’une politique délibérée d’omission ou de commission
de la part de la communauté internationale. En conséquence, ces événements, c’était
prévisible, se combinèrent pour déclencher une série de développements épouvantables,
notamment deux guerres successives centrées sur le Congo-Zaïre et dont l’impact
se fait toujours sentir au moment d’écrire ces lignes. Les ramifications de ces
conflits dans l’ensemble de la région et par rapport à l’engagement de régler
les conflits pris par l’Organisation de l’Unité Africaine ont suscité de l’inquiétude,
pour dire le moins. Comme l’a déclaré en juillet 1999 le Secrétaire général des
Nations Unies, Kofi Annan, la présence de troupes armées en République du Congo
(RDC) «est au cœur du conflit sous-régional et menace la sécurité de tous les
États concernés[9].»
Certains ont baptisé ce conflit «Première guerre mondiale de l’Afrique[10]»,
d’autres «Première guerre continentale d’Afrique[11]».
Personne n’a pu chiffrer les pertes en vies humaines, mais leur nombre ne peut
pas avoir été autrement que stupéfiant; à la fin de 1999, les estimations
les plus souvent citées, comme nous le verrons en détail plus loin, étaient de
l’ordre de centaines de milliers, voire de plusieurs centaines de milliers de
combattants, civils et réfugiés.
20.8.
Le nombre d’acteurs est ahurissant et ajoute énormément à la complexité
de la situation. En 1999 et en 2000, dans la région des Grands Lacs, les forces
armées de six pays (Congo, Rwanda, Burundi, Angola, Ouganda et Zimbabwe) et de
deux anciens gouvernements (Zaïre et ex FAR) auxquelles s’ajoutaient plus d’une
douzaine de groupes rebelles opposés à l’un ou l’autre des gouvernements de la
région se livraient de violents combats intermittents. D’autres gouvernements
africains, dont ceux du Tchad, de la Libye, du Soudan et de la Namibie étaient
également impliqués d’une manière plus ou moins officielle, tandis que la France
et les États-Unis s’activaient en arrière-scène; en fait, il apparaît que les
États-Unis ont commencé à entraîner des soldats rwandais presque immédiatement
après la victoire du FPR en 1994[12].
20.9.
Cependant, d’autres complications touchent l’ensemble de l’Afrique. Plusieurs
nations, du Zimbabwe à l’Égypte, considèrent que l’issue du conflit dans la région
des Grands Lacs les touche directement. Cette situation est assez problématique,
et elle est exacerbée par les revirements spectaculaires survenus ces dernières
années dans les alliances entre les gouvernements, les rebelles et les autres
groupes armés. L’ancienne logique décrétant que «les ennemis de mes ennemis sont
mes amis» s’est avérée irrésistible et, comme c’est souvent le cas, elle s’est
traduite par des associations remarquables.
20.10.
En 1996, quatre guerres civiles faisaient rage en partie ou en totalité
sur le sol zaïrois. Elles opposaient les forces du gouvernement FPR du Rwanda
aux anciens génocidaires; le gouvernement Tutsi du Burundi à ses adversaires extrémistes
Hutu; le gouvernement ougandais de Yoweri Museveni à deux groupes rebelles différents;
et un certain nombre d’organisations rebelles au gouvernement de Mobutu. Vers
la fin de l’année, ces quatre conflits ont convergé pour former un conflit régional
à grande échelle, alors même que chacune des guerres civiles se poursuivait.
20.11.
La série de cataclysmes débuta en octobre 1996 quand pour des raisons que
nous expliquerons, l’armée rwandaise (APR), à laquelle se joignirent les combattants
Tutsi locaux entraînés au Rwanda et une petite alliance de Zaïrois anti-Mobutu,
attaqua et ferma de force les camps de réfugiés des Kivus. Le gouvernement du
FPR commença par réfuter tous les rapports qui mentionnaient son implication,
mais, six mois plus tard, le vice-président Kagamé assuma pour le Rwanda la responsabilité
de toute l’initiative[13].
Ces attaques avaient pour cause toute une panoplie de facteurs.
20.12.
Même avant le génocide et l’afflux subséquent de réfugiés au Zaïre, des
conflits distincts avaient éclaté entre Zaïrois d’origine rwandaise et groupes
locaux dans le nord et le sud du Kivu.
20.13.
«Dans le Nord, nous dit un chercheur, les Banyarwanda — littéralement,
le peuple du Rwanda — combattaient les indigènes zaïrois, appelés en français
autochtones. Environ la moitié des 3,5 millions d’habitants du nord-Kivu
étaient des Banyarwanda; environ 80 pour cent (1,4 million) d’entre eux étaient
Hutu et 20 pour cent (350 000) étaient Tutsi. Il convient de remarquer
qu’il s’agissait là d’un autre conflit dans lequel l’origine ethnique était en
général subordonnée à l’identité rwandaise. Au fil des années, il y avait eu au
Zaïre beaucoup d’interactions sociales et un grand nombre de mariages entre les
deux groupes, au point qu’il était impossible de déterminer l’appartenance ethnique
d’un grand nombre d’entre eux[14].»
20.14.
Les Banyarwanda comprenaient ceux qui avaient été amenés dans la région
par les Belges pour y travailler dans les plantations à l’époque coloniale et
ceux qui avaient fui le pays lors des pogroms organisés par les Hutu avant l’indépendance.
En 1972, une loi avait accordé la citoyenneté à tous ceux qui s’étaient installés
au Zaïre avant 1950[15].
En 1981, une nouvelle loi retira la citoyenneté zaïroise à ces résidants de longue
date, qui devenaient de ce fait apatrides[16].
20.15.
Même si les Banyarwanda étaient désormais supérieurs en nombre dans le
nord-Kivu, ils étaient persécutés de multiples façons. Au fil des années, les
tensions augmentèrent entre eux et les autres groupes ethniques à cause de différends
concernant les terres, les structures traditionnelles d’autorité et la représentation
politique sur le plan national. De 1991 à 1994, des conflits éclatèrent entre
Banyarwanda Tutsi et Hutu d’une part et contre les milices associées aux groupes
ethniques locaux d’autre part[17].
Ces attaques provoquèrent une contre-attaque des Banyarwanda qui entraîna la mort
de plus de 6 000 personnes et le déplacement de quelque 250 000 autres[18].
Telle était la situation lorsque la marée humaine causée par le génocide commença
à déferler sur l’est du Zaïre[19].
20.16.
L’arrivée soudaine en juillet 1994 de 1 200 000 réfugiés
rwandais ne pouvait qu’ajouter à la situation et transformer le conflit dans les
Kivus[20]. Avant,
le conflit opposait les autochtones à tous les Banyarwanda. La situation changea
rapidement. Malgré des générations de relations cordiales, les Tutsi et les Hutu
du Zaïre ne pouvaient rester indifférents au génocide. Les dirigeants extrémistes
Hutu y virent rapidement un nouveau bassin de recrues. Une nouvelle alliance
prit forme et les Banyarwanda Hutu s’unirent aux ex FAR, aux milices Interahamwe
ainsi qu’aux autochtones qui tentaient de les assassiner quelques jours plus tôt,
afin de s’en prendre aux Banyarwanda Tutsi. En même temps, les machettes utilisées
jusque-là furent remplacées par les fusils automatiques emportés par les exilés.
20.17.
Jusqu’au milieu de 1996, les attaques contre les Tutsi zaïrois se firent
de plus en plus fréquentes et se soldèrent par des centaines de morts et des milliers
de personnes déplacées[21].
L’horreur atteignit son apogée en mai à Masisi, une région du nord-Kivu, quand
la nouvelle alliance anti-Tutsi, encouragée par les politiques officielles du
gouvernement zaïrois, entreprit la purification ethnique des Banyarwanda Tutsi
de la région. Pourtant, personne, hormis les autres Tutsi, ne sembla se préoccuper
de la situation. «L’aspect peut-être le plus incroyable de tous les événements
de Masisi, écrit un expert, en particulier à la lumière du génocide de 1994, fut
le silence et l’inaction de la communauté internationale [...] Le silence, cette
fois, était assourdissant. Même l’appel urgent lancé par Médecins Sans Frontières
en vue d’évacuer les Tutsi encerclés demeura lettre morte. La leçon était claire :
les Tutsi du Zaïre, du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda ne pouvaient compter
que sur eux-mêmes[22].»
20.18.
Un phénomène comparable fit son apparition au sud-Kivu. Les Tutsi y étaient
appelés Banyamulenge, ou gens de Mulenge, d’après le nom de la région où ils s’étaient
d’abord installés à leur arrivée dans la région plus de deux siècles auparavant.
Pendant toutes ces années, les relations entre les Tutsi et les autochtones avaient
été harmonieuses — en fait, elles le demeurèrent jusqu’à l’époque moderne.
Les tensions débutèrent lorsque les Banyamulenge, à l’instar des autres habitants
d’origine rwandaise, furent dépouillés de leur nationalité zaïroise. Elles furent
ensuite gravement exacerbées en 1993 par l’assassinat, par des officiers
Tutsi, du Président élu Ndadaye du Burundi, d’origine Hutu. Les massacres qui
suivirent dans les deux camps poussèrent quelque 300 000 Hutu à se réfugier
dans le sud-Kivu voisin[23].
20.19.
Soudain, les autorités locales, prenant de toute évidence leurs ordres
de leurs supérieurs, se mirent à déclarer que les Banyamulenge ne seraient jamais
de vrais Zaïrois et que leurs dirigeants seraient expulsés du pays[24].
Par exemple, en octobre 1996, le lieutenant-gouverneur du sud-Kivu, Lwasi
Ngabo Lwabanji, ordonna à tous les Tutsi de quitter le pays en moins d’une semaine;
«ceux qui défieront l’ordre, annonça-t-il, seront exterminés et expulsés[25].»
Ces fonctionnaires encouragèrent l’entraînement, au sein des groupes ethniques
locaux, de milices semblables aux Interahamwe afin d’attaquer les Banyamulenge[26].
L’armée zaïroise se joignit peu après aux milices pour massacrer les Banyamulenge
et piller leurs propriétés[27].
L’anxiété déjà grande des Banyamulenge augmenta à cause de la présence dans la
région de plusieurs radicaux Hutu exilés et à cause de rapports émanant du Nord
concernant des attaques menées de toutes parts contre les Tutsi zaïrois. Il ne
fallut pas attendre longtemps pour que débutent les massacres, qui furent attribués
aux milices Banyamulenge[28].
20.20.
À ce stade, plusieurs fils de la toile des Grands Lacs convergeaient. En
octobre 1996, le gouvernement du FPR, appuyé par le gouvernement de l’Ouganda,
rassembla quatre petits groupes d’exilés anti-Mobutu au sein d’une coalition militaire
appelée Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL).
Laurent-Désiré Kabila, un vieil ennemi de Mobutu, fut nommé porte-parole de la
nouvelle alliance et en devint rapidement le chef de
facto[29].
En fait, plusieurs autorités s’entendent pour dire que la caractéristique la plus
commune à ces quatre groupes, outre le fait qu’ils étaient en exil et anti-Mobutu,
était qu’ils n’avaient à peu près pas de partisans[30].
Comme l’a reconnu plus tard le vice-président Kagamé, toute l’initiative était
en fait partie du Rwanda : l’armée rwandaise avait entraîné des Tutsi zaïrois,
elle entretenait des liens étroits avec les nouvelles milices Banyamulenge, elle
avait organisé l’AFDL et les commandants de l’APR étaient les chefs militaires
de l’AFDL[31].
20.21.
Aux mesures prises par le Rwanda s’est ensuite ajouté l’appui de trois
autres pays voisins du Zaïre — l’Ouganda, le Burundi et, plus tard, l’Angola —
qui avaient tous de sérieux griefs à l’endroit de Mobutu et qui voyaient en Kabila
une parfaite figure de proue pour l’Alliance[32].
Par ailleurs, bien que toute l’initiative ait été purement africaine, les États-Unis,
devenus le principal acteur étranger sur le continent et un allié des gouvernements
rwandais et ougandais, accordèrent également leur appui à l’AFDL[33].
20.22.
Qu’est-ce qui motivait ces quatre pays africains? L’Angola, qui ne s’était
jointe à l’Alliance qu’aux derniers jours du conflit, était minée depuis plusieurs
dizaines d’années par le soutien accordé par Mobutu à Jonas Savimbi et à ses rebelles
de l’UNITA, et ces derniers avaient saccagé le pays. C’était enfin, espérait le
gouvernement angolais, l’occasion de se débarrasser à la fois de Mobutu et de
Savimbi.
20.23.
L’Ouganda de Museveni avait vu la naissance du FPR et son gouvernement
avait continué de le soutenir jusqu’à sa victoire, de 1990 jusqu’au génocide
en 1994. L’Ouganda avait toujours été le principal fournisseur d’armes du
FPR. Le vice-président du Rwanda avait été conseiller militaire auprès de Museveni
et les deux hommes avaient continué d’entretenir des relations étroites. À l’opposé,
les chefs d’État du Zaïre et de l’Ouganda étaient tout sauf proches. Mobutu craignait
les visées de l’Ouganda sur l’est du Zaïre, qui avait de fait développé d’importants
liens économiques et culturels avec l’Afrique orientale, pendant que plusieurs
groupes rebelles ougandais lançaient leurs attaques depuis des bases zaïroises;
la chute de Mobutu semblait constituer une excellente occasion de les priver de
leurs bases d’opération[34].
20.24.
Le Burundi avait des intérêts semblables. Le pays s’enfonçait de plus en
plus dans l’anarchie d’une guerre civile sans fin. En 1987, le major Pierre Buyoya
renversa un régime en place depuis 11 ans. En 1993, Buyoya permit la tenue d’élections
multipartites à l’issue desquelles lui et son parti, à forte majorité Tutsi, furent
battus par un parti à forte majorité Hutu. Trois mois plus tard, le nouveau Président
Melchior Ndadaye fut assassiné par des officiers Tutsi, ce qui déclencha des violences
ethniques massives. Son successeur, le Hutu Cyprien Ntaryamira, mourut quelques
mois plus tard en compagnie du Président rwandais Habyarimana quand l’avion de
ce dernier fut abattu peu avant son atterrissage à Kigali, ce qui déclencha le
génocide. Un autre Hutu, Sylvestre Ntibantunganya, devint Président. En juillet
1996, alors que les combats entre les deux groupes ethniques continuaient de faire
rage, l’armée, dominée par les Tutsi, renversa le Président Ntibantunganya et
le major Pierre Buyoya occupa à nouveau la présidence.[35]
20.25.
Plusieurs milliers de civils furent tués et les dirigeants Hutu locaux
et les soldats du gouvernement en rejetèrent chacun la responsabilité sur l’autre
camp. À la suite de ces événements, une nouvelle organisation radicale Hutu
fut créée, le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD), doté d’une
division armée, le Front de défense de la démocratie (FDD). L’organisation et
sa division avaient toutes deux établi des bases dans le sud du Kivu, où le FDD
recrutait, armait et entraînait de jeunes Hutu dans le but avoué de reprendre
le pouvoir par la force au Burundi. Le départ de Mobutu aurait signifié la mise
en place d’un régime intolérant envers leur présence sur le territoire zaïrois.
Malgré tout, la contribution militaire du Burundi fut la moins importante.
20.26.
De tous les sympathisants non-zaïrois de l’AFDL de Kabila, ce fut le Rwanda
qui joua le rôle le plus important[36],
pour plusieurs raisons. Il y avait d’abord le sort réservé aux Tutsi du Zaïre
qui avaient soutenu le FPR après l’invasion de 1990 en lui fournissant des hommes,
des armes et du financement et qui, ce faisant, renforcèrent l’impression des
autochtones que leur loyauté envers le Zaïre était douteuse. Ensuite, comme nous
l’avons vu, il y avait le ton de plus en plus génocidaire de la propagande anti-Tutsi
dans les Kivus.
20.27.
Enfin, il y avait les camps de réfugiés et la totale incapacité de la communauté
internationale d’en assurer le contrôle. Comme nous l’avons vu précédemment, même
si les autorités ne s’entendent pas sur les chiffres exacts, des dizaines de milliers
d’habitants des camps étaient en fait membres des ex FAR et des milices Interahamwe.
Pour le gouvernement du FPR à Kigali, c’était là bien davantage que des manifestations
de solidarité ethnique. Les camps servaient de base de lancement aux raids menés
par les extrémistes Hutu au-delà de la frontière dans le but de tuer des Tutsi,
de collaborer avec les Hutu du Rwanda et de les inciter à la violence, de détruire
les infrastructures, de saper la confiance accordée au gouvernement pour, en bout
de ligne, reprendre le pouvoir qu’ils estimaient leur appartenir de droit, pour
qu’ils puissent terminer le «travail» entrepris durant l’épisode de 100 jours.
20.28.
Les dirigeants du FPR avaient fait savoir à plusieurs reprises, et aussi
clairement que possible, que la situation était intolérable et qu’ils prendraient
eux-mêmes des moyens d’action si la communauté internationale était incapable
de s’en occuper[37].
Comme il l’a relaté à un journaliste américain, Kagamé s’était rendu à Washington
en août 1996 pour rencontrer les représentants officiels de l’administration
Clinton. «Je leur ai demandé une solution, ils ne m’ont rien répondu, ils ne m’ont
même rien suggéré.» Un représentant du Département d’État a confirmé que Kagamé
n’avait laissé planer aucun doute. Si les camps n’étaient pas démantelés par les
Nations Unies, «quelqu’un d’autre s’en chargerait[38].»
D’une façon ou d’une autre, il fallait faire un ménage complet dans les camps.
On laissa la responsabilité publique de la campagne à l’Alliance, tandis que le
FPR la conduisait d’une main de maître sans avoir l’air de violer quelque frontière
internationale que ce soit. En fait, malgré que presque tout le monde savait que
c’était un coup monté du Rwanda, le FPR nia constamment toute implication jusqu’à
ce que Kagamé change abruptement de stratégie plus de six mois après[39].
20.29.
En octobre 1996, l’alliance contre Mobutu, APR en tête, lança son attaque
contre les camps dominés par les radicaux Hutu dans l’est du Zaïre, ce qui déclencha
une orgie de violence dans les deux camps. Les estimations des morts varient considérablement,
mais tout le monde s’entend pour dire que plusieurs milliers de réfugiés ont été
tués en même temps que des soldats Hutu et que des dislocations sociales massives
en ont résulté. Au milieu de novembre, les ex FAR et les Interahamwe furent défaits
dans leurs principaux retranchements. Les habitants des camps, civils autant que
militaires, furent forcés d’abandonner leur résidence des deux dernières années.
Soudain, près de 640 000 d’entre eux rentrèrent au Rwanda, étonnant les observateurs
qui, se fiant aux rumeurs persistantes, s’attendaient à les trouver affamés ou
malades[40].
Beaucoup d’autres, dont les estimations varient de dizaines de milliers à des
centaines de milliers selon les sources, notamment de nombreux génocidaires et
leurs familles, choisirent de s’enfoncer plus avant dans la forêt tropicale du
Zaïre, pourchassés par les organismes humanitaires qui voulaient les aider et
par les troupes du FPR qui voulaient les tuer[41].
20.30.
Seul le dernier stade de ce drame extraordinaire fut visible aux yeux du
monde. Après l’épidémie de choléra de juillet et août 1994, les médias internationaux
perdirent tout intérêt pour la région des Grands Lacs. Les équipes de télévision
remballèrent leur matériel, laissant leur auditoire ignorant des combats qui se
poursuivirent pendant des mois dans l’est du Zaïre et qui culminèrent par les
attaques menées contre les camps en octobre et novembre 1996. À la fin
d’octobre, un phénomène remarquable se produisit et prit une tournure dramatique
au début de novembre. Les médias entendirent parler des premières attaques des
forces anti-Mobutu contre les camps Hutu et du déplacement des réfugiés qui s’ensuivit.
Sur la base de ces faibles informations, les rumeurs commencèrent à circuler,
se transformant d’abord en prédictions, puis s’élevant en affirmations catégoriques
à l’effet que les réfugiés mouraient en nombre sans précédent autour du lac Kivu.
C’était une opportunité alléchante que les réseaux de télévision trouvèrent irrésistible.
Des centaines d’équipes de télévision, avec un bagage léger sur les questions
africaines, firent leur apparition à la frontière rwando-zaïroise, où les responsables
de presse des agences de réhabilitation leur confirmèrent qu’un désastre d’une
ampleur inimaginable, de la famine au choléra, allait bientôt s’abattre sur la
région.[42]
20.31.
Au cours des premières semaines de novembre, la mort appréhendée de un
million de réfugiés rwandais domina les informations mondiales. À New York, le
Secrétaire général de l’ONU Boutros-Ghali affirma qu’un «génocide par privation»
se déroulait tout juste en dehors du champ des caméras[43].
L’éditeur africain du magazine The Economist, au ton habituellement sobre, semblait
hystérique : «Catastrophe! Désastre! Apocalypse! Pour une fois, les mots
sonnent juste [...] Des centaines de milliers de personnes vont bientôt mourir
de faim et de maladie[44].»
Le Commissaire européen aux affaires humanitaires annonça que «cinq cent mille
personnes, peut-être un million de personnes dans quelques jours, vont mourir
de faim[45],»
pendant que le chef du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés craignait
«une catastrophe pire que celle que nous avons connue en 1994[46].»
20.32.
Comme nous l’avons vu, même les meilleures ONG peuvent rarement résister
aux occasions de recueillir des fonds, avantage collatéral rentable des désastres.
Elles n’ont certainement pas résisté à celle-ci. «Près d’un million de personnes
frappées par la famine et la maladie dans l’est du Zaïre[47].»
CARE annonça que «plus d’un million de vies sont en jeu[48].»
La publicité de l’organisme Sauvons les enfants commençait ainsi : «La crise
actuelle en Afrique centrale menace d’être la pire de ce siècle[49].»
20.33.
La communauté internationale, inévitablement, se joignit à la clameur.
La plupart des pays étaient poussés par la crainte d’une autre tragédie humanitaire
en Afrique, mais l’un d’eux s’en est mêlé parce qu’il y voyait une occasion à
saisir. La question portait sur la nécessité d’une intervention internationale,
et l’initiative vint de la France. Le ministre des Affaires étrangères affirma
que la situation dans les Kivus était «peut-être la pire crise humanitaire que
le monde ait connue[50]»
et son gouvernement se fit l’apôtre d’une mission internationale afin de sauver
des millions de réfugiés de la famine.
20.34.
Peu furent ceux qui admirent ce motif à première vue[51]
et le soutien de l’OUA disparut comme on comprit qu’inviter les troupes européennes
à intervenir signifierait en pratique, de façon prédominante, les soldats français;
aucun accord ne fut conclu. Un certain nombre de pays africains demandèrent que
les troupes étrangères soient utilisées pour désarmer et neutraliser les ex FAR.
Les États-Unis, malgré leurs regrets d’avoir trahi le Rwanda durant le génocide,
refusaient toujours toute intervention pouvant entraîner une participation éventuelle
aux combats. Le Canada prit alors la tête d’une mission humanitaire internationale
destinée à secourir les réfugiés soi-disant affamés et le Conseil de sécurité
adopta un certain nombre de résolutions autorisant une intervention dans l’est
du Zaïre par «une force militaire neutre» (FMN) dans un but humanitaire et afin
de «faciliter le rapatriement volontaire et dans l’ordre des réfugiés» vers le
Rwanda.
20.35.
Mais c’était trop peu, trop tard. Afin de court-circuiter ce qu’ils percevaient
comme une tentative de diversion de la part de la communauté internationale, les
forces anti-Mobutu accélérèrent leur mouvement : le 14 novembre, le
camp de réfugiés de Mugunga, dernier bastion accueillant un grand nombre de réfugiés,
tomba entre leurs mains. Après la fuite des ex FAR et des Interahamwe, quelque
640 000 réfugiés prirent la route du Rwanda devant les caméras de télévision
du monde entier. Comme une étude le souligne correctement, seulement quelques
jours après, la plupart des médias, les gouvernements occidentaux, les Nations
Unies et nombre d’agences de réhabilitation avaient atteint un consensus que l’une
des plus grandes tragédies humaines de l’histoire était imminente, «cela s’est
avéré faux de façon plutôt spectaculaire[52].»
Le lendemain, 15 novembre, le Conseil de sécurité adopta une dernière résolution
autorisant formellement le déploiement de la FMN. Mais la crise humanitaire pour
laquelle elle avait été formée disparaissait littéralement sous le regard des
caméras de télévision. Les troupes n’allèrent pas plus loin que l’aéroport d’Entebbe
en Ouganda. Les camps avaient été nettoyés et les génocidaires furent mis en fuite,
encore une fois sans l’aide de la communauté internationale[53].
20.36.
Pour la télévision, l’histoire se terminait en queue de poisson. Les catastrophes
sont beaucoup plus télégéniques. Une fois que les caméras eurent enregistré l’image
d’une longue file de réfugiés rentrant à pied vers le Rwanda ni affamés ni malades,
la région des Grands Lacs disparut de nouveau de l’écran, et donc de la conscience
du monde. La façon dont le Rwanda allait surmonter cet autre défi surhumain n’intéressait
pas davantage qu’elle l’avait fait après le génocide. Suivre à la trace ceux qui
fuyaient dans la jungle du Zaïre semblait aussi trop compliqué pour que le jeu
en vaille la chandelle. L’«effet CNN» désormais bien connu frappa une fois de
plus l’Afrique centrale. Un excellent service d’information sur la région des
Grands Lacs appelé IRIN et mis sur pied par les Nations Unies après le génocide,
mais fonctionnant indépendamment de l’Organisation, permet aux spécialistes de
suivre de près le déroulement des événements dans la région. La grande majorité
des habitants de la planète ne devaient toutefois jamais connaître le sort des
fuyards ni savoir qu’une guerre abjecte continuait de faire rage, parce que les
médias de masse avaient décidé d’une façon ou d’une autre que les événements tumultueux
qui se déroulaient au cœur de l’Afrique n’étaient pas suffisamment déchirants
pour justifier leur couverture.
20.37.
La poursuite des réfugiés à l’intérieur du Zaïre et l’avance constante
des forces anti-Mobutu ouvrirent un nouveau chapitre d’horreurs dans l’histoire
sanglante des atrocités du génocide. La chasse se poursuivit pendant des mois.
Même si les deux protagonistes s’étaient rendus coupables d’avoir commis des atrocités,
les organisations de défense des droits de l’homme conclurent que «la nature et
la portée» des atteintes commises par l’alliance anti-Mobutu étaient de loin plus
graves et plus étendues que celles commises par les génocidaires en fuite. Les
camps de réfugiés étaient attaqués et leurs habitants massacrés à qui mieux mieux.
Les troupes de l’APR commirent la plus grande part des massacres. Des escadrons
de la mort créés spécialement dans ce but donnèrent la chasse à des milliers de
leurs propres concitoyens Hutu parmi lesquels certains seulement étaient des génocidaires.
L’armée de Kabila, commandée par des hommes que Kagamé appela plus tard des «commandants
intermédiaires», se composait essentiellement de kadogos (qui, en swahili, signifie
«tout petits»), des garçons qui pouvaient avoir aussi peu que 9 ans, mais
qui étaient pour la plupart au début de l’adolescence et qui se sont vu en grand
nombre confier des armes à feu[54].
20.38.
En avril 1997, la Commission des droits de l’homme de l’ONU exprima sa
préoccupation «face aux violations continues des droits humains et des libertés
fondamentales au Zaïre, en particulier les cas d’exécution sommaire, de torture,
de traitements cruels et inhumains, de violences à l’endroit des femmes, de détention
arbitraire, de conditions d’emprisonnement inhumaines et dégradantes, en particulier
dans le cas d’enfants [...] et face au grand nombre de victimes civiles et à l’absence
flagrante de respect des droits humains et du droit international humanitaire
manifesté par l’ensemble des parties[55].»
La Commission nomma une mission d’enquête conjointe dirigée par le Rapporteur
spécial sur les droits de l’homme au Zaïre, Roberto Garreton, afin de faire la
lumière sur ces allégations. L’AFDL de Kabila refusa toutefois aux membres de
la mission l’accès libre aux régions du Zaïre sous son contrôle[56].
20.39.
Après des rencontres au Zaïre et des entrevues avec des informateurs à
Kigali et ailleurs hors du Zaïre, la mission arriva à la conclusion suivante :
«Il n’est pas possible de nier que des massacres ethniques ont été commis et que
les victimes sont en majorité des Hutu du Rwanda, du Burundi et du Zaïre. L’opinion
préliminaire de la mission est que certains de ces massacres allégués pourraient
constituer des actes de génocide. Cependant, la mission ne peut émettre une opinion
ferme et définitive sur la foi des renseignements dont elle dispose [...] Le concept
de crime contre l’humanité pourrait également être appliqué à la situation actuelle
[...] Une enquête approfondie sur le territoire de la RDC permettrait de clarifier
la situation[57].»
20.40.
Pour tenter d’assurer le suivi, en juillet 1997, après la prise du pouvoir
par Kabila de ce qu’on appelait maintenant la République démocratique du Congo,
le Secrétaire général Kofi Annan mit sur pied une équipe d’enquête afin de dénouer
l’impasse entre le Président et la mission des Nations Unies. Quand l’équipe présenta
son rapport en avril suivant, Annan dut reconnaître «avec de profonds regrets»
que le nouveau gouvernement de Kabila ne lui avait jamais permis «de mener sa
mission à bien pleinement et sans entraves[58].»
Pourtant, la mission aussi se sentit en mesure d’énoncer des conclusions «soutenues
par des preuves solides» :
«La première est que toutes
les parties au conflit qui a dévasté le Zaïre, et plus particulièrement dans sa
partie est, ont commis de graves violations des droits humains ou du droit international
humanitaire. La seconde est que les massacres commis par l’AFDL et ses alliés,
y compris des éléments de l’Armée patriotique rwandaise, constituent des crimes
contre l’humanité, tout comme le refus d’apporter une aide humanitaire aux réfugiés
Hutu du Rwanda. Les membres de l’Équipe croient que certaines des tueries peuvent
constituer un génocide, dépendant de leur intention, et demandent un complément
d’enquête sur ces crimes et leurs motifs.»[59]
20.41.
Pourtant, ce complément d’enquête ne vint jamais.
20.42.
En mai 1997, après une campagne étonnamment courte démontrant bien la décrépitude
du régime Mobutu[60],
les forces combinées de l’Ouganda, du Rwanda, de l’Angola et (dans une moindre
mesure) du Burundi, de concert avec l’alliance des forces anti-Mobutu de Laurent-Désiré
Kabila, réussirent à mettre le vieux tyran en fuite; Kabila devint chef de l’État
rebaptisé République démocratique du Congo (RDC). La France seule tenta de se
garder des places au sein du gouvernement pour certains fidèles de Mobutu, manœuvrant
pour conserver une certaine influence au sein du nouveau régime anglophone. Ailleurs,
la victoire de Kabila fut bien reçue à peu près partout. Comme l’a dit plus tard
Julius Nyerere aux membres de notre Groupe, «nous avions tous le sentiment que
Mobutu devait partir et qu’après son départ la paix régnerait.» Cet espoir fut
rapidement déçu.
20.43.
Puisque le mandat officiel de ce Groupe s’arrête à l’accession de Kabila
au pouvoir, il ne convient pas que ce rapport traite des questions ultérieures
à cet événement, sauf dans les cas où il y a des implications évidentes pour nos
recommandations. De ce point de vue, l’histoire malheureuse des trois dernières
années peut être contée plutôt brièvement. Au début de 1998, les relations de
Kabila avec ses parrains avaient déjà commencé à tourner au vinaigre. En juillet 1998,
Kabila annonça que l’accord de coopération militaire entre le Congo et le Rwanda
n’avait plus de raison d’être et qu’il y mettrait fin[61]. Les
troupes rwandaises qui avaient servi le gouvernement congolais devraient rentrer
chez elles le plus tôt possible. C’est ce qu’elles firent, pour ensuite revenir
immédiatement au Congo, cette fois-ci en tant qu’armée ennemie. En quelques jours,
la deuxième guerre au Congo débutait.
20.44.
La représentation des forces en présence changea alors radicalement. Les
anciens camarades de Kabila, du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi, s’unirent
contre lui tout en maintenant leur alliance. Ancien allié également, l’Angola
se rangea toutefois aux côtés de Kabila.[62]
Le Zimbabwe et la Namibie s’allièrent également à Kabila et ces quatre nations
signèrent en avril 1999 un pacte de défense. Il importe de noter que les conséquences
financières de ces alliances furent importantes. À la fin de 1999, la
Namibie annonça que ses dépenses militaires atteindraient 120 millions de
dollars durant l’année fiscale en cours, en hausse de 65 pour cent sur l’année
précédente. Le FMI suspendit son aide au Zimbabwe l’an dernier lorsqu’il devint
évident que le coût de l’aide apportée à Kabila était beaucoup plus élevé que
les chiffres dévoilés; les 10 000 soldats engagés par le Zimbabwe lui
coûtent, d’après les estimations, environ trois millions de dollars par mois.[63]
20.45.
Outre ces participants directs, beaucoup d’autres pays, virtuellement dans
toutes les parties du continent, ont d’une manière ou d’une autre un engagement
ou un intérêt dans cette nouvelle guerre, la portant bien au-delà d’un conflit
qui affecte seulement la RDC ou même l’Afrique centrale. Ces pays comprennent
l’Afrique du Sud, la Zambie, la Libye, le Tchad, le Soudan, l’Érythrée, l’Éthiopie,
l’Égypte, le Congo Brazzaville et la Tanzanie. En même temps, sont impliqués dans
le conflit un grand nombre de groupes armés non-gouvernementaux dans une série
d’alliances déconcertantes et souvent inattendues avec divers gouvernements. Parmi
ceux-ci, il y a en compétition différents groupes rebelles anti-Kabila; l’UNITA,
ennemi mortel du gouvernement angolais; d’anciens généraux de Mobutu, bien armés;
et les troupes des ex-FAR et les Interahamwe qui continuent d’essayer de déstabiliser
et de renverser l’actuel gouvernement rwandais.
20.46.
Les implications de ces développements sont formidables tant pour la région
que pour le Rwanda. Pour ceux qui ont la charge de résoudre le conflit au sens
large, la situation est considérablement compliquée par le fait que les divers
acteurs ont des programmes tout aussi différents, que les alliances restent fluides
et imprévisibles, que chaque pays et chaque faction ont leurs propres intérêts
et qu’en outre les actes de l’un influencent inévitablement les autres.[64]
20.47.
Quant au Rwanda, le gouvernement a pris pleine connaissance du rapport
final soumis fin 1998 par la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Rwanda.
En appelant les milices du Hutu Power «une composante significative de l’alliance
internationale» contre l’Ouganda et le Rwanda, la Commission a jugé «profondément
choquant» que ce nouvel arrangement «a conféré une forme de légitimité aux Interahamwe
et aux ex-FAR».[65]
En même temps, les ex-FAR ont établi des relations étroites de travail avec les
Hutu rebelles du Burundi, ainsi qu’avec les forces anti-Museveni opérant au Congo
oriental et à l’intérieur de l’Ouganda occidental.[66]
20.48.
Comme Mahmoud Kassem, Président de la Commission d’enquête de l’ONU, l’a
relaté au Groupe, de nouvelles recrues de combattants ainsi que des ex-FAR et
des milices Interahamwe pratiquent «un entraînement intensif dans le but apparent
d’envahir le Rwanda à partir de l’Est, conformément au plan établi par un Comité
central d’invasion[67].»
Une planification conjointe en vue d’attaques armées dans l’un et l’autre de leurs
pays, était également poursuivie par les leaders Hutu radicaux des forces insurrectionnelles
rwandaises et burundaises. Aux termes d’une enquête subséquente de l’ONU menée
en septembre 1999, «les sources indiquent un plus grand niveau de sophistication
tactique du côté des Interahamwe, des ex-FAR et du FDD [burundais][68].»
Dans l’ensemble, donc, le Rwanda est sérieusement menacé par des attaques venant
de l’Ouest, du Sud et probablement de l’Est.
20.49.
Quelque autre intérêt qu’il ait dans ce conflit, le gouvernement rwandais
reste déterminé à écraser les forces des ex FAR partout en Afrique centrale.
Qu’il ait été vice-président ou Président, le général Paul Kagamé n’a pas hésité
à définir aux médias la position de son gouvernement que si les ennemis du Rwanda
n’étaient pas désarmés, le FPR, répète-t-il avec insistance, n’aurait d’autre
choix que de rester au Congo tant que lesdits ennemis n’auront pas été neutralisés[69].
20.50.
Tous ces développements remarquables ont singulièrement compliqué l’atteinte
de la stabilité et de la paix en Afrique centrale. Mais il reste encore des complexités.
Premièrement, Mobutu n’est pas parvenu à saigner à blanc le Congo de ses vastes
richesses. Il en reste suffisamment pour attiser la convoitise de plusieurs intérêts
concurrents. On sait bien que cela inclut nombre de pays profondément engagés
dans la guerre.
20.51.
L’or et les diamants attirent également irrésistiblement les organisations
criminelles qui ont intérêt à faire en sorte que les troubles au Congo se poursuivent
indéfiniment. Derrière ces bandes armées se profilent souvent des patrons étrangers,
entreprises plus ou moins légitimes et, derrière elles encore, se trouvent des
gouvernements étrangers qui veillent en sourdine aux intérêts de leurs ressortissants.
Un chercheur conseille d’accorder une plus grande attention aux «multinationales
qui misent sur une faction ou sur une autre[70]». Les
entreprises qui ont des intérêts en RDC ont leurs sièges sociaux en Afrique du
Sud, au Zimbabwe, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada[71].
Les occasions d’intrigue, d’agitation et de déstabilisation sont illimitées.
20.52.
Il y a peu de place pour le développement, l’investissement ou l’«entrepreneurship»
traditionnel dans le Congo d’aujourd’hui. Il y a plutôt un lien direct vieux d’un
siècle entre le roi Léopold de Belgique et Mobutu et les chefs de guerre actuels[72],
qui ont tous présidé à l’«État de concessions». Ils se sont enrichis en vendant
aveuglément les ressources naturelles du pays alors que rien de durable n’a été
construit ou développé pour le peuple congolais. Dans de telles conditions, le
pillage reste la principale forme d’activité économique. Le Congo a peu de moyens
pour rembourser sa dette extérieure de 15 milliards de dollars, alors que
son remarquable potentiel minéral et non minéral, ses ressources hydroélectriques
et ses terres arables demeurent entièrement inexploitées[73].
20.53.
Il ne faut pas se méprendre sur la responsabilité centrale historique de
la communauté internationale dans la perpétuation de cet état de choses. Le roi
Léopold a activement pillé le Congo de son caoutchouc, ce qui a conduit à la mort
de la moitié de ses 20 millions d’habitants[74].
Mobutu a été, comme l’a dit un chercheur, «pendant des décennies le dictateur
favori de l’occident en Afrique[75]»
mis au pouvoir par les Américains après avoir contribué à planifier l’assassinat
de Patrice Lumumba, le seul Premier ministre démocratiquement élu de l’histoire
du Congo[76].
Et aujourd’hui, comme nous le verrons, le monde ne semble pas prêt à faire l’intervention
nécessaire pour désarmer les divers groupes meurtriers au Congo, tandis qu’il
continue de s’assurer que les armes circulent librement et en abondance d’un bout
à l’autre de l’Afrique centrale.
Trafic
d’armes
20.54.
Le problème apparemment insoluble de la prolifération des armes a continué
de s’aggraver au cours des dernières années, comme l’a démontré la Commission
d’enquête sur le Rwanda en 1998. Dans le rapport qu’il a présenté à notre Groupe
lorsque nous l’avons rencontré, le président de la Commission, Mahmoud Kassem,
a déclaré que : «L’afflux illicite et incontrôlé des armes en Afrique alimente
les conflits, renforce l’extrémisme et déstabilise le continent tout entier [...]
Le caractère explosif de la situation actuelle dans la région des Grands Lacs,
et en particulier en RDC, est alimenté par la prolifération sans précédent des
armes légères dans la région [...] Il est clair que plusieurs des livraisons d’armes
vers la région sont destinées à [...] l’un ou l’autre des 23 groupes rebelles
qui ne sont pas assujettis à l’embargo sur les armes décrété par l’ONU [comme
le sont par exemple les ex FAR, les Interahamwe et l’UNITA] [...] Tous ces groupes
rebelles sont reliés entre eux par des réseaux ouverts de livraison d’armes dirigés
par des éléments extérieurs ou par leurs propres dirigeants. Ces liens ont miné
l’efficacité des deux embargos décrétés par le Conseil de sécurité [...] Il apparaît
clairement que l’accès facile aux armes encourage les groupes politiques militants
à recourir à l’opposition armée plutôt qu’à l’opposition démocratique[77].»
20.55.
Mais les livraisons d’armes ne sont pas toutes illicites ou destinées aux
intervenants non gouvernementaux, comme le prouve un récent rapport américain
intitulé Deadly Legacy: US Arms to Africa and the Congo War.
Comme l’indique son titre, les auteurs sont très critiques envers le rôle des
États-Unis en Afrique. «Les représentants du gouvernement américain, par exemple
la secrétaire d’État Madeleine Albright et l’ambassadeur aux Nations Unies Richard
Holbrooke, peuvent bien parler d’un nouveau partenariat avec le continent africain,
fondé sur la promotion de ‘solutions africaines aux problèmes africains’. Il n’en
demeure pas moins que les problèmes auxquels sont confrontés l’Afrique et ses
peuples ont été en bonne partie alimentés par l’intervention américaine dans la
région. De plus, les solutions proposées par l’administration Clinton demeurent
axées sur des politiques contre-productives issues de la guerre froide qui façonnent
les relations entre les États-Unis et l’Afrique depuis trop longtemps [...] Malgré
le rôle manifeste qu’ils ont joué dans la naissance de ce conflit, les États-Unis
ont fait bien peu pour reconnaître leur complicité ou aider à trouver une solution
viable[78].»
20.56.
Les principales conclusions du rapport touchent directement la paix et
la stabilité futures du Rwanda et du continent entier, et méritent d’être largement
comprises[79] :
«La guerre civile qui se poursuit
en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) est un exemple parfait de l’influence
dévastatrice des politiques américaines de vente d’armes en Afrique. Les États-Unis
ont permis de prolonger le règne du dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko en lui
fournissant plus de 300 millions de dollars d’armes et 100 millions
de dollars de formation militaire. Après la prise du pouvoir par Kabila, l’administration
Clinton s’est empressée de lui offrir un soutien militaire en mettant sur pied
un nouveau programme d’entraînement des forces armées.
«Bien que l’administration Clinton
ait rapidement critiqué les gouvernements engagés dans la guerre au Congo, des
décennies de livraisons d’armes américaines et l’aide technique à l’entraînement
que continue d’offrir l’armée américaine aux deux parties ont alimenté le conflit.
Les États-Unis ont contribué à bâtir l’arsenal de huit des neuf gouvernements
engagés directement dans le conflit qui fait rage en RDC depuis le coup d’État
réussi par Kabila.
«Malgré l’échec des politiques américaines
dans la région, l’administration actuelle continue de répondre aux maux qui affligent
l’Afrique en contribuant à renforcer les dictatures militaires. En même temps
que les livraisons d’armes américaines en Afrique continuent d’augmenter, l’administration
Clinton lance une nouvelle vague de programmes d’entraînement militaire en Afrique
[...]
«Alors même qu’ils alimentent l’escalade
militaire, les États-Unis continuent de réduire leur aide au développement en
Afrique et se montrent incapables (ou peu disposés) de mettre de l’avant des solutions
de rechange non violentes.»
20.57.
Les auteurs de Deadly Legacy soutiennent de manière persuasive que
les priorités du gouvernement américain sont lourdement dénaturées. D’après leur
analyse, «l’approche adoptée par l’administration Clinton face à l’Afrique continue
de mettre l’accent sur les intérêts à court terme des États-Unis dans la région,
le maintien d’une distance sécuritaire face aux problèmes continus et l’encouragement
de réponses armées et à courte vue aux problèmes complexes de transition vers
la démocratie et de développement d’une paix internationale. Les États-Unis devraient
approfondir et élargir leurs consultations avec les gouvernements et la société
civile d’Afrique afin d’identifier les causes de l’instabilité et de la violence
et de mettre en place des solutions viables et durables [...] Les critiques font
valoir que les États-Unis mettent encore une fois leurs ressources au mauvais
endroit, faisant la promotion des relations militaires aux dépens du développement
de la démocratie et de la prévention des conflits [...] En transférant un fraction
minime de l’énergie présentement consacrée à l’aide militaire vers des solutions
de rechange non militaires qui pourraient favoriser la démocratie, le développement
et le retour à la paix, les États-Unis pourraient jouer un rôle important pour
apporter le leadership, la sécurité et la stabilité dans la région[80].»
20.58.
Il est heureux que nous ayons pu pénétrer l’idée que se font les Américains
sur leur rôle en Afrique centrale. Mais d’autres pays sont également complices
et leurs rôles ne doivent pas être oubliés. D’après l’Agence américaine pour le
contrôle des armes et le désarmement, la Chine est le principal fournisseur d’armes
de l’Afrique centrale, les États-Unis arrivant au deuxième rang et la France au
troisième; en Afrique australe, la Russie occupe le premier rang et la France
et les États-Unis sont à égalité au second rang[81].
Faire partie des trois plus importants fournisseurs d’armes de pays pauvres en
guerre nous semble une distinction peu honorable, et au moins un organe du gouvernement
américain semble d’accord avec nous sur ce point. À la fin de 1999, le Département
d’État américain affirmait que le trafic d’armes «dans la région politiquement
fragile des Grands Lacs d’Afrique centrale» avait un impact «catastrophique».
Le Département d’État concluait cependant que la situation «se poursuivrait sans
relâche dans l’avenir prévisible» puisqu’il n’existait pas de «volonté politique
suffisante de la part des leaders régionaux et internationaux» pour y mettre fin[82].
20.59.
Moins de six jours après le début de la guerre entre le Rwanda et l’Ouganda
et le gouvernement Kabila en août 1998, d’autres chefs d’État africains tentèrent
des efforts en vue de rétablir la paix. Au cours des dix mois qui suivirent, des
sommets eurent lieu presque tous les mois aux paliers ministériel et présidentiel.
Connaissant la situation complexe que nous avons décrite, ce fut un grand pas
en avant que l’«Accord sur le cessez-le-feu dans la République démocratique du
Congo», appelé plus communément Accord de Lusaka, soit signé entre la RDC, le
Zimbabwe, l’Angola, la Namibie, le Rwanda et l’Ouganda.[83] Le fait que
les trois groupes rebelles n’ont ratifié l’Accord que plus tard, après de longs
désaccords entre deux d’entre eux et suite à l’intervention d’autres gouvernements,
témoigne de la difficulté de négocier ce type d’accord. Les innombrables violations
du cessez-le-feu survenues depuis témoignent à leur tour de la difficulté encore
plus grande de mettre l’Accord en application, comme toutes les personnes impliquées
le savent. Malgré tout, il est impensable, pour l’avenir de l’Afrique, que l’Accord
ne soit pas éventuellement mis en application.
20.60.
L’Accord contient quatre grands éléments qui reflètent la dimension nationale,
régionale et internationale du conflit :
1. Une commission militaire mixte formée
de représentants des belligérants et d’un groupe d’observateurs de l’OUA/ONU a
été créée. Le rôle de cette commission est d’enquêter sur les violations du cessez-le-feu,
de mettre en place des mécanismes permettant de désarmer les milices identifiées
dans l’Accord et de surveiller le retrait des troupes étrangères du territoire
de la RDC.
2.
Les parties africaines à l’Accord
ont convenu de demander à l’ONU, en collaboration avec l’OUA, de déployer une
force de maintien de la paix dotée d’un mandat fort en vertu du Chapitre 7 qui
procure la capacité de faire respecter l’Accord (contrairement à la MINUAR, qui
n’avait qu’un mandat passif en vertu du Chapitre 6 et une force de frappe
minimale). Le rôle de ces gardiens de la paix est de désarmer les milices et de
superviser le retrait des troupes étrangères.
3. Les groupes armés doivent être cantonnés
et désarmés. Les criminels de guerre doivent être remis entre les mains du Tribunal
pénal international pour le Rwanda à Arusha.
4.
Un dialogue national congolais doit
être ouvert afin d’amener la RDC à adopter une nouvelle structure politique. Au
nom des partis congolais, l’OUA a demandé à Sir Ketumile Masire, ancien Président
du Bostwana, d’agir comme modérateur neutre dans l’organisation et la supervision
de ce processus.
20.61.
Selon l’Accord, les milices à désarmer sont les différents groupes rebelles
qui menacent leurs gouvernements respectifs : les ex FAR et les Interahamwe
dans le cas du Rwanda (l’Accord utilise explicitement l’expression «les forces
du génocide»), le FDD pour le Burundi, l’UNITA pour l’Angola et plusieurs groupes
qui ont utilisé la RDC comme base pour leurs attaques contre l’Ouganda. Aucun
de ces groupes n’est partie à l’Accord ni ne l’a signé; tous sont associés d’une
façon ou d’une autre à un gouvernement signataire. Tant qu’ils ne seront pas désarmés,
ils sont donc libres de poursuivre leurs attaques, De plus, ces «intervenants
non gouvernementaux» ont intérêt à ce que la guerre se poursuive et ils ont la
capacité de miner la totalité de l’Accord, de la même façon dont les chefs du
Hutu Power sont parvenus à miner les Accords d’Arusha.
20.62.
Si on présume avec optimisme que les gouvernements signataires respecteront
le cessez-le-feu, le désarmement des groupes rebelles est de toute évidence la
clé de l’avenir. Ce ne sera pas une tâche facile, entre autres à cause des énormes
quantités d’armes en circulation dans la région. Il faudra entre autres que les
gouvernements respectent l’engagement explicite qu’ils ont pris dans l’Accord
de se tourner contre leurs anciens alliés des ex FAR et des Interahamwe et de
les désarmer, sans quoi le Rwanda, comme il l’a très clairement laissé savoir,
n’a aucune intention d’abandonner ses opérations militaires en RDC. Parmi les
autres fauteurs de trouble potentiels, on compte les groupes armés comme les Mai-Mai
et les Banyamulenge dans l’est de la RDC et les anciens officiers et soldats de
Mobutu, fortement armés, qui continuent de s’opposer à Kabila; on estime que des
troupes de quelque 20 000 hommes fidèles à Mobutu sont campées au Congo-Brazzaville
voisin[84].
20.63.
Pourtant, malgré ces réalités, les Nations Unies, États-Unis en tête, sont
revenus à la stratégie discréditée qu’elles avaient imposée à l’origine à l’Afrique
centrale avant et pendant le génocide. Le Conseil de sécurité a approuvé une mission
des Nations Unies au Congo, la MONUC (Mission de l’Organisation des Nations Unies
au Congo), mais «le déploiement progressif du personnel militaire et civil se
fera comme l’entend le Secrétaire général et si le Secrétaire général détermine
que le personnel est en mesure […] de remplir ses fonctions dans des conditions
adéquates de sécurité et avec la collaboration des parties à l’accord de cessez-le-feu[85].»
Comme l’ont dit en privé des dirigeants de l’OUA, cela équivaut à dire que les
Nations Unies n’interviendront au Congo que si on n’a pas besoin d’elles.
20.64.
Les conclusions de la Commission Carlsson sur le rôle joué par les Nations
Unies durant la crise de 1994 au Rwanda ont condamné sévèrement la stratégie
identique que le Conseil de sécurité avait adoptée à l’époque. Quand les parties
au conflit ont refusé de collaborer et d’accepter de négocier, les Nations Unies
ont menacé de retirer leur petite mission militaire. Pourtant, comme le rapport
Carlsson l’a souligné, c’était illogique. «Les Nations Unies savaient que les
extrémistes d’un côté espéraient obtenir le retrait de la mission. Par conséquent,
la stratégie des Nations Unies de recourir à la menace du retrait de la MINUAR
pour faciliter […] le processus de paix pourrait dans les faits avoir motivé les
obstructions extrémistes au lieu de les empêcher[86].»
Quand ce rapport fut publié à la fin de 1999, le Secrétaire général Kofi
Annan dit qu’il «accepterait entièrement ses conclusions[87].»
Pourtant, les Nations Unies reproduisent exactement la même pensée illogique dans
ce cas-ci, à peine quelques semaines plus tard. Cela ne nous porte pas à voir
d’un œil optimiste la volonté de la communauté internationale de prendre au sérieux
le conflit en Afrique.
20.65.
De plus, d’après une étude, il faudrait au moins 100 000 hommes
bien armés et entraînés pour assurer et maintenir la paix de la frontière du Soudan
au nord à la frontière de la Zambie et de la frontière du Congo-Brazzaville à
la frontière de la Tanzanie[88].
Pourtant, en février 2000, agissant à la demande du Secrétaire général des Nations
Unies Kofi Annan, le Conseil de sécurité autorisa une mission de 5 537 soldats
dont le principal mandat consistait à protéger 500 observateurs du processus
de paix[89].
En Sierra Leone, on a déployé 11 000 soldats, alors que la République
démocratique du Congo compte 32 fois plus de territoire et dix fois plus
d’habitants. L’idée de demander en RDC 20 fois le nombre de soldats autorisé
par le Conseil de sécurité peut sembler incongrue compte tenu de l’expérience
passée, et ce serait certainement une proposition sans précédent à soumettre à
la communauté internationale. Pourtant, c’est ce qui semble nécessaire pour accomplir
le travail. Et si ce travail n’est pas fait maintenant, les conséquences possibles
risquent d’être épouvantables. Il convient donc de se poser la question :
quelles sont les solutions de rechange?
20.66.
Nous voyons la situation comme suit : c’est le soutien des Américains
à Mobutu qui a mené directement à la désintégration actuelle de la RDC et qui
a préparé le terrain à l’émergence du conflit. Ce sont les échecs de plusieurs
États à prévenir ou à atténuer le génocide d’abord, puis à empêcher la fuite des
génocidaires vers le Zaïre, et enfin à empêcher le Hutu Power de réapparaître
dans les camps, qui ont mené directement à ce conflit à l’échelle de l’Afrique.
Chacun de ces échecs a conduit de manière prévisible au désastre suivant, ce qui
nous permet aujourd’hui de prédire avec certitude qu’un autre défaut d’agir de
manière décisive dans un avenir immédiat se traduira par des troubles et des souffrances
encore plus graves. Cette situation crée certainement une espèce d’obligation
incontournable de la part de ces États.
20.67.
Nous devons toutefois ajouter une autre dimension critique et franchement
très coûteuse au conflit en Afrique centrale et qui a été soulevée par plusieurs
intervenants, sans trop de résultats. À Kinshasa, notre Groupe a reçu copie d’une
lettre que les équipes administratives de l’ONU en RDC ont adressée aux directions
de toutes les agences des Nations Unies, notamment aux représentants locaux de
l’UNESCO, du HCR, du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme,
de l’OIT, du PNUD, de l’UNICEF, de l’OMS et du PAM. Le message était simple. Elles
se disaient «profondément troublées» par le fait que l’Accord de Lusaka «ne comprenait
pas de composante humanitaire» et se sentaient incapables d’intervenir parce que
les fonds étaient si limités que «les activités des agences de l’ONU en RDC étaient
à toutes fins utiles à l’arrêt[90].»
20.68.
En fait, l’Accord de Lusaka incluait dans le mandat des forces de maintien
de la paix l’aide humanitaire aux personnes déplacées et aux réfugiés. Cette disposition
reconnaissait un problème de taille : l’ONU évalue à 800 000 le
nombre de personnes déplacées au Congo — des réfugiés dans leur propre pays —
et à plus de 10 millions le nombre de personnes victimes d’insécurité alimentaire[91].
Pourtant, cet élément de l’Accord était resté largement ignoré, ce qui mettait
évidemment des dirigeants d’organisations humanitaires en colère, parce que les
volets militaires de l’Accord avaient capté toute l’attention. Certains observateurs
allèrent jusqu’à dire que le déploiement d’une force militaire «sans accroissement
de l’aide humanitaire n’entraînera aucun changement significatif dans la situation
au Congo[92].»
Quoique partant d’une bonne intention, cette déclaration est fausse; en fait,
un désarmement concret est une condition sine qua non à tout autre changement positif.
20.69.
Nous sommes toutefois d’accord avec eux pour dire que «le déploiement des
observateurs de l’ONU doit s’accompagner de la création d’un ‘fonds de dividendes
de paix’ qui pourrait servir à répondre aux besoins humanitaires et à soutenir
les efforts de paix et de réconciliation sur le plan local». Dans ce but, les
groupes humanitaires ont élaboré un programme politique sérieux qui traite du
retour des réfugiés, des enfants, des veuves, des handicapés, des soins de santé,
des sources de revenus, de la sécurité alimentaire, de l’éducation et d’autres
sujets similaires[93].
En même temps, les États voisins qui ne sont pas impliqués dans le conflit, de
la Tanzanie à la République centrafricaine en passant par le Gabon, cherchent
désespérément du financement pour répondre aux besoins des centaines de milliers
de réfugiés qui ont traversé leurs frontières et qui vivent dans des conditions
sordides et misérables[94].
20.70.
Pour conclure, nous sommes convaincus que l’Afrique doit assumer une bonne
part de la responsabilité des contestations et des crises africaines. Outre le
monde extérieur, ce sont après tout certains Rwandais africains qui ont engagé
le génocide contre d’autres Africains au Rwanda, et ce sont des gouvernements
africains qui ont mené une guerre coûteuse en RDC (un point sur lequel nous nous
pencherons plus avant dans notre chapitre sur l’OUA). Il revient donc inéluctablement
aux gouvernements africains de cesser de se battre les uns contre les autres et
de rechercher la paix en mettant leurs troupes à la disposition d’un effort plus
important de maintien de la paix. Au Sommet de l’OUA qui s’est tenu à Alger en
1999, une Déclaration a été adoptée proclamant l’an 2000 «une année de paix, de
sécurité et de solidarité en Afrique.» En avril 2000, l’Organe central du Mécanisme
de l’OUA pour la prévention, la gestion et la résolution des conflits a demandé
aux États membres de «donner effet» à cette recommandation[95].
La RDC serait un endroit idéal pour en commencer l’application.
20.71.
Un autre aspect doit être ajouté à la longue liste de complications qui
empêchent tout règlement sérieux dans la région des Grands Lacs et les environs.
Les rivalités politiques et les divisions ethniques s’entrelacent, de sorte que
l’émergence d’un nouvelle polarisation ethnique menace d’engouffrer une vaste
étendue de l’Afrique. Il s’agit de la crainte d’une conspiration pan-Tutsi ou
Tutsi-Hima visant à conquérir les peuples dits Bantou occupant de vastes secteurs
du continent. Il existe vraiment, dans certaines régions du continent et plus
particulièrement dans sa partie centre-est, une tendance visant à diviser les
gens selon l’appartenance à deux groupes ethniques, presque deux races, Bantou
et Nilotique, chacune étant une extension régionale des Hutu et des Tutsi[96].
Les Nilotiques sont parfois appelés Tutsi-Hima ou Hamites. En Ouganda, au Kenya,
au Burundi et bien sûr au Rwanda, la division est reconnue depuis longtemps et
a souvent été source de frictions. Maintenant, et «de façon menaçante», comme
le dit un chercheur, «la notion d’une fraternité pan-Hamite vouée à la domination
des honnêtes peuples Bantou d’Afrique a commencé à faire partie intégrante d’une
nouvelle terminologie idéologique raciale en Afrique centrale et orientale[97].»
20.72.
Des groupes ethniques facilement reconnaissables existent dans toutes les
régions du monde et les spécialistes affirment qu’il est insensé de prétendre
le contraire. «Il est important de ne pas prétendre que nous sommes tous pareils[98].» Mais
comme l’a fait remarquer un observateur d’une grande sagesse des Grands Lacs,
«la reconnaissance des différences ethniques n’est pas un préjugé. Pour qu’elle
se transforme en préjugé, il faut deux choses : premièrement, réduire l’identité
des gens à leur ethnicité, sans égard à leurs autres caractéristiques; deuxièmement,
attribuer un jugement moral à cette identité[99].»
Les tragédies surviennent quand des démagogues sans scrupules entreprennent de
transformer des distinctions innocentes entre gens d’ethnies différentes en divisions
politiques absolues. Lorsque cela arrive, comme nous l’avons malheureusement si
bien vu dans les histoires chargées de haine du Rwanda et du Burundi, un phénomène
remarquable se produit : les Africains adoptent le comportement raciste des
Européens du 19e siècle à l’endroit d’autres Africains. Au lieu
de célébrer la diversité et d’en faire une réalité compatible avec l’identité
et l’unité nationales, on s’en sert trop souvent à des fins d’opportunisme politique
et de division.
20.73.
Les exemples de ce phénomène nous parviennent de plusieurs sources, qui
comprennent la RDC, l’Ouganda, l’Angola, la Tanzanie et le Zimbabwe. Les membres
de notre Groupe considèrent ces développements inquiétants, voire même potentiellement
dangereux. C’est vrai qu’il existe des alliances entre les chefs du Rwanda, du
Burundi et de l’Ouganda, et la théorie de la conspiration relative à un nouvel
empire Tutsi-Hima qui incorporerait l’est de la RDC repose en grande partie sur
ces liens.
20.74.
D’un autre côté, d’importants conflits opposent également ces acteurs,
comme l’ont montré les accrochages récents entre les troupes rwandaises et ougandaises
en RDC. Il est insensé de croire que l’appartenance à l’ethnie Tutsi ou Hutu d’un
Rwandais ou d’un Burundais est sa caractéristique la plus importante, ou que tous
les Hutu et tous les Tutsi ont des caractéristiques communes avec tous les autres
Hutu ou Tutsi. De même, il est insensé de recourir à l’ethnicité comme variable
déterminante des alliances entre gouvernements. Personne ne peut croire que l’Angola
et le Zimbabwe appuient Kabila parce qu’ils partagent avec lui de soi-disant antécédents
Bantou. Cela ne peut être qu’une ruse calculée pour imprimer un profil ethnique
à des questions essentiellement politiques. Le danger inhérent de ce type de manipulation
des émotions des masses a été démontré à notre Groupe dans le cadre de nos consultations
en RDC où nous avons pu entendre quelques membres de l’élite congolaise souscrire
aux notions d’une alliance et d’une conspiration «Tutsi-Hima-Nilo-Hamitique.»
20.75.
Tout aussi dérangeante, est l’apparition dans la région des Grands Lacs
d’un clone de la station de radio extrémiste Hutu RTLMC. Une nouvelle radio incendiaire
qui a commencé à émettre dans l’est du Congo en 1997 et 1998 en se désignant
elle-même comme la «Voix du Patriote». Les émissions typiques prétendent que la
RDC «a été vendue aux Tutsi» et elles appellent la population locale à s’assurer
que «les visiteurs retournent chez eux». Les «Bantous» sont conviés à «se soulever
comme un seul homme pour combattre les Tutsi», assimilés «aux Éthiopiens et aux
Égyptiens», et à «aider leurs frères Bantou à reconquérir le Rwanda et le Burundi».
S’il y a une leçon à retenir du Rwanda, c’est que les messages de haine diffusés
par les grands médias ne doivent jamais être pris à la légère[100].
20.76.
Semer la haine de la sorte est inexcusable, et nous réprouvons ce comportement
sans équivoque. Nous convions les dirigeants africains à ne pas tomber dans le
panneau en faisant appel à des concepts racistes discrédités pour soulever une
partie de la population contre l’autre. Nous réitérons également que le fait de
tolérer la diffusion de propagande haineuse outrepasse les limites acceptables
de la liberté d’expression. Et nous exhortons les dirigeants africains à réfléchir
à ce qu’impliquerait pour le continent un principe géopolitique énoncé par le
gouvernement rwandais actuel qui autoriserait un gouvernement à intervenir dans
les affaires d’un autre à partir du moment où il décréterait que les siens sont
en danger.
20.77.
Pourtant, nous nous devons aussi de dire que la politique adoptée par le
gouvernement du Rwanda fait le jeu de ses ennemis. C’est à nos yeux un dilemme
majeur. Nous avons clairement fait savoir que nous comprenions que le Rwanda soit
amer face aux trahisons répétées de la communauté internationale. Dans les moments
de grande détresse, durant le génocide, puis durant le désarmement des bandits
du Hutu Power dans les camps de réfugiés du Kivu, le monde a refusé d’intervenir.
Chaque fois, le FPR a dû agir seul. Cette réalité est maintenant acceptée comme
un dogme par le FPR : il a le droit inaliénable d’éliminer le risque que
pose le Hutu Power, où qu’il se trouve et où qu’il faille le pourchasser, ce qui
veut dire partout en Afrique, parce qu’on trouve des milices Interahamwe non seulement
en RDC, mais également en République centrafricaine, au Congo-Brazzaville, au
Burundi et en Tanzanie[101].
Ceux qui n’ont pas de sympathie pour le Rwanda désignent son armée comme «soldats
sans frontières».
20.78.
Vue sous cet angle, la crainte d’une «agression» Tutsi qui semble partagée
par plusieurs dans les pays voisins n’est pas dénuée de fondement. Les troupes
rwandaises ont traversé l’Afrique centrale, parfois par avion, pour poursuivre
les ex FAR et les milices Interahamwe et elles ont commis de graves atteintes
aux droits de l’homme en cours de route. Dans cette chasse, il n’est souvent pas
facile de distinguer un assassin Hutu d’un civil Hutu sans reproche, et il nous
semble clair que les soldats rwandais ne s’arrêtent pas souvent pour se poser
la question. Dans l’esprit des autorités rwandaises, quand de grands nombres de
civils innocents sont tués, ce ne sont que des «dommages collatéraux», des victimes
inévitables d’un problème qu’ils n’ont pas créé mais qu’ils doivent solutionner.
«Plus jamais!», dit le gouvernement de Kigali, et plusieurs civils Hutu meurent,
victimes de cette conviction inflexible.
20.79.
Les membres de notre Groupe réitèrent leur condamnation sans équivoque
de l’assassinat indiscriminé de civils Hutu. Il demeure toutefois absolument irréaliste
de croire, ne serait-ce qu’un instant, que la détermination du gouvernement pourra
être infléchie par autre chose qu’une intervention active d’autres autorités qui
se chargeront du travail elles-mêmes comme elles l’ont accepté dans l’Accord de
Lusaka
20.80.
Bien que le Rwanda, le Burundi et le Congo doivent chacun de leur côté
relever des défis différents, multiples et apparemment insurmontables, leur interdépendance —
et en fait celle des neuf États voisins — peut difficilement être surestimée.
En ce moment même, il semble difficile de concevoir comment la paix, la stabilité
et une forme de développement économique et social pourraient fleurir dans l’un
de ces pays à moins de fleurir partout. Outre les solutions domestiques aux problèmes
domestiques, il va falloir trouver des solutions régionales aux problèmes régionaux :
mais étant donné que la guerre en Afrique centrale a engouffré la quasi-totalité
du continent, du Zimbabwe au sud jusqu’à la Libye au nord, et de l’Angola à l’ouest
jusqu’à la Tanzanie à l’est, la solution de la crise exige l’intervention de toute
l’Afrique, gouvernements et organismes intergouvernementaux confondus, et le soutien
sans faille de la communauté internationale, pour enfin régler ensemble les différents
conflits interreliés[102].
Il s’agit d’une entreprise titanesque, cela ne fait pas le moindre doute. Il nous
semble toutefois extrêmement improbable qu’une initiative autre que celle-ci puisse
permettre de relever un si formidable défi.
[1] Prunier, 317-318.
[2] Ibid.
[3] David Newbury et Catharine Newbury, «An Enquiry into
the Historical Preconditions of the Rwanda Genocide», étude commanditée par le
GIEP, 1999, p. 5.
[4] Prunier, 316, 337 et 279 (voir note 139).
[5] Howard Adelman, «The Use and Abuse of Refugees in Zaire»,
13.
[6] Nations Unies, Rapport de l’équipe d’enquête du Secrétaire
général en RDC, S/1998/581.
[7] Adelman, «Use and Abuse of Refugees», 14
[8] Ibid., 14-15.
[9] Nations Unies, Rapport du Secrétaire général sur le
déploiement préliminaire des Nations Unies en République démocratique du Congo,
S/1999/790, 15 juillet 1999, paragraphes 4, 13 et 24.
[10] Ian Fisher et Norimitsu Onishi, «Many armies ravage
rich land in the First World War of Africa», New York Times, 6 février 2000, 1 et
12.
[11] Herbert Weiss, War and Peace in the Democratic republic of the Congo,
Nordic African Institute, Central African issues, no 22, 2000.
[12] Lynne Duke, «US Military Role in Rwanda Greater than
Disclosed», Washington
Post Foreign Service, 16 août 1997.
[13] John Pomfret, «Rwandans led revolt in Congo; Defense
minister says arms, troops supplied for anti-Mobutu drive», Washington Post,
9 juillet 1997.
[14] René Lemarchand, «Patterns of State Collapse and Reconstruction:
Reflections on the Crisis in the Great Lakes», Afrika Spectrum,
32, no 2 (août 1997) : 6.
[15] Ibid., 7.
[16] Abbas H. Gnamo, «The Rwandan Genocide and the Collapse
of Mobutu's Kleptocracy», dans Adelman et Suhrke, Path of a Genocide, 327.
[17] Entrevue avec Georges Nzongola-Ntalaja; et Nzongola-Ntalaja,
«From Zaire to the Democratic Republic of the Congo», Current African Issues (Nordic
African institute), No. 20, 1998.
[18] «Letter dated 29 June 1998 from the Secretary-General
addressed to the President of the Security Council», S/1998/581, 32.
[19] Lemarchand, «Patterns of State Collapse», 6.
[20] Kate Halvorsen, dans Adelman et Suhrke, Path of a Genocide,
308.
[21] S/1998/581, 32-33.
[22] Adelman, «Use and Abuse of Refugees», 16.
[23] Lemarchand, «Patterns of State Collapse», 6.
[24] S/1998/581, 35.
[25] Chris McGreal, «Trapped in a bloody triangle of terror»,
The Guardian
(Londres), 21 octobre 1996.
[26] S/1998/581, 36.
[27] Ibid.
[28] Ibid.
[29] Colette Braeckman, L’enjeu congolais : l’Afrique centrale après
Mobutu (Paris : Fayard, 1999)
[30] Weiss, War and Peace, 4; entrevue avec Filip Reytjens.
[31] Pomfret, Washington Post; également Mahmood Mamdani, «Why
Rwanda trumpeted its Role», Mail and Guardian (Johannesburg), 8 août 1997.
[32] Colette Braeckman, L’enjeu congolais: L’Afrique centrale après Mobutu
(Paris : Fayard, 1999).
[33] Ibid; Joël Boutroue, Missed Opportunities: The Role of the International
community in the Return of the Rwandan refugees from Eastern Zaire,
The Inter-University Committee on International Migration, The Rosemary Rogers
Working Paper Series, Working paper 1, juin 1998, 29, 31, 32, 33, 62
[34] Adelman, «Use and Abuse of Refugees», 18-23
[35] Jean-Pierre Chrétien, Le Défi de l’Ethnisme : Rwanda
et Burundi, 1990-1996 (Paris : éditions Karthala, 1997).
[36] Pomfret, Washington Post; également Mahmood Mamdani, «Why
Rwanda trumpeted its Role», Mail and Guardian (Johannesburg), 8 août 1997.
[37] Gnamo, dans Adelman et Suhrke, Path of a Genocide, 337.
[38] Pomfret, Washington Post.
[39] Gourevitch, We Wish to Inform You, 338; Filip Reyntjens, «The
Second Congo War: more than a remake», African Affairs, 98 (1999) : 241-250.
[40] S/1998/581, 48.
[41] Adelman, «The Use and abuse of refugees», 39; Bonaventure
Rutinwa, « The Aftermath of the genocide in the Great Lakes Region», 1999;
Human Rights Watch /Africa et FIDH, Democratic Republic of Congo: What Kabila is hiding,
civilian killings and Impunity in Congo, octobre 1997.
[42] Alex de Waal, Famine Crimes : Politics and the disaster relief industry
in Africa (Oxford : Oxford University Press, 1997), 204.
[43] Conférence de presse de l’ONU, 8 novembre 1996.
[44] Richard Dowden, "Good Intentions on the Road to
Hell", The
Independent (Londres), 3 novembre 1996.
[45] Stephan Buckley, «Disaster in the Making», International Herald
Tribune (Washington), 30 octobre 1996.
[46] Chris McGreal, «Fearful flight from Zaire», The Guardian
(Londres), 28 octobre 1996.
[47] «Oxfam: save lives in Central Africa», publicité dans
The Independent
(Londres), 10 novembre 1996.
[48] «Central African Emergency», publicité dans The Guardian (Londres),
9 novembre 1996.
[49] «Frightened children need your help», publicité dans
The Guardian
(Londres), 1er novembre 1996.
[50] Entrevue sur BBC, 8 novembre 1996.
[51]
Bonaventure Rutinwa, «The Aftermath of the Rwanda genocide in the Great
Lakes Region», document commandité par le GIEP, 1999, 81; De Waal, 206 et voir
également Adelman, «The Use and Abuse of Refugees».
[52] De Waal, 204.
[53] De Waal, 206; Adelman, «Use and Abuse of Refugees»;
Rutinwa, étude commanditée par le GIEP; entrevue avec Adelman.
[54] Human Rights Watch, «What Kabila is hiding: Civilian
killings and impunity in Congo», octobre 1997; Catharine Newbury, «Ethnicity and
the politics of history in Rwanda», Africa Today, 45, no 1, (1998) :
7; entrevue avec Colette Braeckman; Pomfret, Washington Post.
[55] Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de
l’homme, «Situation of Human Rights in Zaire», Résolution 1997/58 de la Commission
des droits de l’homme. E/CN.4/Res/1997/58.
[56] Commission des droits de l’homme de l’ONU, E/CN.4/1998/64,
«Question of the violation of human rights and fundamental freedoms in any part
of the world, with particular reference to colonial and other dependent countries
and territories. Report on the allegations of massacres and other human rights
violations occurring in eastern Zaire (now DRC) since September 1996», préparé
par M. Robert Garrett, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires, et M. Jonas Foli, membre du Groupe de travail sur les
disparitions forcées ou involontaires conformément au paragraphe 6 de la
résolution 1997/58 de la Commission des droits de la personne, 23 janvier
1998.
[57] Ibid.
[58] S/1998/581, 2.
[59] «Letter from Secretary-General to President of Security
Council, June 29, 1998, including Report of the Secretary-General’s investigative
team charged with investigating serious violations of human rights and international
humanitarian law in the DRC», S/1998/581.
[60] Lemarchand, «Patterns of State Collapse and Reconstruction»,
6.
[61] Ibid., 4.
[62] Braeckman, 395.
[63] Ibid.
[64]
David Newbury, «Understanding Genocide», African Studies Review (avril 1998), 48, no 1.
[65]
S/1998/1096, Commission d’enquête des Nations Unies.
[66] Swedish International Development Cooperation Agency
(SIDA), «Issues affecting the humanitarian situation in eastern DRC», septembre 1999,
2; «What Kabila is hiding»; entrevue avec Colette Braeckman.
[67]
Ambassador Mahmoud Kassem, «The Role of the United Nations and its Agencies
Before, During and After the Genocide,» présentation au GIEP à Addis Abeba, 20-25 septembre 1999..
[68]
Charles Petrie, conseiller senior en matières humanitaires, «Assessment
of the humanitarian situation and related issues in the territories of Uvira and
Fizi, South Kivu, Sept. 1999,» Bureau de la coordination des affaires humanitaires
des Nations Unies, RDC, 2.
[69] Lennart Wolgemuth et K. Overgaard, «Nordic African Institute
Report IV», juillet-octobre 1999, 1.
[70] Adam Hochschild, «How the bicycle led to bloodshed»,
Globe and Mail
(Toronto), 23 mars 2000.
[71] Howard Adelman, «The use and abuse of refugees in Zaire»,
26.
[72] Hochschild, King Leopold’s Ghost.
[73] Voir Georges Nzongola-Ntalaja, From Zaire to the Democratic Republic of the Congo
(Uppsala : Nordic African Institute, 1998); Hochschild, «Debt and Kabila's
Congo», Africa Recovery, (septembre 1999), 34.
[74] Hochschild, King Leopold’s Ghost, 280.
[75] Weiss, War and Peace, 22.
[76] Hochschild, 302.
[77] Ambassadeur Mahmoud Kassem.
[78] William D. Hartung et Bridget Moix, «Deadly legacy:
US Arms to Africa and the Congo War», World Policy Institute, Washington, DC (janvier
2000) : 2.
[79] Ibid.
[80] Ibid., 9-10, 14
[81] US Arms Control and Disarmament Agency, «World Military
expenditures and Arms Transfers», 1997, Washington, DC, 1999, Table III.
[82] US State Department, Bureau of Intelligence and Research,
«Arms flows to Central Africa/Great Lakes Fact Sheet», novembre 1999.
[83] International Crisic Group, «The Agreement on a Cease-fire»,
7-8.
[84] IRIN Humanitarian Information Unit, «Briefing on the
Lusaka Peace Process», 10 novembre 1999; International Crisis Group,
«The Agreement on a Cease-Fire».
[85] Conseil de sécurité des Nations Unies, communiqué de
presse SC/6809-2000224, «Le Conseil de sécurité élargit sa mission en République
démocratique du Congo, adoptant à l’unanimité la résolution 1291», 24 février
2000.
[86] Enquête indépendante sur les actions des Nations Unies,
32.
[87] Secrétaire général des Nations Unies, «Statement on
Receiving the Report of the Independent Inquiry into the Actions of the United
Nations during the 1994 Genocide in Rwanda», 16 décembre 1999.
[88] IRIN Humanitarian Information Unit, «Briefing on the
Lusaka Peace Process», 10 novembre 1999; International Crisis Group,
«The Agreement on a Cease-Fire».
[89] SC/6809, 24 February 2000.
[90] Lettre à Sergio Vieira de Mello, sous-secrétaire général,
coordonnateur de l’aide d’urgence, dans Afrik Tai et al., «Humanitarian intervention
in support of the Lusaka process in DRC», Kinshasa, 13 septembre 1999.
[91] IRIN Humanitarian Information Unit, «Briefing on the
Lusaka Peace Process», 10 novembre 1999.
[92] OSDI, «Issues affecting the humanitarian situation in
eastern DRC», septembre 1999, 9.
[93] OSDI, 9011; International Crisis Group, partie 2, 17-18.
[94] «’Tanzania: Countries hosting refugees get inadequate
aid’, Foreign Minister says», IRIN Update, 4 août 1999; «Central Africa: Heads
of state call for humanitarian crisis unit», IRIN Update, 9 août 1999.
[95]
«Report of the 63rd Ordinary Session of the Central Organ of
the OAU Mechanism for Conflict Prevention, Management and Resolution at the Level
of Ambassadors», Addis Ababa, 14 avril 2000.
[96] Reyntjens, «The Second Congo War».
[97] Hintjens, 276.
[98] Marshall Ganz, sociologue de Harvard, cité par William
Julius Wilson dans «Bridging the racial divide», The Nation, 29 décembre 1999, 21.
[99] Uvin, 30.
[100] «Great Lakes: IRIN report on the influence of hate media»,
IRIN, 26 février 1998.
[101] International Crisis Group, 24.
[102] Alex de Waal (éd.), «Structures for regional Peace and
Security», document présenté à la Conference on Humanitarian and Political Challenges
in Africa, Kigali, 12-14 octobre 1999.